La Planète économique

Où va l’économie ? Regardez vers la mer

L’économie est au beau fixe sur la planète. Si bien que, pour la première fois en 10 ans, toutes les nations industrialisées présenteront un bilan positif cette année.

Les 35 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – des États-Unis jusqu’à la Grèce, en passant par la France – verront leur économie croître cette année. Et pour 33 d’entre eux, cette croissance va même s’accélérer.

Pareil synchronisme n’est pas fréquent au sein de l’OCDE. On a vu cela la dernière fois en 2007, juste avant la crise financière. Auparavant, il y a eu des progressions simultanées à deux reprises seulement en 50 ans, soit au début des années 70 et à la fin des années 80, notent l’agence Dow Jones et la Deutsche Bank.

Bref, tout baigne en 2017. Mais pour certains, une question demeure : cette reprise est-elle solide ?

Avec les taux d’intérêt qui sont appelés à grimper aux États-Unis et en Europe, et avec l’endettement élevé des consommateurs, on peut se demander si l’économie mondiale gardera son erre d’aller. D’ailleurs, les experts ont des opinions variées à ce sujet.

Mais les vieux marins vous diront qu’un bon moyen de jauger la vigueur de l’économie est de regarder vers la mer. Car, quand des bateaux chargés de marchandises défilent sans cesse à l’horizon, les affaires sont bonnes. Et à moins d’une catastrophe, ce défilé ne s’arrêtera pas de sitôt puisque, comme un grand navire, l’économie mondiale ne peut freiner brusquement.

Place aux géants des mers

Or, les marins ne sont pas seuls à penser ainsi. 

Les grands armateurs multiplient les acquisitions cette année, et une vaste consolidation à coups de milliards de dollars en est cours dans l’industrie maritime mondiale – signe d’une confiance accrue dans l’avenir.

Du coup, le monde maritime – une industrie de 500 milliards US responsable de 90 % du commerce international de marchandises1 – est en train de passer sous le contrôle de cinq mastodontes qui dominent les océans.

Le mouvement a commencé lentement. En 2016, le groupe français CMA CGM, numéro trois mondial, mettait la main sur le singapourien NOL. Peu de temps après, l’allemand Hapag Lloyd achetait l’armateur du golfe Persique UASC, créant le cinquième groupe mondial.

Puis, les plus gros armateurs en mal de conquête ont hissé les voiles à leur tour.

Le mois dernier, le chinois Cosco a déballé une offre de plus de 6 milliards US pour son rival asiatique Orient Overseas International (OOCL), propriétaire du plus grand bateau au monde (le OOCL Hong Kong, qui peut transporter plus de 21 000 conteneurs).

Pour sa part, le danois A.P. Moller Maersk, numéro un mondial sur le marché des conteneurs, est en voie de compléter l’achat d’un armateur allemand, ce qui le maintiendra à la barre de la plus grande flotte mondiale.

En eau trouble

Avant d’arriver à bon port, l’industrie maritime a dû naviguer dans la tempête pendant des années. Pourquoi ? Deux raisons essentiellement : pas assez de commandes, trop de navires.

Après la crise financière de 2008, le commerce mondial a coulé comme une pierre, et les livraisons par bateau ont suivi.

Au même moment, les chantiers maritimes – en Chine et en Corée du Sud surtout – ont vu trop grand, construisant beaucoup trop de cargos de 2000 à 2010.

Résultat : un grave déséquilibre entre l’offre et la demande. De sorte que les marchandises ont pu voyager à des tarifs insoutenables.

Par exemple, le prix pour acheminer du charbon depuis la Chine vers l’Europe a plongé de 70 % de janvier 2014 au début de 2016, montre le Baltic Dry Index, un indice très suivi des prix pour le transport de vrac sec.

Si bien que 11 des 12 plus gros armateurs ont subi des pertes au premier semestre 2016. Le coréen Hanjin Shipping a même dû se placer à l’abri de ses créanciers l’an dernier.

Les tarifs remontent

Heureusement, les bons vents de la reprise mondiale soufflent sur l’industrie maritime, qui profite des frets en hausse de 28 % en 2017.2

Directeur général de Maersk, Soren Skou soutient que le marché montre des signes de regain de vie, avec une remontée des prix et une réduction des surcapacités. « Les fondamentaux […] sont à leur meilleur niveau depuis 2010 », a-t-il dit à la mi-août en dévoilant un profit d’exploitation de plus de 500 millions US au deuxième trimestre.

Outre les marins, les boursicoteurs aiment aussi ce qu’ils voient sur les mers. À preuve, la valeur boursière de Maersk a bondi d’environ 50 % depuis novembre. Une autre marque de confiance dans l’avenir.

1. International Chamber of Shipping

2. Indice Baltic Dry

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