Escrocs sentimentaux

Petits et grands mensonges du net

L’histoire de Max n’est certainement pas unique. Mais elle n’est pas non plus si courante, font valoir les observateurs. En fait, ce qui grouille sur le web, ce ne sont pas tant les grandes trahisons du genre, mais plutôt les petits mensonges sans importance.

N’empêche. L’histoire du footballeur américain Manti Te’o a fait bien parler l’an dernier. On se souvient que l’homme (et l’Amérique au grand complet) croyait jouer l’une des parties les plus difficiles de sa vie, alors qu’à l’autre bout du pays, avaient lieu les funérailles de sa petite amie. Elle s’appelait Lennay. Et elle aussi, il l’avait rencontrée sur le web.

Seulement voilà. Non seulement ladite petite amie n’est jamais morte, mais elle non plus, elle n’a jamais existé. Son profil aurait été inventé de toutes pièces par un proche de Manti Te’o. Leur « relation » virtuelle s’est étirée sur plus de trois ans.

À ce jour, les spéculations continuent d’alimenter les rumeurs : aurait-il été victime d’une mauvaise blague; aurait-il lui-même inventé le personnage de Lennay pour confirmer son hétérosexualité? Qui sait… Toujours est-il que cet été, le Guardian de Londres a publié une vaste enquête sur le phénomène dit du catfishing (du nom d’un docu-fiction, Catfished, diffusé en 2010 sur la question, puis transformé en série télé, sur les ondes de MTV). Cette fois-ci, c’est une bonne dizaine de femmes qui ont toutes été flouées pendant des mois, voire des années, par un profil fictif, « rencontré » sur un site de célibataires.

80 % des utilisateurs sont menteurs

Les responsables de Réseau Contact confirment voir « plusieurs fausses fiches par semaine ». Mais de ce nombre, il est impossible de savoir combien sont des arnaqueurs financiers étrangers (et ils sont nombreux), ou effectivement des arnaqueurs du cœur. « Quand on les découvre, on les désactive rapidement », assure la directrice des produits, Cynthia Bélanger.

Selon Jeffrey Hall, professeur de communications à l’Université du Kansas et auteur d’un livre sur la drague, dont la cyberdrague, l’internet permet de joindre un éventail tel de personnes qu’il est clair que les probabilités d’être floué sont du coup décuplées. « Mais en même temps, fait-il valoir, l’internet offre aussi tous les outils nécessaires pour retrouver la trace des fraudeurs. »

Selon ses recherches, les individus qui fréquentent les sites de rencontre sont là pour faire des rencontres, justement. « Ils n’ont donc aucun intérêt à mentir s’ils veulent faire des rencontres sérieuses. »

Et quand mensonges il y a (et il y en a!), ils relèvent davantage du détail que de la grande mise en scène. Environ 80 % des usagers modifient ainsi leur âge, leur poids et leur taille, révèle une enquête de la chercheuse en communications Catalina Toma, de l’Université du Wisconsin. « Mais ce sont de petits mensonges, nuance-t-elle. On parle de quelques centimètres ou quelques kilos à peine. »

Qui sont donc ces grands imposteurs, alors? La question reste entière, puisqu’à ce jour, peu ou pas d’études sérieuses n’ont été menées sur la question. Certainement des personnes troublées, mal dans leur peau, voire carrément dérangées, avancent les experts. Et les victimes? « Probablement des personnalités plus naïves, je dirais romantiques, qui ont tendance à vouloir y croire, suggère la sociologue de l’Université de l’Ohio Andrea Baker, spécialiste des relations en ligne. Des gens qui veulent désespérément un partenaire, finalement. »

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