Le courrier amoureux de Madame Chose

De retour sur le marché

Chère Madame Chose,

Accotée avec le père de mes trois fistons depuis plus de 15 ans, ce dernier a décidé il y a un an de nous sacrer là, les enfants et moi, pour une plus jeune aux seins hauts et fermes (elle n’a probablement pas allaité l’équivalent du 1/8 de sa vie) et probablement plus hot au lit. Tout le monde sait en effet que quatre trente sous n’égalent pas toujours une piasse et que l’herbe est réellement plus verte et mieux trimée chez le voisin…

Ma moitié de maison étant maintenant rachetée, et ma deuxième (!) taxe de bienvenue payée, je suis prête à me laisser séduire. Les papas beaux, fins, forts et intelligents de mon entourage étant tous mariés, je me suis rabattue sur ce qui semble être le Saint-Graal du dating : les sites de rencontre en ligne.

Quel cauchemar, je vous dis. Entre les suffisants, les monsieurs qui cherchent des petites jeunes sans enfants, minces, avec des grosses boules et qui lisent Proust, les obsédés de la galipette ou les ultrasportifs qui s’entraînent 27 fois par semaine, je n’ai pas trouvé chaussure à mon pied (et je ne chausse pas des Louboutin, je tiens à le dire).

Bref, j’ai mis ma fiche en ligne et j’ai reçu quantité de messages de gars tellement pas mon genre ou qui pourraient être mon père… Mais j’ai finalement trouvé le sourire accrocheur, le biceps musclé et l’intellect qui pourraient m’allumer. La photo de X éveille en moi des idées pas écrivables ici et notre correspondance est à ce jour, disons-le, enflammée. Pourtant, je n’arrive pas à saisir si cet homme a envie de mieux me connaître ou s’il veut seulement s’amuser. Mais le pire, c’est que si jamais il me lançait L’INVITATION, je stresserais à mort à l’idée de cette première date après tant d’années. De plus, je ne veux surtout pas effrayer l’homme en question avec mon premier trio de joueurs de hockey et mon horaire pas possible de soccer mom qui travaille à temps plein.

Bref, vos petits et grands conseils (où aller, quoi porter et quelle ligne ne pas franchir) seraient les bienvenus.

Merci.

P.-S. Le savez-vous, vous, si le ticket de métro, c’est encore à la mode ou si je dois me tourner vers l’épilation intégrale ? J’ai comme perdu le fil des tendances au cours des dernières années.

The Bond Girl

Chère Bond Girl. Il y a comme tellement d’affaires dans votre courrier du cœur que j’y répondrai par étapes. Sinon, mes délicieux lecteurs n’auront pas encore fini de s’abreuver de ma sagesse d’ici à demain et n’auront, de ce fait, pas le temps de lire la chronique de Marc Cassivi. Et avouez que ça serait dommage, surtout qu’il était à Cannes à frayer avec la jet-set internationale pis qu’il pourrait nous entretenir des heures sur les implants mammaires à l’eau Evian d’une telle ou le plan séquence d’un autre. Je me permets ici un léger aparté (c’est ma chronique et c’est moi qui décide de toute façon) pour faire une demande spéciale à monsieur Cassivi : si, par le plus malencontreux des hasards, vous recroisez Gérard Depardieu, pourriez-vous lui transmettre ce message de ma part : Monsieur Gérard, il faudrait beaucoup que vous cessiez d’être un goujat et que vous appliquiez de la CC cream sur votre rosacée. Bien à vous.

Revenons maintenant à notre programmation régulière, chère Bond Girl. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je m’intéresse plus au gratin cannois qu’à vos problèmes de femme fraîchement divorcée, quand même. Allons-y donc par étapes, je disais :

1. « Tout le monde sait en effet que quatre trente sous n’égalent pas toujours une piasse et que l’herbe est réellement plus verte et mieux trimée chez le voisin. » Ici, je dirais que tout le monde ne le sait pas, non, et que ce n’est heureusement pas si vrai que ça. Parce que le maudit gazon, là, si tu ne l’engraisses pas avec du miraculeux engrais au krill qui détruit l’écosystème marin pis si tu le tonds pas chaque dimanche, il finit par avoir l’air du diable. Pis dans mon livre à moi, si tu n’as pas été capable d’entretenir l’herbe de ton jumelé, bonne chance pour les pelouses du manoir que tu viens d’acheter avec ta nouvelle marge de crédit hypothécaire.

2. « Je n’arrive pas à saisir si cet homme a envie de mieux me connaître ou s’il veut seulement s’amuser. » C’est pas compliqué, chère. Si l’homme, au cours des 2867 courriels que vous avez échangés, ne vous a pas demandé votre couleur préférée ou si vous étiez plus salade de chou crémeuse ou traditionnelle, ça ne regarde pas bien niveau engagement.

3. « Je ne veux surtout pas effrayer l’homme en question avec mon premier trio de joueurs de hockey et mon horaire pas possible de soccer mom qui travaille à temps plein. » Même à moi, vous me faites peur. Je blague. Dites-vous que si monsieur a peur de vos marmots et de votre condition de femme qui se tue à la job, il a peur des trois quarts des Québécoises. Pis les peureux, on aime pas ça.

4. « Bref, vos petits et grands conseils (où aller, quoi porter et quelle ligne ne pas franchir) seraient les bienvenus. » Ici, je vous dirai plutôt quels endroits éviter, quels vêtements vous devriez oublier ou quelle ligne vous ne devriez pas franchir :

Les lieux à éviter : les hôtels sur le boulevard Taschereau, le jardin Tiki, la banquette arrière de son ou de votre char, les cafés internet (est-ce que ça existe encore ?) et, surtout, l’échangeur Turcot.

Les vêtements qu’il vaut mieux ne pas porter : n’importe quoi en tissu moule-bourrelet, une gaine, votre t-shirt de chat porte-bonheur, des pantalons suce-mollets et le gilet bedaine sont (vraiment) à proscrire. En dehors de ça, habillez-vous comme vous voulez. Et rappelez-vous que trop, c’est comme pas assez. Comme dirait ma mère, on ne montre pas le bas et le haut en même temps. En clair, choisissez entre un décolleté ou une minijupe.

La ligne qu’il ne faut pas franchir : évitez de lui dire que vous avez huit bébés éprouvettes cachés dans votre sous-sol. En dehors de ça, faites tout ce dont vous avez envie. Permettez-vous d’être libre et d’avoir du fun. Les histoires de « jamais le premier soir », je ne crois pas à ça. Lâchez-vous lousse et soyez fabuleuse.

5. « Le savez-vous, vous, si le ticket de métro, c’est encore à la mode ou si je dois me tourner vers l’épilation intégrale ? » Tout sauf un blanchiment de l’anus. TOUT.

J’espère que je vous aide, Bond Girl. Bonne chance avec cette première date et donnez-moi des nouvelles.

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