Science

Une « feuille artificielle » pour nettoyer l’atmosphère

Les voitures brûlent du carburant et produisent du CO2 qui réchauffe la planète. Or, des chercheurs viennent d’inventer une « feuille artificielle » qui fait exactement l’inverse : elle retire le CO2 de l’atmosphère pour le transformer en carburant. Pour l’instant, les scientifiques en sont à l’étape du prototype. Mais ils rêvent déjà de « fermes » abritant des milliers de ces feuilles qui nettoieraient l’atmosphère. Coup d’œil sur une technologie qualifiée de « percée ».

UNE RECETTE BIEN SPÉCIALE

Transformer le CO2 qui crée le réchauffement climatique en d’autres substances inoffensives : le rêve ne date pas d’hier. Les plantes, grâce à la photosynthèse, le font à merveille. Mais jusqu’à maintenant, les processus chimiques inventés par l’homme étaient trop inefficaces ou trop coûteux pour être utilisables. Pour dégrader du CO2, il faut de la lumière, un solvant et un catalyseur qui accélère la réaction chimique. Mais personne n’avait encore trouvé la combinaison gagnante. Des chercheurs de l’Université de l’Illinois, en collaboration avec plusieurs autres, croient avoir trouvé le saint Graal. On comprend qu’ils ont cherché longtemps en lisant leur recette : un catalyseur fait de « nanoflocons de diséléniure de tungstène » dans un solvant fait d’eau et d’un liquide appelé « éthyle-méthyle-imidazole tétrafluoroborate ».

20 000 FOIS MIEUX

Les chercheurs affirment que leur recette est 1000 fois plus efficace pour dégrader le CO2 que les catalyseurs utilisés jusqu’à maintenant. Et malgré le nom compliqué des ingrédients, elle est de 20 à 30 fois moins chère. « On parle d’une amélioration de la performance de 20 000 à 30 000 fois », explique à La Presse Amin Salehi-Khojin, assistant professeur de génie mécanique et industriel à l’Université de l’Illinois à Chicago et auteur principal de l’étude. Voilà pourquoi le magazine Science a présenté la découverte comme une « percée ».

UNE FEUILLE ARTIFICIELLE

Pour mettre leur découverte en pratique, les chercheurs ont ensuite construit une « feuille artificielle » qui a environ la taille d’une feuille d’arbre (surface de 18 cm2). Il s’agit en fait d’une cellule solaire qui, plutôt que de transformer la lumière en électricité, utilise le soleil pour briser les molécules de CO2. Il suffit de la placer au soleil, sans qu’elle ne soit branchée nulle part, pour qu’elle commence son travail. « Il s’agit d’un processus extrêmement efficace qui permet de convertir 90 % du CO2 capturé », explique Mohammad Asadi, chercheur à l’Université de l’Illinois à Chicago.

UN CARBURANT

Alors qu’une feuille d’arbre transforme le CO2 en sucre, la feuille artificielle le convertit en gaz de synthèse formé d’hydrogène et de monoxyde de carbone. Ce gaz de synthèse est un carburant qui peut être brûlé directement ou transformé en diésel ou en d’autres carburants. Comme les plantes, le système produit aussi de l’oxygène. « On vient boucler la boucle, explique Amin Salehi-Khojin. Au lieu de produire de l’énergie à sens unique de façon non durable en transformant des carburants fossiles en gaz à effet de serre, nous pouvons maintenant inverser le processus et recycler le carbone atmosphérique en carburant. » Selon les scientifiques, un système qui permettrait de générer du carburant en utilisant seulement le soleil et l’air à un coût comparable à celui du pétrole rendrait les carburants fossiles carrément « obsolètes ».

DE L’USINE À LA FERME

Il est important de dire que pour l’instant, l’idée n’est encore qu’au stade de prototype. Mais les bas coûts du système amènent les chercheurs à rêver tout haut de commercialisation. Ils pensent déjà à des « fermes » solaires, semblables aux centrales solaires actuelles, qui braqueraient leurs panneaux solaires vers le soleil afin de transformer le carbone de l’atmosphère en carburant. « L’autre idée serait d’installer des systèmes qui capteraient le CO2 s’échappant des usines et le convertirait en carburant qu’elles pourraient utiliser », dit Amin Salehi-Khojin. Les chercheurs ont déposé une demande de brevet et espèrent maintenant trouver des partenaires industriels.

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