Beachclub de Pointe-Calumet

Des supermarchés aux célébrités

Dans la chaleur tranquille des jours d’été, le Beachclub de Pointe-Calumet a fait une entrée fracassante dans la culture populaire québécoise.

Il y a d’abord eu Dan Bilzerian, l’Américain aux gros pectoraux et aux 11 millions d’abonnés Instagram, arrivé au-dessus des rives de l’ancienne carrière de sable de la couronne nord en hélicoptère.

Vint ensuite le joueur des Bruins de Boston Brad Marchand, filmé torse nu pendant son enterrement de vie de garçon, sur le bar de Pointe-Calumet, en juillet. Et enfin cette annonce, dévoilée par le site de potins américain TMZ : c’est au Beachclub, entre tous les lieux au monde, que la cadette du clan Kardashian, Kylie Jenner, 31 millions d’abonnés sur Instagram, fêtera ses 18 ans, samedi prochain. 

« PLEIN AUX AS »

Derrière les visites de ces vedettes, un nom : Olivier Primeau. Encore inconnu au début de l’été (700 abonnés sur Instagram, 1000 « amis » sur Facebook : autant dire l’anonymat virtuel), le jeune propriétaire est aujourd’hui la saveur du mois des médias montréalais, qui se l’arrachent. Son Beachclub de Pointe-Calumet, acheté avec son père Dominique et son frère Julien, sera l’objet d’une série télé diffusée par Bell Média, qui le décrit, dans son matériel promotionnel, comme le « joujou de luxe de deux frères pleins aux as ».

Deux frères pleins aux as ? L’expression fait rire Olivier Primeau. « C’est vraiment pour la vente, concède le jeune homme. Au début, c’était " deux fils à papa ", mais j’ai dit : faut pas pousser. » Casquettes aux initiales du Beachclub, larges lunettes de vue sur le nez, Olivier Primeau est bavard et avenant. Il s’exprime bien et son enthousiasme est contagieux. Il ressemble à n’importe quel jeune entrepreneur dans la vingtaine. À un détail près : il est riche. Ainsi, quand il visite le Beachclub de Pointe-Calumet l’an dernier – établissement fondé en 1995 –, son coup de cœur est immédiat. Il ne tergiverse pas : il lui faut absolument cette petite île de sable tout près de Montréal, au potentiel grandement sous-exploité. 

« J’ai approché mon père un jeudi : c’est le jour où il signe les chèques. Ça a pris deux semaines pour le convaincre. »

— Olivier Primeau

Chez les Primeau, les affaires se brassent en effet en famille. Depuis près de 60 ans, les Primeau travaillent dans le domaine de l’épicerie. Avec son père Dominique et son frère Julien, Olivier exploite ainsi son propre supermarché IGA à Saint-Rémi. Le trio a mis la main sur le Beachclub et son terrain de 2,8 millions de pieds carrés pour une somme gardée secrète. Un seul chiffre est volontiers publicisé : celui de la facture des travaux réalisés dans le club par la famille, qui s’élève à 1,5 million. 

« Au lieu d’acheter un autre IGA ou un immeuble commercial, on a acheté le Beachclub », résume sans gêne, mais aussi sans arrogance, Olivier Primeau. « Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Mon père a de l’argent, mais je travaille 100 heures par semaine. On a acheté notre deuxième IGA, on a 350 employés, un chiffre d’affaires de 70 millions. Oui, mon père était là avant moi, mais je n’ai pas à rougir. Je connais des amis qui ne travaillent pas. Mais je ne me vois pas rien faire. » 

LE SUD AU NORD

Les idées se bousculent dans la tête d’Olivier Primeau. Ainsi, c’est en voyage qu’est née l’envie d’offrir aux Québécois une « expérience du Sud, sans sortir de chez eux ». Son inspiration, c’est le Nikki Beach de Bali. L’établissement de luxe du groupe hôtelier français Sofitel offre non seulement une vue panoramique sur la plage balinaise, mais aussi de la fine cuisine et du champagne, le tout, sous les cocotiers et les voiles blanches. 

« C’est " high-class ", très petit, et je me suis dit : pourquoi ne pas le faire très gros, moins classe et moins cher ? », raconte Olivier Primeau. Autour de la piscine en Y construite lors des rénovations récentes du Beachclub, on retrouve donc des petites cabanes en bois décorées de voiles, des chaises longues, des coussins et des matelas sur lesquels se prélasser. L’entrée au club coûte 12 $ – en dehors des événements – et, contrairement à la pratique courante dans les grands hôtels du monde, les places dans les petits cabanons et les fauteuils les plus attractifs sont accessibles à tous. 

Les détails n’en sont pas moins soignés. Grand amateur de plantes, Dominique Primeau a fait venir 48 palmiers de Floride en camion pour décorer le club. Celui qui passe le râteau lui-même le matin sur le sable avait même installé des petits pots de lavande sur le site, qui n’ont malheureusement pas résisté à la première vague de clients du Beachclub. Il faut dire que la clientèle n’est pas des plus délicate. Ainsi, les voiles sont noués sur des cordes clouées sur les poteaux des cabanes. 

Malgré tout, avec sa piscine, ses cocotiers et ses chaises longues, la petite plage de Pointe-Calumet offre une vue assez originale au Québec.

« Quand le soleil se couche, on dirait vraiment la vue de Miami. »

— Olivier Primeau 

CÉLÉBRITÉS

Autodidacte, Olivier Primeau a le sens des affaires. Ainsi, il a, dès les débuts du Beachclub, eu l’envie d’inviter Dan Bilzerian. L’Américain, qui ne se déplace jamais sans des filles court vêtues à ses côtés, n’est pas vraiment connu hors des réseaux sociaux. Mais sur Instagram, où il renouvelle avec chaque photo le concept de femme-objet, ce riche fils à papa est une vraie star. 

« Depuis le premier jour, je voulais l’amener ici, même si c’est " cheesy-quétaine ". Il y a toute une promotion qui vient avec », explique le jeune homme. Sur le compte de Dan Bilzerian, ses photos du Beachclub ont ainsi recueilli 289 000 et 308 000 « j’aime ». 

À la programmation de musique électronique s’ajoutent donc des mégastars de la pop-culture. C’est le cas de Kylie Jenner, qui célèbrera sa majorité dans l’établissement pour un cachet situé entre 100 000 $ et 200 000 $. L’annonce seule de cet événement a donné 3000 nouveaux abonnés au Beachclub en une seule journée. Issue de la famille royale de la téléréalité, la jeune Kylie sera à Montréal avec tout son entourage. On murmure aussi que Caitlyn Jenner – autrefois connue sous le nom de Bruce Jenner, le père de Kylie – sera aussi en ville. Si tel est le cas, l’impact médiatique serait encore plus fort : depuis son apparition sur la une du Vanity Fair, Caitlyn Jenner est devenue l’une des personnalités les plus en vue des États-Unis. 

Malgré tout, gérer des mégavedettes de l’ampleur d’un Justin Bieber, qui succédera à Kylie Jenner au Beachclub le 22 août, n’est pas de tout repos. « C’est extrêmement compliqué », confirme Olivier Primeau. 

Chaque détail fait l’objet de négociations, ce qui peut ainsi aboutir à des choses surprenantes. Aussi, Justin Bieber, devenu célèbre en chantant, ne devrait pas prendre le micro au Beachclub : son rôle sera seulement d’être l’hôte d’un set du DJ MAKJ. Chantera-t-il ? Ou pas ? Le suspense reste entier. 

Malgré tout, les célébrités venues faire un tour au Beachclub ont toutes dépassé le minimum prévu à leurs contrats : c’est le cas de Dan Bilzerian, qui est resté deux heures de plus que prévu. Tous ces « stunts » publicitaires ont un coût. Mais l’argent ne semble pas être une contrainte au Beachclub de Pointe-Calumet.

« Quand on fait un show, on se rembourse. Les DJ sont payés en avance, et pour ce qui est des fonds, ça vient de notre famille. »

— Olivier Primeau 

SUR LA CARTE

Au terme d’un été très chargé, qui l’aura fait passer d’un anonymat relatif à une célébrité certaine, la vie d’Olivier Primeau aura sans doute changé. Il fêtera ses 30 ans à l’automne – un âge qui semble canonique pour celui qui ne s’entoure que de jeunes dans la vingtaine dans ses affaires. Le monde de la musique, des paillettes et de la fête n’est pas un contre-emploi pour Olivier Primeau, qui a passé sa vingtaine chez IGA, mais a fait son premier événement à l’âge de 18 ans, avec 2000 personnes dans un aréna de Sainte-Martine. 

Le jeune homme a abandonné le cégep en cours de route, mais il pourrait causer la surprise. Ainsi, il dévoile qu’il est passé tout près de porter les couleurs du Parti libéral lors des élections de 2014. « J’étais à ça, montre-t-il avec les doigts, mais c’était compliqué d’avoir une entreprise et d’être en politique. Parlez-en à Pierre Karl Péladeau ! » Autour de la table de conférence où nous discutons, son équipe semble gênée de cette confidence spontanée. Olivier Primeau précise : « Je m’intéresse à la politique. Je ne suis pas contre un parti : j’aime tous les partis ! » La politique reste sa passion. « Là, je n’ai plus le temps. Mais ce sera plus tard. Des opportunités, il y en a à l’infini. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.