Trois femmes retrouvées à Cleveland

Les secrets de l’avenue Seymour

New York

 — La plupart des voisins d’Ariel Castro ont réagi avec la même stupeur que le reste du monde en apprenant que trois jeunes femmes disparues depuis plus de neuf ans avaient vécu en captivité dans sa maison de l’avenue Seymour, à Cleveland. L’un d’eux croyait même que la demeure aux fenêtres placardées ou voilées avait été désertée.

Mais cette maison recèle des secrets horribles dont le dévoilement a commencé, lundi soir, par la découverte des trois femmes, Amanda Berry, Gina DeJesus et Michelle Knight. Hier matin, la police de Cleveland a révélé un autre détail troublant en confirmant que l’enfant retrouvée la veille en compagnie d’Amanda était sa fille, aujourd’hui âgée de 6 ans. Elle a également indiqué que les femmes avaient probablement été attachées pendant leur captivité.

Mais aucune autre information n’a été divulguée concernant les conditions de leur détention et les circonstances de leur kidnapping.

« De nombreuses questions sans réponses demeurent dans cette affaire, et l’enquête est en cours », a déclaré en conférence de presse le maire de Cleveland, Frank Jackson, qui s’est notamment demandé comment les trois femmes avaient pu vivre dans sa ville « sans être repérées pendant tout ce temps ».

Le propriétaire de la maison de l’avenue Seymour, Ariel Castro, un ancien chauffeur d’autobus scolaire âgé de 52 ans, a été arrêté avec deux de ses frères, Oneil, 50 ans, et Pedro, 54 ans.

« J’ai fait des barbecues avec ce type et on a écouté de la salsa », a déclaré Charles Ramsey, un des voisins d’Ariel Castro, exprimant son étonnement lundi soir devant les caméras de télévision.

Plus tôt dans la journée, Charles Ramsey avait entendu les cris d’Amanda Berry et l’avait aidée à sortir de la maison de Castro en défonçant le bas de la porte d’entrée à coups de pied.

Amanda Berry a par la suite appelé le 9-1-1 et formulé, d’une voix affolée, ce message qui a été entendu d’innombrables fois depuis : « Je suis Amanda Berry. J’ai été kidnappée et j’ai été portée disparue pendant 10 ans. Je suis libre maintenant. »

Ariel Castro avait reçu la visite des policiers au moins deux fois depuis son arrivée dans la maison de l’avenue Seymour. En mars 2000, la police était intervenue pour une bagarre dans la rue. En janvier 2004, elle avait tenté en vain d’interroger Castro après que celui-ci eut oublié un enfant dans un autobus pendant son heure de lunch. Elle n’avait pas poussé l’affaire plus loin.

Le USA Today a recueilli de son côté les témoignages de voisins, qui ont contacté en vain la police après avoir aperçu des scènes étranges dans l’arrière-cour de la maison de Castro, dont des femmes nues marchant à quatre pattes.

Musicien à ses heures – il a joué de la basse dans plusieurs groupes de Cleveland –, Ariel Castro a été décrit par ses connaissances comme un gars ordinaire ou sympathique. Mais l’homme qui a enlevé les trois jeunes femmes et les a privées de leur liberté pendant plus de neuf ans est un « sérieux psychopathe », selon le Dr Stephen Reich, directeur du Forensic Psychology Group à New York.

« C’est un individu qui manque totalement de compassion, qui est tellement sadique qu’il tire une sensation de pouvoir, un faux pouvoir, de l’asservissement de sa victime », a déclaré le psychologue judiciaire à La Presse. « Il peut y avoir une dimension sexuelle à cet asservissement, mais cet aspect est secondaire au manque de compassion, à l’absence de conscience. »

Amanda Berry avait été vue pour la dernière fois le 21 avril 2003 alors qu’elle quittait le restaurant où elle travaillait. Elle avait 16 ans. Sa mère est « morte de chagrin » en 2006, a déclaré un de ses proches à CNN.

Gina DeJesus avait disparu le 2 avril 2004, alors qu’elle rentrait de l’école. Elle avait 14 ans. Michelle Knight était âgée de 21 ans lorsqu’elle avait été vue pour la dernière fois, le 23 août 2002, près de la maison d’un cousin.

Les trois femmes ont retrouvé leur famille après un bref séjour à l’hôpital, où elles ont été jugées en bonne santé.

« Ces filles, ces femmes sont tellement fortes, plus fortes que moi », a déclaré Sandra Ruiz, tante de Gina DeJesus, aux journalistes.

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