À votre tour

Le jour où je suis morte

Il y a deux ans et des poussières, je suis morte. Parfois, il me semble que c’est il y a vraiment plus longtemps, mais c’est bel et bien il y a un peu plus de 24 mois.

J’étais en fin de vie depuis déjà quelques années. Il y a des jours où j’espérais que la mort arrive au plus vite, que la vie cesse, que la douleur cesse. Je n’en pouvais plus de cette douleur, de cette souffrance.

Il y avait cette foutue bête qui me grugeait le cerveau et le cœur. Une bête invisible pour bien des gens, une bête que les médecins n’arrivaient pas à éradiquer de mon corps. Quand cette bête vous gruge de l’intérieur, ça ne parait pas. Si j’avais été amputé de la jambe ou du bras, les gens auraient remarqué, mais non, moi j’étais amputée de l’intérieur. Parfois, même moi j’arrivais à oublier que la bête était là. Elle me donnait du répit par moment pour revenir plus forte par la suite.

J’ai même cru quelquefois en une rémission, que tout s’alignait pour que se pointe une guérison, pour que cette bête disparaisse enfin et que je reprenne de l’énergie, de l’engouement. Chaque fois, ça repartait de plus belle, la douleur, l’agonie, la détérioration de mon état.

Ce qui est bien, c’est que je pouvais continuer à faire mes choses, sourire (du moins, faire semblant) et vaquer à mes occupations. Je vous dirais même que lorsque je vaquais à mes occupations, j’avais l’impression que je repoussais la mort, j’avais moins mal, je me sentais plus forte qu’elle…

En plus de vivre avec ce monstre intérieur, je vivais une relation de couple difficile et une monoparentalité qui me grugeait beaucoup d’énergie. La peur d’être seule et la peur de mourir étaient plus fortes que le reste. Mon cœur, mon âme, mon cerveau et mon corps n’allaient plus…

J’ai tenté tant bien que mal de me soigner, de me guérir, de survivre. Et puis un jour, ce fut final, ce fut fatal : je suis morte. Mon âme, mon cœur et mon cerveau tout s’est éteint. Mon corps est resté animé, mais le reste n’y était plus.

Le 3 février 2012, je suis morte.

Avant ce jour fatidique, ma tête et mon cœur allaient un peu mieux, pourtant. Il me semblait voir une toute petite lumière au bout du tunnel. Et puis le verdict est tombé : « IL » me quittait pour toujours. Mon cœur a cessé de battre.

Je n’avais plus la capacité de passer au travers ce nouvel obstacle, cette rupture était de trop. La bête était devenue trop forte, trop puissante, trop présente. Je n’arrivais plus à combattre, à vouloir vivre, à vouloir m’en sortir. J’ai perdu 20 livres en trois semaines. Vous savez, quand on meurt, on ne mange plus, on ne boit plus, on dort tout le temps et on perd du poids.

Quand on meurt, on tue la bête aussi, elle meurt avec nous. C’est un peu ce qui m’est arrivé. La bête est morte. Du moins, elle a perdu beaucoup de vigueur, elle a perdu de la force. On m’avait dit que parfois, il faut atteindre le fond du baril pour remonter à la surface, et c’est vrai.

La mort est certainement le plus profond du baril qu’il soit possible. Durant des jours, des semaines, des mois, j’ai erré comme une âme en peine. J’étais une âme en peine.

Et puis, j’ai retrouvé le chemin vers la vie. Ce ne fut pas magique, il y a eu beaucoup de thérapies, de soutien et d’entraide. Cette foutue dépression, cette infâme bête qui me grugeait de l’intérieur, qui me suivait depuis trop longtemps, était bel et bien chose du passé. Le trou qu’elle laissait en moi, dans ma vie, a fait place à la passion, à la compassion, à l’amour de soi et des autres et au pardon.

J’ai repris possession de mon cœur, ma tête et mon âme. J’ai repris le contrôle de ma vie, de mon moi tout entier.

J’ai enfin pu prendre soin de moi, me soigner complètement, être moi et comprendre qui j’étais et surtout m’accepter. J’ai complètement tué la bête. J’ai compris que ma relation de couple antérieure me tuait à petit feu, que de ne pas avoir soigné mon passé me grugeait petit à petit, que je répétais sans cesse les mêmes erreurs sans jamais en tirer de leçons.

Je suis maintenant en vie, plus vivante que jamais, plus souriante, plus heureuse. Mourir fut épeurant, mais tout cela en valait le coup, tout cela en valait la peine. Je dis merci à la vie pour cette rupture, pour cette dépression et davantage pour ce retour à la vie !

Merci à tous ceux qui ont été là durant l’agonie, la mort et la renaissance. Je demande pardon à ceux que j’ai blessés au passage ; être mort, ce n’est pas facile à gérer.

Et un immense merci à mes deux enfants, mon amoureux (qui était un ami à l’époque) et à mes merveilleuses amies qui ont pris soin de mon âme et de mon cœur morts dans un corps vivant.

La vie est vraiment merveilleuse !

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