Sexualité
Pour en finir avec les préjugés sexuels
La Presse
Troublé par l’ignorance de ses élèves en matière de sexualité et surtout d’orientation sexuelle, un professeur de psychologie a décidé de prendre le taureau par les cornes. Il signe un essai clair, explicite, bourré d’exemples, de faits vécus et entendus, et surtout d’anecdotes culturelles drôlement troublantes, pour démontrer quelques grandes vérités : il existe vraiment de tout dans la nature, et la normalité est souvent bien relative.
L’objectif de
de Patrick Doucet, qui enseigne par ailleurs la psychologie de la sexualité depuis 15 ans au cégep Marie-Victorin, est clair : en finir avec toutes les « niaiseries » qui se disent et se répètent, encore aujourd’hui, sur la question des pratiques sexuelles en général et de l’homosexualité en particulier.« Le discours psychanalytique continue de parler du désir refoulé du père ou encore de l’influence de l’inconscient des parents. Certains disent encore que l’homosexualité est un choix, d’autres que c’est un péché parce que Dieu n’a jamais voulu ça. Mais tout ça, ce sont des niaiseries ! »
D’où son livre, volontairement provocateur, qui réfute, études à l’appui, toutes ces « niaiseries », pour « former la réflexion et amuser le lecteur au passage ».
Avis aux intéressés : l’auteur s’est plongé dans plusieurs lectures anthropologiques et décrit des pratiques culturelles aussi variées que dérangeantes. Le saviez-vous ? Les Sambia, une tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée, ont eu jusque dans les années 70 l’un des rituels de passage les plus troublants qui soient. Après avoir bénéficié des vertus du lait maternel, les jeunes garçons devaient goûter le « lait masculin » pour devenir à leur tour de « véritables hommes, des époux fertiles et de puissants guerriers ».
Pédophiles, les Sambia ? « Plusieurs peuples ont eu des pratiques où la virilité s’atteignait par l’absorption du sperme par voie orale, anale ou par la friction », fait valoir l’auteur.
Entre autres données troublantes, on apprend que plusieurs ont aussi des pratiques homosexuelles dites « situationnelles », c’est-à-dire pour combler un manque, à défaut de partenaires de l’autre sexe. L’exemple le mieux connu est celui des prisons. Or, apparemment, à Kandahar notamment, de nombreux hommes (la majorité ?) ont des relations avec des garçons. Parce qu’on « ne peut pas voir si les femmes sont belles », écrit un journaliste, cité dans le livre.
D’où la grande question que lui posent régulièrement ses élèves : « Comment juge-t-on si une conduite est normale ? »
À ceux qui seraient tentés de répondre que ce qui est « normal » est « naturel », donc « dans la nature » – ce que prêche évidemment le discours religieux – , l’auteur se fait un malin plaisir de rappeler que même les chats, les chiens ou carrément les perruches ont parfois des pratiques homosexuelles.
« Il serait embêtant d’accuser un pingouin de perversion morale ! »
— Patrick Doucet, propos tiré du livre
Toujours en répondant par l’absurde, l’auteur rétorque à ceux qui jugeraient que ce qui est normal, c’est aussi ce qui est pratiqué par la majorité, que cette majorité dépend bien évidemment du peuple étudié ! Sans oublier que, très souvent, les pratiques d’un peuple évoluent drôlement avec le temps. À titre d’exemple, les rapports oraux étaient marginaux chez les Américains dans les années 40. Seuls 11 % des couples s’y adonnaient. Dans les années 70, le chiffre a grimpé à 35 % et, 10 ans après, 90 % des couples se faisaient de telles douceurs. Si un comportement est anormal parce qu’il n’est pas adopté par une majorité, alors « il n’est pas normal d’être roux, d’avoir les yeux bleus, d’avoir un seul bras ou plus de 90 ans, ou de se masturber… », écrit l’auteur.
Alors qu’est-ce que la normalité ? Quand on sait que moins de 5 % de la population est exclusivement homosexuelle, que la tendance bisexuelle est plus ou moins marquée chez les hommes et les femmes, qu’il existe une homosexualité situationnelle, alors la question se pose : « Qui est hétéro exclusif ? », lance-t-il.
Peut-être que, finalement, la normalité est une question tout individuelle, conclut Patrick Doucet. Ce qui est normal dépend de l’expérience que l’on vit subjectivement, si elle est volontaire, consensuelle, qu’elle n’implique pas d’exploitation et, bien sûr, détail à ne pas négliger, qu’elle rehausse l’estime de soi. Faut-il le rappeler : « Puisque la sexualité n’est pas mauvaise en soi, elle doit, en somme, nous faire du bien. »