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Montréal peut « soutenir à long terme » une équipe de baseball, conclut une étude dévoilée hier. Le projet du retour des Expos avance lentement, mais sûrement. Explications.

Retour des Expos

Un projet plus fort que jamais

Une étude qui conclut que Montréal peut « soutenir à long terme » une équipe du baseball. Une rencontre entre le meneur du projet Stephen Bronfman et le premier ministre du Québec François Legault. Et la Ville de Montréal qui donne un coup de main en s’accordant un droit de premier refus sur le terrain convoité dans Griffintown pour construire le nouveau stade des Expos.

Le projet du retour des Expos continue d’avancer lentement, mais sûrement.

Le groupe de Stephen Bronfman est en contact régulier avec le commissaire du baseball majeur Rob Manfred. Au cours des prochains mois, il présentera au baseball majeur son étude détaillée, dont les principales conclusions ont été rendues publiques hier.

Selon l’étude, l’idéal serait de construire un stade de 32 000 sièges au centre-ville de Montréal, dont 60 loges, 5 loges pour des groupes, 100 loges en terrasse et 1400 places de club. Le stade doit absolument être près du centre-ville et accessible en transports en commun – deux conditions qui rendent le site du bassin Peel très attrayant, d’autant que la Caisse de dépôt prévoit y construire une station du REM (voir autre texte).

Les gens d’affaires montréalais qui souhaitent le retour des Expos espèrent que l’étude dévoilée hier donnera des arguments pour convaincre le baseball majeur de la vitalité économique de Montréal. Selon l’étude, Montréal est un marché économique qui se situe dans la moyenne des 27 villes actuelles du baseball majeur.

Montréal se classe au 12e rang pour le marché télévisuel, au 15e rang pour la population métropolitaine, au 18e rang pour le revenu médian des ménages et au 19e rang pour son milieu d’affaires. L’étude établit la demande à Montréal pour 13 927 abonnements de baseball, dont 2642 sièges « premium ». Le prix moyen d’un abonnement serait de 41 $ par match (3321 $ par an).

Un droit de premier refus de la Ville sur le site convoité

À Montréal, l’administration Plante vient de poser un geste qui pourrait être important dans le dossier d’un nouveau stade de baseball. Le mois dernier, la Ville de Montréal s’est accordé un droit de préemption – droit de premier refus – sur 90 sites à Montréal, dont une partie du terrain du bassin Peel, qui est le premier choix du groupe de M. Bronfman pour construire un stade au centre-ville. Ce terrain convoité au bassin Peel, près de la rue Wellington, appartient à la SIC, société d’État fédérale.

L’administration Plante indique toutefois que son droit de préemption est un « outil de planification du secteur » et n’est pas lié « préalablement à un projet » précis. « L’utilisation qui sera faite du terrain précis dont vous parlez n’est pas déterminée en date d’aujourd’hui », indique par courriel le cabinet de la mairesse de Montréal Valérie Plante, qui n’était pas disponible hier pour commenter le dossier du retour des Expos.

Un droit de préemption éloigne les promoteurs immobiliers du terrain, puisque la Ville aurait alors un droit d’acheter le terrain. « Est-ce que ça vous tente de travailler sur un projet pendant deux ou trois ans alors que la Ville peut utiliser son droit de premier refus [à la fin] ? », illustre Serge Goulet, président de la firme immobilière Devimco, qui a réalisé plusieurs projets d’envergure dans les secteurs de Griffintown et du bassin Peel, dont le District Griffin.

La Ville de Montréal peut seulement utiliser son droit de préemption pour des terrains « à des fins collectives ». La professeure d’urbanisme de l’UQAM Danielle Pilette estime que la construction d’un stade de baseball respecterait ce critère, d’autant que le stade est géré par un organisme sans but lucratif.

La SIC n’a pas voulu préciser hier si elle envisageait d’être partenaire dans un projet de stade de baseball, déclarant par courriel que « ce site sera[it] développé selon les priorités de développement et de planification préétablies avec la Ville ».

La question du financement

Et pour le financement d’un stade de baseball, un projet de plusieurs centaines de millions de dollars ?

À Ottawa, le gouvernement Trudeau est clair : le fédéral ne participe pas au financement de stades sportifs professionnels. À Québec, la Coalition avenir Québec était réceptive au projet durant la campagne électorale, mais à deux conditions : que les investisseurs privés financent au moins la majorité du coût de construction du stade et qu’ils présentent un plan d’affaires « solide et crédible  » pour le retour à long terme des Expos.

M. Bronfman a rencontré hier le premier ministre du Québec François Legault. « M. Bronfman a présenté ses intentions et son projet, mais d’un autre côté, on attend d’avoir un projet proposé en bonne et due forme avant de prendre position », dit Valérie Noël-Létourneau, attachée de presse du premier ministre Legault.

Expansion ou déménagement ?

Le retour des Expos passe forcément par l’un ou l’autre de deux scénarios : le déménagement d’une équipe ou une expansion. Le groupe de M. Bronfman se prépare aux deux éventualités.

Depuis plusieurs années, le commissaire Rob Manfred y va de commentaires positifs sur Montréal. L’été dernier, M. Manfred a indiqué son souhait d’être capable d’ajouter deux équipes d’expansion à long terme dans le baseball majeur, sans toutefois préciser d’échéancier.

Avant de penser à une expansion, le baseball majeur veut aussi régler les dossiers des stades à Tampa Bay et Oakland. À Oakland, les A’s ont pratiquement réglé le dossier de leur nouveau stade. À Tampa Bay, la situation n’a jamais semblé aussi difficile, alors que l’échéancier de trois ans donné par St. Petersburg aux propriétaires des Rays pour trouver un site se termine dans quelques semaines sans qu’un projet ait été finalisé.

Dans une lettre dévoilée plus tôt cette semaine, le commissaire Rob Manfred a critiqué le montage financier du projet à Tampa Bay, qui ne pourra vraisemblablement pas être complété avant la date butoir.

Dans l’hypothèse où une équipe du baseball majeur devient disponible, l’étude commandée par le groupe de M. Bronfman conclut que Montréal serait en très bonne posture. Parmi les six villes potentielles pour accueillir une équipe du baseball majeur (Monterrey au Mexique, San Antonio, Las Vegas, Portland, Charlotte et Montréal), Montréal se classe au premier rang pour la population, le marché télévisuel et le milieu d’affaires, et au 2e rang pour le revenu médian des ménages. Le cas de Nashville, aussi mentionnée par le baseball majeur, n’a pas été abordé dans l’étude montréalaise.

« Les résultats montrent à quel point les gens sont intéressés par le retour d’une équipe majeure de baseball [LMB] à Montréal. Les données que nous avons recueillies nous aideront grandement à atteindre notre objectif ultime de ramener la LMB à Montréal d’une manière excitante, profitable et durable », a indiqué Stephen Bronfman par voie de communiqué.

Le « Groupe de Montréal » qui cherche à faire revenir les Expos est dirigé par l’homme d’affaires Stephen Bronfman ainsi que par Pierre Boivin, président et chef de la direction de Claridge, la société d’investissement de M. Bronfman. M. Boivin a dirigé le Canadien de Montréal de 1999 à 2010. Le Groupe de Montréal compte quatre autres investisseurs : Alain Bouchard, fondateur d’Alimentation Couche-Tard, Mitch Garber, président du conseil d’administration du Cirque du Soleil, Eric Boyko, cofondateur et président de Stingray, et Stéphane Crétier, fondateur et président de Garda World. M. Crétier souhaite aussi détenir jusqu’à 10 % d’une équipe de la NBA à Montréal si ce projet se réalisait.

Les investisseurs ont préféré ne pas commenter le dossier, relayant les questions à M. Bronfman, qui a décliné notre demande d’entrevue.

Caisse de dépôt et placement du Québec

Un partenaire essentiel

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pourra remplir au moins une condition primordiale du retour des Expos : établir des transports en commun autour du site convoité pour un stade de baseball, dans Griffintown.

« L’accès aux transports en commun […] est essentiel au succès [du projet] », indique l’étude dévoilée hier par le groupe de gens d’affaires souhaitant le retour des Expos.

La Caisse indique pouvoir remplir cette condition des transports en commun avec le Réseau express métropolitain (REM). Le plan actuel du REM prévoit une station au bassin Peel, où les promoteurs du projet de retour des Expos songent à établir le futur stade de baseball. En février dernier, la Caisse a annulé le projet prévu de station souterraine sous le bassin Peel, mais elle annoncera en 2019 son nouvel emplacement.

« Nous voulons une station dans le secteur [du bassin Peel]. Cette station est incluse dans les coûts du projet. Nous travaillons actuellement avec la Ville de Montréal pour définir l’emplacement de la station pour desservir ce secteur », indique Jean-Vincent Lacroix, porte-parole de CDPQ Infra. Le REM entrera en service de 2021 à 2023.

Investissement immobilier

Selon nos informations, la Caisse s’intéresse au projet du retour des Expos bien au-delà de l’aspect des transports en commun pour le REM. Comme investisseur immobilier, la Caisse pourrait être aux premières loges d’un boom immobilier aux environs d’un stade de baseball au bassin Peel. Dans des villes comme San Francisco et Washington, la construction de stades au centre-ville a favorisé un essor immobilier.

À Ottawa, le propriétaire des Sénateurs Eugene Melnyk s’était entendu avec des promoteurs immobiliers pour revitaliser le quartier des plaines LeBreton avec un nouvel amphithéâtre, des condos et d’autres immeubles. (Dans le cas d’Ottawa, le projet est en péril, car M. Melnyk et les promoteurs ne s’entendent plus.)

L’étude dévoilée hier par le groupe de M. Bronfman précise justement que des « terrains pour du développement connexe [sont essentiels] au succès » du retour des Expos. Par son expertise, la Caisse pourrait être appelée à jouer un rôle dans cet aspect du projet. La Caisse et Claridge, la société d’investissement de M. Bronfman, font déjà des affaires immobilières ensemble.

Plus tôt cette semaine, la Caisse et Claridge ont annoncé qu’elles investiraient 100 millions dans des projets immobiliers au Québec. Les projets visés coûteront entre 5 et 15 millions chacun. Depuis 2016, Claridge et la Caisse avaient investi 100 autres millions dans ce type de projets immobiliers.

La Caisse n’a pas voulu indiquer hier si elle souhaitait contribuer à des projets immobiliers aux environs d’un futur stade de baseball ni si elle désirait contribuer au financement du stade lui-même. « Ce n’est pas dans nos pratiques de commenter à propos des investissements qu’on pourrait considérer ou pas », a indiqué Sébastien Théberge, vice-président des affaires publiques d’Ivanhoé Cambridge, la filiale immobilière de la Caisse.

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