OPINION

Les risques d’une majorité

À la veille d’élections provinciales qui semblent imminentes, il faut souligner les graves conséquences qu’entraînerait l’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire, et donc sécessionniste.

Mme Marois a fait savoir qu’un gouvernement péquiste réélu lancerait une vaste consultation autour d’un livre blanc sur l’avenir du Québec. Les électeurs sont prévenus : un gouvernement péquiste utiliserait leurs impôts pour promouvoir la sécession.

Elle a annoncé qu’un gouvernement péquiste pourrait tenir un référendum durant son nouveau mandat, mais pas nécessairement. Encore là tous sont prévenus : une victoire péquiste plongerait le Québec dans une profonde incertitude politique au moment même où notre économie est très fragile et demande toute notre attention.

Le coût de cette incertitude politique serait majeur et il faudrait y engouffrer une immense quantité d’efforts et d’énergie. Les Québécois doivent en être conscients. Joseph Facal a écrit que « l’échéance référendaire paralyse la machine gouvernementale sur presque toutes les autres questions. On ne peut pas vraiment gouverner et préparer un référendum en même temps. Tous ceux qui ont vécu cette expérience de l’intérieur vous le confirmeront. » (« Le respect du peuple », 27 septembre 2010)

« Le Québec devrait-il être un pays indépendant ? »

Mme Marois doit révéler la question qu’elle a en tête pour un tel référendum. Il n’y a aucune raison d’attendre. Les électeurs ont droit à cette information maintenant, avant le scrutin provincial. Les péquistes ne doivent plus considérer le libellé de la question comme un atout dans leur manche. Une question ne doit pas être « gagnante », elle doit être claire. Il est nécessaire que les deux camps s’entendent là-dessus. Telle est la loi au Canada et la pratique qu’on a pu observer ailleurs, comme au Monténégro et en Écosse.

D’ailleurs, pourquoi ne pas adopter la question du référendum écossais : « Le Québec devrait-il être un pays indépendant ? » Elle ferait sûrement consensus.

Certains pressent Mme Marois de clarifier si, oui ou non, il y aura un référendum en cas de victoire péquiste majoritaire. Je crois qu’elle ne doit pas s’engager à en tenir un. Elle doit plutôt continuer à dire qu’elle ne le tiendra que si elle a l’assurance raisonnable de le gagner. Et j’ajouterais : de le gagner clairement.

Dans l’intérêt de la société québécoise, tant les indépendantistes pressés que les fédéralistes en quête d’une victoire anticipée doivent réfréner leurs ardeurs référendaires. Tous doivent plutôt exiger qu’un référendum n’ait lieu que devant une volonté évidente des Québécois de renoncer au Canada pour faire du Québec un pays indépendant.

La sécession n’est pas un enjeu comme les autres. Un référendum sur la sécession est ce moment rare, inusité en démocratie, où l’on fait un tri parmi ses concitoyens : on choisit ceux que l’on veut garder et ceux que l’on veut transformer en étrangers. Cela n’a rien d’agréable. On ne tente pas d’imposer un tel déchirement à une société à moins de conclure que la déchirure a déjà eu lieu dans les esprits et dans les cœurs. Si jamais les Québécois en viennent à ne plus vouloir partager la même citoyenneté, le même pays, que les autres Canadiens, alors il sera temps d’officialiser cette volonté de rupture par un référendum, puis d’entreprendre de négocier cette tâche monumentale et inédite que serait la scission d’un État démocratique moderne.

Le mieux serait bien sûr d’élire un gouvernement qui nous libérera de cette pesante hypothèque référendaire et qui sera résolu à développer le Québec au sein du Canada.

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