Duel Pascal-Bute

Ramsay contre Larouche, l’autre combat

Lucian Bute et Jean Pascal ne seront pas les seuls à s’affronter, samedi soir au Centre Bell. À l’ombre de leur combat aura lieu un important duel entre deux entraîneurs, deux gymnases et deux stratégies.

Stéphan Larouche et Marc Ramsay sont considérés comme les deux meilleurs coachs de boxe au pays. Mais qui est le meilleur ? Le combat de samedi soir pourrait trancher la question.

Larouche est l’une des personnalités les plus visibles de son sport depuis des années. Outre les destinées de Lucian Bute, il a dirigé celles d’Éric Lucas et de Leonard Dorin.

Ramsay a quant à lui plus récemment fait son apparition dans le cénacle des grands entraîneurs. Il s’est fait un nom avec les succès de Jean Pascal et entraîne aujourd’hui les espoirs les plus prometteurs au Québec.

Les deux hommes acceptent qu’on puisse discerner, derrière l’affrontement Pascal-Bute, un duel d’entraîneurs dans le combat de samedi soir. Tous deux assument leur rivalité même s’ils disent se respecter mutuellement.

« J’ai un sens aigu de la compétition, et Stéphan aussi, explique Marc Ramsay. On veut gagner. On est des gagnants. Mais ça n’a rien de personnel. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un ami, on ne se fréquente pas. Mais je respecte beaucoup son travail. »

« Le métier d’entraîneur est dur et Stéphan est l’un des meilleurs dans la profession, poursuit l’entraîneur de Jean Pascal. Il est meilleur que bien des gars aux États-Unis qui ont une grosse réputation. »

Larouche abonde dans ce sens. « Marc a tellement cru à ses rêves. J’étais déjà dans le métier quand il a commencé et il venait me voir pour parler de boxe, raconte l’entraîneur de Lucian Bute. Je me disais : ce gars-là est vraiment passionné. Il a travaillé fort et on voit où il est rendu aujourd’hui. »

L’importance du coach

Malgré leur respect mutuel, les deux vont devoir s’affronter samedi. Dans la boxe plus que dans bien des sports, l’impact de l’entraîneur est énorme. Il est le seul à venir rompre l’infinie solitude du boxeur dans l’arène. Il est le seul à pouvoir redresser un combat qui part de travers, à pouvoir indiquer à son poulain une faille chez son adversaire, à pouvoir l’encourager, le motiver, le piquer, s’il le faut.

« Le rôle de l’entraîneur est immense en boxe, estime le promoteur Yvon Michel. Un boxeur a besoin d’avoir pleinement confiance en son entraîneur. Être convaincu que lorsqu’il va revenir à son coin entre les rounds, il va recevoir les bonnes directives. Il ne doit même pas se poser la question, ça doit être automatique. »

Michel croit par exemple qu’une mauvaise communication entre Pascal et Ramsay est l’un des facteurs qui expliquent la défaite du boxeur contre Carl Froch, en décembre 2008.

« Quand Jean a perdu contre Carl Froch en Angleterre, il n’entendait pas Marc. C’était son premier championnat du monde. C’était trop bruyant. C’est allé trop vite, dit-il. Son entraîneur n’a pas pu aller le chercher, n’a pas pu avoir de l’influence sur le combat. Ç’a été un facteur extrêmement important. »

La dernière manche à InterBox

La rivalité entre les deux entraîneurs oppose aussi deux gymnases. Larouche est affilié à InterBox et dirige ses poulains au complexe Claude-Robillard. Le second fait partie du Groupe Yvon Michel et a élu résidence dans le gymnase du promoteur, boulevard Saint-Laurent.

La dernière manche de l’affrontement entre les deux groupes a été remportée par InterBox. Le 30 novembre dernier, en sous-carte du combat opposant Adonis Stevenson et Tony Bellew, le gymnase du complexe Claude-Robillard a eu raison de celui du boulevard Saint-Laurent.

Ce soir-là, après 12 rounds serrés, le partenaire d’entraînement de Lucian Bute, Jojo Dan, a gagné une décision partagée contre un protégé de Marc Ramsay, Kevin Bizier. Dan est entraîné par Pierre Bouchard, le beau-frère de Stéphan Larouche.

« Le duel de stratégies est important, ça, c’est clair. Il y en a eu un entre Bizier et Jojo Dan, et il va y en avoir un deuxième samedi soir », promet Stéphan Larouche.

Il s’agissait d’une étape de plus dans la rivalité entre les deux groupes d’entraîneurs. Ramsay et Pascal avaient déjà eu deux fois raison d’un boxeur de Pierre Bouchard et d’InterBox dans le passé, un certain Adrian Diaconu.

Mais les enchères n’ont jamais paru monter si haut qu’aujourd’hui. En Jean Pascal et Lucian Bute, les deux entraîneurs font s’affronter leur meilleur poulain. Tous deux accompagnent ces athlètes depuis leurs débuts professionnels. Tous deux les ont forgés à leur image depuis de longues années.

Chacun dans son coin de l’arène, les deux hommes tenteront samedi de gagner le plus important combat de l’histoire de la boxe québécoise. Ils ont beau se respecter, seul l’un d’eux sortira gagnant du duel.

« J’ai beaucoup de respect pour Stéphan, mais je dois le battre samedi », tranche Marc Ramsay. C’est dit.

Duel Pascal-Bute

Ramsay attaque Larouche

La rivalité entre les deux entraîneurs a pris un tour inattendu, hier, lors de la conférence de presse officielle. Marc Ramsay a reproché à Stéphan Larouche d’avoir attaqué directement Jean Pascal en affirmant dans les médias qu’il n’était qu’un boxeur de quatre rounds, ce qui dénote un « manque de classe », selon lui.

« Un des premiers conseils que j’ai appris en boxe, c’est de ne pas parler directement aux boxeurs. Les boxeurs peuvent dire n’importe quoi l’un contre l’autre. En définitive, ils doivent assumer leurs propos dans le ring, a lancé Ramsay au micro. Ce n’est pas le cas des entraîneurs. Les entraîneurs, on peut dire qu’un boxeur est un boxeur de quatre rounds. Mais quand la cloche sonne, on descend les marches du ring. 

« Stéphan, on n’a pas besoin de se lancer dans ce jeu-là, qui frôle le manque de professionnalisme, qui frôle le manque de classe. Je pense que tu vaux mieux que ça », a lancé Ramsay.

Stéphan Larouche croit que la sortie de son vis-à-vis s’inscrit dans une stratégie « pour bien paraître ».

« J’ai le droit de parler du boxeur et je vais toujours le faire, rétorque l’entraîneur de Lucian Bute. On me pose des questions, et moi je réponds du mieux que je peux. Je n’irai pas me censurer. Mais moi, je n’irai pas tweeter des niaiseries dans la nuit et Lucian ne le fera pas non plus. »

— Gabriel Béland, La Presse

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