Chronique

Le mariage et l’argent : chuuut !

Avec le retour du mois d’août, la saison des mariages bat son plein. En effet, il s’agit du mois le plus populaire de l’année pour se marier : près du quart des quelque 22 000 mariages célébrés annuellement au Québec se déroulent en août.

La robe de la mariée, les chaussures des filles d’honneur, les centres de table, les cartons d’invitation. Si les couples préparent leurs noces jusque dans les moindres détails, il y a un élément crucial dont ils évitent de parler avant de se passer la bague au doigt : l’argent.

Chuuut ! Pas un mot. Ce n’est pas romantique.

À peine le tiers des couples (35 %) qui s’apprêtent à se marier ou à vivre en union libre ont déjà eu une véritable discussion sur leurs finances personnelles, même si 99 % admettent qu’il est important de le faire, selon un sondage dévoilé cette semaine par la Banque CIBC.

Ceux qui hésitent à parler de finances avec leur conjoint jugent qu’il est trop tôt pour le faire (50 %) et prévoient improviser selon les circonstances et d’en discuter dans leur couple lorsque l’occasion se présentera (20 %).

Erreur. Il vaut mieux s’assurer dès le départ qu’on est sur la même longueur d’onde afin d’éviter des tensions dans le futur. Car, disons-le, l’argent est la plus fréquente source de conflit dans les couples, bien avant l’éducation des enfants, les chaussettes qui traînent et autres petites habitudes qui tombent sur les nerfs.

Et les couples qui se querellent à cause de leurs finances sont aussi plus susceptibles de se séparer, ont démontré bien des études. Voilà une excellente raison pour aborder les questions d’argent avant qu’elles ne ruinent votre mariage.

PARTIR DU BON PIED

Première question à se poser : quel régime matrimonial adopter ? Par défaut, c’est la « société d’acquêts » qui s’applique au Québec. En cas de divorce, les ex doivent alors partager tous les biens acquis durant le mariage, sauf les biens propres (héritage, don, vêtements, etc.).

Mais certains couples préféreront se marier en « séparation de biens ». En cas de rupture, chacun conservera alors ses biens, sauf ceux qui font partie du patrimoine familial (résidences, meubles et voitures de la famille, REER, etc.).

Peu importe le régime matrimonial, les biens acquis avant le mariage, ainsi que la plus-value réalisée durant l’union, n’auront jamais à être partagés en cas de rupture.

Pour éviter la bisbille, il est donc sage de faire l’inventaire de ses biens au jour du mariage (pensez à inclure la valeur marchande de votre maison) et d’annexer ce document au contrat de mariage.

Dans la même veine, c’est aussi une bonne idée d’ouvrir un nouveau compte REER, au moment du mariage, et d’y verser toutes les nouvelles contributions par la suite. En cas de divorce, un compte sera partageable, l’autre non. Point. Pas besoin de faire de savants calculs pour déterminer la valeur avant, après le mariage et la plus-value.

Par ailleurs, je vous rappelle que les couples qui ne se sont pas mariés – même ceux qui ont des enfants ou qui vivent ensemble depuis 30 ans – ne sont pas couverts par la Loi sur le patrimoine familial. En cas de rupture ou de mort, les conjoints de fait n’ont ni droits ni obligations envers l’autre. C’est comme si l’ex n’avait jamais existé.

Pour éviter les désastres, les conjoints de fait devraient faire un contrat de vie commune, qui agira comme un régime matrimonial sur mesure. Ils devraient aussi profiter de l’occasion pour rédiger un testament et un mandat de protection en cas d’inaptitude, deux documents également essentiels pour les couples mariés.

DÉPENSER À DEUX

Ensuite, les jeunes couples devraient s’interroger sur la façon dont ils veulent gérer leur budget.

Les conjoints de fait devraient éviter de se répartir les postes de dépenses. Exemple : je paie l’hypothèque, tu paies la nourriture. En cas de séparation, l’un conserverait sa maison, l’autre n’aurait rien du tout.

Vaut mieux mettre les dépenses en commun et payer à deux. Quand les deux conjoints ont le même salaire, c’est facile. Mais quand l’un gagne plus que l’autre, beaucoup d’experts suggèrent de payer les dépenses au prorata du salaire des conjoints.

Prenons un couple où l’un des conjoints gagne 60 000 $ après impôts et l’autre, 40 000 $. Leurs dépenses communes s’élèvent à 50 000 $. Au lieu de verser chacun 25 000 $ dans le compte conjoint, le premier verserait 30 000 $ et le deuxième 20 000 $, explique Jamie Golombek, directeur de la planification fiscale et successorale chez CIBC.

Une autre stratégie consiste à égaliser les revenus discrétionnaires de chacun des conjoints pour éviter que celui qui gagne moins dispose de beaucoup moins d’argent que l’autre pour ses dépenses personnelles.

Si l’on reprend le même couple, le plus fortuné consacrerait 35 000 $ au budget familial et l’autre 15 000 $. Ainsi, chacun aurait 25 000 $ pour ses dépenses personnelles.

Mais évidemment, tout cela est matière à discussion. Tout est une question de personnalité.

Pas besoin d’avoir la même personnalité financière que votre conjoint pour que votre couple tienne la route, assure M. Golombek. Mais une franche discussion sur vos différences, à l’avance, peut vous éviter bien du stress.

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