Terrorisme et opportunisme

« Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous », avait dit George W. Bush au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001.

Ce célèbre précepte démagogique n’a pas tardé à refaire surface au lendemain des attentats de Boston. Le gouvernement Harper a vite sauté sur l’occasion d’exploiter la tragédie à des fins partisanes en choisissant d’imposer à ce moment précis un débat sur le durcissement des règles antiterroristes. Il faut bien battre le fer de la peur pendant qu’il est chaud.

L’empressement du premier ministre Stephen Harper ne semble pas étranger à son intention de surfer sur les déclarations maladroites de Justin Trudeau. En entrevue avec Peter Mansbridge, au lendemain des attentats de Boston, le nouveau chef libéral, multipliant les lieux communs, a montré très clairement qu’il n’avait ni l’étoffe d’un chef ni celle d’un premier ministre. Interrogé au sujet de la tragédie de Boston, il a déclaré que le gouvernement devrait se pencher sur « les causes profondes » de ces actes de violence. Alors qu’aucun suspect n’avait encore été arrêté, il a aussi dit qu’il était « évident », rien de moins, que les attentats s’étaient produits « parce qu’il y a une personne qui se sent complètement exclue ».

À ces déclarations maladroites, Stephen Harper a répondu par de la démagogie. Profitant de cette occasion en or d’instrumentaliser les attentats de Boston, le premier ministre nous a offert, dans sa réplique à Justin Trudeau, sa propre version du précepte de Bush. Ce n’est pas le moment de s’asseoir autour d’une table pour s’excuser ou pour songer aux causes profondes, a-t-il dit. Il faut condamner et punir durement, un point, c’est tout. En d’autres mots : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec Justin Trudeau et les terroristes… Au nom de l’obsession sécuritaire, on aimerait simplement, en passant, vous confisquer quelques-uns de vos droits. Mais rassurez-vous, c’est pour votre bien. Surtout, ne réfléchissez pas.

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Je sais que ce n’est pas bien, mais des fois, je l’avoue honteusement, je réfléchis. Les nombreuses réactions à ma chronique de samedi portant sur la chasse aux monstres à Boston m’ont beaucoup fait réfléchir. Il s’agissait d’une chronique où, horrifiée par les attentats du marathon, je me suis intéressée à la frontière mince et troublante entre les gens ordinaires et les pires criminels. Je soulignais le fait que les gens qui commettent des monstruosités sont, hélas, rarement des monstres. Loin de banaliser leurs actes, cela leur donne un caractère encore plus terrifiant.

Premier constat en lisant les commentaires : j’ai la chance d’avoir une majorité de lecteurs brillants. Qu’ils soient d’accord ou non avec mon propos, ils nourrissent à leur tour ma réflexion, me contredisent avec intelligence, me proposent de nouvelles pistes. Pour moi qui ai pris la barre de cette chronique un certain 10 septembre 2001, cette conversation est un gage de civilisation.

Deuxième constat : certains, minoritaires, mais malheureusement bruyants, semblent prendre un malin plaisir à déformer mes propos, m’accusant à tort de cautionner l’islamisme radical, de justifier l’injustifiable ou de banaliser le terrorisme. Ce sont de graves accusations, extrêmement insultantes. Quand le message vient d’un lecteur anonyme qui s’ennuie dans son sous-sol, passe encore. Mais je m’attends à un minimum de rigueur (ou peut-être pas…) de la part d’un Richard Martineau, par exemple, qui a le privilège d’avoir une tribune dans un quotidien. Il l’a peut-être oublié, mais une tribune vient avec des responsabilités, dont celle, sans doute un peu embêtante pour lui, de réfléchir avant d’écrire.

Hier, ce chroniqueur, qui mérite un Pullitzer pour ses raccourcis intellectuels, me prêtait des idées grotesques qui ne sont pas les miennes. Il ne fait pas la distinction entre « musulmans » et « islam radical ». Il m’accuse à tort de faire porter la responsabilité des actes terroristes barbares sur la société d’accueil, ce qui va à l’encontre de mes convictions profondes. Sa technique d’abêtissement est toujours la même : une phrase hors contexte, des nuances passées au tordeur de sa mauvaise foi, des accusations sans fondements et hop ! Le tour est joué. 

Résultat : j’ai reçu hier une série de messages haineux de lecteurs qui semblaient avoir avalé la bouillie mensongère du chroniqueur. On me dit gentiment que je suis la plus « sale » des journalistes, une « ordure », une chroniqueuse « détestable », un « monstre », qui doit évidemment retourner dans son pays.

Merci, Monsieur le chroniqueur. C’est toujours un honneur.

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