SÉRIE 3 DE 3

MISSION : CONTRIBUER À NOURRIR LE MONDE

NOM : Cathy Fraser

PROFESSION : Productrice laitière, deuxième vice-présidente de La Coop Univert et administratrice à La Coop fédérée

VILLE : Lac-aux-sables

La profession agricole a longtemps été une affaire d’hommes. Encore aujourd’hui, la place des femmes en agriculture demeure un enjeu, alors que 73 % des agriculteurs québécois sont des hommes. Cathy Fraser est une agricultrice qui n’a pas froid aux yeux. En plus d’être copropriétaire d’une ferme laitière et restauratrice, cette femme d’affaires est mère de trois enfants et est très engagée dans sa communauté et le milieu agricole.

ORIGINAIRE DE LAVAL, VOUS N’ÉTIEZ PAS DESTINÉE AU DÉPART AU MILIEU AGRICOLE. COMMENT VOUS ÊTES-VOUS INTÉRESSÉE À L’AGRICULTURE ?

Je suis arrivée dans l’agriculture par hasard. J’ai rencontré mon conjoint dans le village natal de ma mère, Lac-aux-Sables, en Mauricie… et l’amour de l’agriculture est venu avec ! J’ai toujours aimé les choses traditionnellement masculines : j’ai étudié en génie civil, je joue au Dek hockey… m’asseoir dans un tracteur a toujours été naturel pour moi.

Mon conjoint avait déjà racheté la ferme laitière familiale. Je me suis associée en rachetant le reste des parts de son père. La ferme a été ma première expérience d’entrepreneure, mais, depuis, j’ai également ouvert un restaurant avec mes cousines. J’ai choisi l’agriculture pour son mode vie, et parce que c’est un métier qui a une multitude de facettes.

COMMENT ARRIVEZ-VOUS À CONCILIER TRAVAIL ET VIE FAMILIALE ?

La clé, c’est l’organisation. J’ai trois enfants, de 22, 11 et 7 ans. En plus de mes responsabilités de mère et d’agricultrice, je suis impliquée au conseil d’administration d’Univert-ma Coop locale-, je suis administratrice à La Coop fédérée, je suis propriétaire d’un restaurant, et je participe à plusieurs comités à la municipalité et à l’école, et à certains festivals du village.

Tout ça, c’est possible grâce à la collaboration de mon conjoint. Tous les matins, pendant le petit-déjeuner, on prend le temps d’organiser notre vie familiale et notre travail. On a un calendrier partagé sur nos téléphones et on écrit tout dans un grand tableau sur le frigidaire. Toute notre vie est planifiée, même les sports et les loisirs avec les enfants.

PAS DE DOUTE, VOUS AVEZ DE FORTES APTITUDES EN GESTION. QUEL PARALLÈLE FAITES-VOUS ENTRE L’AGRICULTURE ET LE MONDE DES AFFAIRES ?

L’agriculture, c’est le monde des affaires. Avec le temps, on est tous devenus des gestionnaires agricoles. Comme dans n’importe quel autre secteur du monde des affaires, on a des budgets à respecter, on s’assure d’être efficaces, on surveille nos ratios de rentabilité, on se tient au courant pour toujours innover.

SELON VOUS, POURQUOI N’Y A-T-IL PAS PLUS DE FEMMES EN AGRICULTURE ?

Il y a en de plus en plus. Tranquillement, les mentalités changent. Dans la génération des 40 ans et moins, les tâches ménagères traditionnellement féminines sont partagées, donc les femmes ont du temps pour participer aux travaux de la ferme. Et puis, l’agriculture devient un métier moins physique, entre autres à cause de la mécanisation des équipements. J’ai bon espoir que les femmes intéressées par l’agriculture auront moins de barrières pour y accéder.

COMMENT FAIRE POUR QUE LA RELÈVE EN AGRICULTURE SOIT COMPOSÉE DE PLUS DE FEMMES ?

Il faut des modèles qui ouvrent les portes, qui donnent confiance. Il faut montrer aux femmes que c’est possible d’être agricultrice. Je pense que c’est mon rôle à La Coop fédérée. On organise chaque année des journées Femmes et Coopération dans les régions, qui sont une plateforme pour éduquer et pour échanger sur divers aspect du métier, de la conciliation travail-famille à des questions d’affaires.

Les sondages nous montrent que ça marche : en 2015, 7 femmes sont devenues administratrices dans un conseil d’administration du réseau, et au moins 4 d’entre elles ont dit que c’est grâce aux journées Femmes et Coopération qu’elles se sont lancées.

QUELS SONT LES DÉFIS ET ENJEUX QUI TOUCHERONT LE SECTEUR AGRICOLE DANS LES PROCHAINES ANNÉES ?

À court terme, le défi, c’est l’éducation de la population. On entend tellement de faussetés dans les médias sur notre métier et sur nos enjeux. Les agriculteurs sont des professionnels organisés, efficaces. On entend que la gestion de l’offre nous empêche d’être rentables. C’est faux. Les leaders d’opinion doivent arrêter cette désinformation.

Un autre grand enjeu, c’est la relève – féminine ou masculine, apparentée ou non. Il faut que le gouvernement mette en place des facilitateurs, mais aussi que la mentalité des agriculteurs change. Ils doivent préparer la relève à plus long terme, afin d’avoir plus de moyens de devenir un des prêteurs de cette relève. Des jeunes souhaitant continuer dans l’agriculture, il y en a. Le problème n’est pas là. Ce sont les moyens qui manquent.

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