États-Unis

Les symboles sécessionnistes  déboulonnés

Des drapeaux confédérés décrochés des bâtiments officiels. Des écoles et des rues rebaptisées, pour ne plus être identifiées à des héros sudistes. Des statues honorant des héros sécessionnistes déboulonnées ou reléguées à des musées.

De la Virginie à la Californie en passant par le Kentucky, le Texas et la Floride, des villes et des États américains ont entrepris de revisiter leur histoire. Et de vider les symboles sudistes de leur aura de gloire.

Il n’y a pas que la Ville de Charlottesville, qui entend déboulonner une statue du général en chef sudiste Robert E. Lee, qui veut sortir les héros sécessionnistes – qui combattaient pour le maintien de l’esclavage durant la Guerre de Sécession – de la place publique.

Au moins 60 de ces symboles ont déjà été retirés ou renommés depuis deux ans, constate le Southern Poverty Law Center, organisation non gouvernementale établie en Alabama qui documente le phénomène.

Et ce n’est pas fini. Les États-Unis comptent encore au moins 718 statues et monuments honorant des héros sécessionnistes. Alors que 109 écoles publiques à travers le pays portent encore le nom du chef militaire confédéré Robert E. Lee.

Même si la chasse aux symboles sudistes attise les tensions, comme on l’a vu le week-end dernier à Charlottesville, où des manifestants d’extrême droite protestant contre le déboulonnement de la statue du général Lee ont provoqué une explosion de violence, les responsables municipaux engagés dans de tels projets n’ont pas l’intention de baisser les bras.

Prenez la mairie de Lexington, au Kentucky, qui entend déplacer les statues de deux généraux sudistes, John Hunt Morgan et John Breckinridge.

Ces statues se trouvent actuellement en plein centre-ville, près d’un lieu qui abritait, dans les mois précédant la guerre civile, le plus grand marché aux esclaves des États-Unis, explique Susan Straub, porte-parole de l’administration municipale. Une cohabitation pour le moins gênante, selon elle.

Susan Straub assure que les statues ne seront pas « éliminées », mais plutôt déménagées vers un lieu « où l’on pourra expliquer notre véritable histoire ».

« Nous n’effaçons pas notre histoire, nous permettrons aux gens de se faire une idée par eux-mêmes. »

— Susan Straub, porte-parole de la Ville de Lexington

Elle ajoute que le projet ira de l’avant, quoi qu’il arrive, menaces ou pas.

Non seulement l’explosion de violence de samedi ne freine-t-elle pas la vague ciblant les symboles sécessionnistes, mais au moins deux villes – Memphis, au Tennessee, et Jacksonville, en Floride – ont annoncé lundi leur intention de se joindre au mouvement et de déboulonner deux monuments honorant des héros sudistes.

Pourquoi maintenant ?

Le 17 juin 2015, Dylann Roof, un militant suprémaciste blanc, est entré dans une église méthodiste noire de Charleston, en Caroline du Sud, armé d’un fusil automatique. Il a tiré à la ronde et abattu neuf personnes.

Le tueur est arrivé sur les lieux du carnage en auto. Et sa plaque d’immatriculation portait le drapeau confédéré, avec ses 13 étoiles blanches inscrites dans un X bleu.

C’est cette tuerie de masse qui a déclenché la chasse aux symboles confédérés, constate le Southern Poverty Law Center.

Rapidement, la législature de la Caroline du Sud a retiré le drapeau confédéré qui flottait devant son Capitole, rappelle Francis Langlois, historien affilié à l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand (UQAM).

D’autres ont suivi, propulsant le pays dans un processus de « déconstruction de mythes ».

Le premier de ces mythes est le général Robert E. Lee lui-même. Cet homme qui a mené les troupes confédérées vers la défaite a été un propriétaire d’esclaves cruel, qui n’hésitait pas à séparer les familles et à faire battre ceux qui voulaient fuir vers la liberté.

Mais l’histoire l’a transformé en un valeureux cavalier et combattant de l’indépendance contre les Yankees.

« Les États du Sud ont créé toute une mythologie autour de la “cause perdue” contre le Nord, et ils ont fait de Robert E. Lee le symbole de cette cause. »

— L'historien Francis Langlois

Dans cette vaste opération de réhabilitation, le général Lee a été doté de qualités qu’il n’avait pas : grand stratège, doté d’un esprit chevaleresque, fidèle à un code d’honneur et même critique de l’esclavagisme. « Pourtant, il a refusé d’inclure les Noirs dans les échanges de prisonniers avec le Nord, et il se montrait rude avec les esclaves. »

Même si le milieu académique a depuis longtemps remis les pendules à l’heure, le général Lee reste un symbole populaire fort, représentant la résistance contre un gouvernement centralisateur.

La déconstruction de ce mythe provoque des vagues. D’un côté, on y voit un juste retour du balancier contre des symboles de racisme et d’esclavagisme. De l’autre, une tentative de rayer un pan de l’histoire nationale.

« Le drapeau confédéré est un pan de notre héritage, ça n’a rien à voir avec le racisme », a dit Corey Stewart, candidat républicain au poste de gouverneur de la Virginie. Il est allé jusqu’à comparer la vague ciblant les symboles confédérés aux objectifs poursuivis par… le groupe État islamique.

La bataille n’est pas terminée. À suivre.

Montréal

La Baie d’Hudson retire une plaque à la mémoire de Jefferson Davis

La Baie d’Hudson a retiré, hier, une plaque dans son magasin au centre-ville de Montréal honorant la mémoire de Jefferson Davis. Elle rappelait le passage, dans la métropole, de l’ancien président des États confédérés durant la guerre de Sécession, aux États-Unis de 1861 à 1865. La nouvelle a été confirmée hier soir, par courriel, à La Presse par la responsable des communications externes de La Baie d’Hudson, Tiffany Bourré. « La plaque a été retirée », a-t-elle écrit, sans ajouter d’autres commentaires. La plaque a été offerte en 1957 par la United Daughters of the Confederacy, un organisme à but non lucratif dont l’objectif est de célébrer l’histoire de l’Amérique confédérée. On pouvait y lire : « À la mémoire de Jefferson Davis, président des États confédérés qui séjourna à Montréal en 1867 au domicile de John Lovell alors situé au présent emplacement. Plaque érigée en 1957 par la société des United Daughters of the Confederacy. »

— Jeiel Onel Mezil, La Presse

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