Décryptage

Le « bonheur » des Kurdes

« Les Kurdes sont incroyablement heureux de cette solution », s’est réjoui hier le président Donald Trump, alors qu’il se félicitait, dans une cascade de superlatifs, de l’accord que son vice-président Mike Pence venait de conclure avec le président turc, Recep Tayyip Erdoğan.

Heureux, vraiment ?

Cet accord qui répond en grande partie aux demandes turques fait très certainement le bonheur du président Erdoğan, qui a gagné en popularité auprès de ses concitoyens. Il fait sûrement aussi le bonheur de la Russie, qui consolide son rôle dans cette région de la planète. Et celui du président syrien Bachar al-Assad, qui a pu reprendre le contrôle d’une partie de territoire qui lui échappait depuis plusieurs années.

Mais les Kurdes, qui n’ont pas eu un mot à dire dans cette discussion où se jouait leur destin, n’ont vraiment pas de quoi se réjouir, constate Vahid Yücesoy, du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), spécialiste du Moyen-Orient.

Il faut noter que l’accord conclu hier n’annonce qu’une pause de cinq jours dans l’offensive turque dans le nord de la Syrie, le temps que les Unités de protection du peuple (YPG), cette armée kurde qui a réussi à venir à bout du califat du groupe État islamique (EI), évacuent une zone d’environ 10 000 kilomètres carrés longeant la frontière turco-syrienne.

Seule concession turque dans les négociations avec Washington, les troupes kurdes pourront conserver les villes de Kobané et de Raqqa. Du moins pour l’instant. Car pour la Turquie, ce repli des Kurdes syriens, suivant le départ des troupes américaines, n’est qu’un début, estime Vahid Yücesoy.

Tôt ou tard, Ankara voudra poursuivre son offensive contre ces militants qu’elle voit comme la face syrienne du PKK, parti de Kurdes turcs considéré comme un groupe terroriste par une grande partie de la communauté internationale.

Le dénouement d’hier constitue aussi, pour les Kurdes, la fin du rêve du Rojava –  ce territoire semi-autonome qu’ils administraient depuis trois ans dans le Kurdistan syrien.

« Nous sommes prêts à accepter le cessez-le-feu », a déclaré hier Mazloum Abdi, le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), armée dominée par les YPG. Ce que cela signifie, c’est que les YPG auront cinq jours pour se retirer de la zone frontalière où la Turquie affirme vouloir établir sa ceinture sécuritaire.

Le cas échéant, un massacre potentiel aura pu être évité. Mais pour les civils kurdes, les lendemains ne s’annoncent pas radieux pour autant.

Selon Vahid Yücesoy, l’armée syrienne est trop affaiblie, après plus de huit ans de guerre civile, pour pouvoir réagir avec les armes à l’invasion turque sur son territoire.

Mais cela ne signifie pas que le régime de Bachar al-Assad ne tirera pas profit du départ des troupes américaines. Déjà, l’armée syrienne a pris possession de quelques bases militaires abandonnées par les soldats américains rappelés par Donald Trump. Plus significatif, à la suite d’une intervention diplomatique du président russe Vladimir Poutine, l’armée turque s’est retirée de la ville de Manbij, laissant les lieux aux troupes gouvernementales syriennes.

Lâchés par Washington après avoir réussi à chasser l’EI de ses derniers replis territoriaux, les Kurdes se sont rabattus sur Damas, cette semaine. Mais combien de temps cette alliance durera-t-elle ? Le régime syrien n’a jamais été tendre avec la minorité kurde. Combien de temps avant que des militants ou nationalistes kurdes n’atterrissent dans des geôles de Damas ?

Les Kurdes qui resteront sous contrôle turc, dans la zone tampon du nord de la Syrie, seront-ils plus en sécurité ? Pas sûr.

On a vu, depuis le début de l’offensive en cours, que les milices opérant pour le compte d’Ankara ne font pas dans la dentelle. Samedi dernier, neuf civils kurdes, dont Hervin Khalaf, politicienne engagée dans le dialogue entre Kurdes et Arabes, ont été exécutés sommairement par des mercenaires agissant pour le compte de la Turquie… La perspective d’un maintien d’une présence turque dans la région après le départ des forces kurdes n’a rien de rassurant pour les civils.

Et puis, il y a tous ces djihadistes autrefois combattus par les YPG et dont plusieurs centaines se sont retrouvés en liberté depuis le départ des troupes américaines et le début de l’offensive turque. On peut imaginer facilement qu’ils prendront la minorité kurde pour cible dans d’éventuels futurs attentats…

Enfin, n’oublions pas que la Turquie a évoqué la possibilité de déplacer 400 000 réfugiés syriens, actuellement établis sur son territoire, vers la « zone tampon » taillée à l’intérieur du Kurdistan syrien.

Entre la menace djihadiste, celle du régime syrien ou celle des mercenaires proturcs et la perspective de l’arrivée massive de Syriens qui seraient éventuellement réinstallés dans ce corridor frontalier, les civils kurdes, qui ont déjà massivement fui la région en raison des combats, risquent d’être forcés de quitter définitivement leurs terres et leurs maisons.

On voit mal comment la perspective d’un tel nettoyage ethnique pourrait faire le bonheur de ses potentielles victimes.

États-Unis

Trump avait bien lié une aide à l’Ukraine à une enquête politique

Un aveu surprenant de la Maison-Blanche sur le gel d’une aide à l’Ukraine et un témoignage sur le rôle central confié à l’avocat personnel de Donald Trump dans la diplomatie envers ce pays ont nourri hier l’enquête ouverte par les démocrates en vue de destituer le président.

Le chef de cabinet de la Maison-Blanche a reconnu au détour d’une conférence de presse que Donald Trump avait suspendu une aide militaire à l’Ukraine en partie pour la forcer à contribuer à une enquête liée à la politique américaine.

Mick Mulvaney a toutefois assuré que cela « n’avait absolument rien à voir » avec l’ancien vice-président Joe Biden, qui pourrait porter les couleurs démocrates lors de la présidentielle de 2020.

L’administration républicaine avait gelé en juillet près de 400 millions de dollars destinés à l’Ukraine, qui ont finalement été débloqués en septembre. Cette décision est au cœur de l’enquête ouverte il y a trois semaines par les parlementaires démocrates dans le cadre de l’explosive procédure d’impeachment.

Les élus de l’opposition veulent savoir si Donald Trump, qui a demandé à la fin du mois de juillet à son homologue ukrainien d’enquêter sur Joe Biden, avait suspendu l’argent pour le forcer à coopérer.

Le milliardaire républicain martèle qu’il n’a exercé aucune pression sur Volodymyr Zelensky et que l’aide avait été gelée le temps d’évaluer l’assistance apportée à l’Ukraine par ses autres partenaires occidentaux.

Hier, pour la première fois, la Maison-Blanche a reconnu que Donald Trump avait d’autres motivations.

« A-t-il mentionné en passant la corruption liée au serveur informatique du Parti démocrate ? Absolument, il n’y a aucun doute à ce sujet, c’est pour ça que nous avons gelé l’argent », a déclaré M. Mulvaney, en jugeant cette requête tout à fait « appropriée ».

« Déçu »

Le directeur de cabinet faisait référence à une théorie née dans les cercles complotistes et relayée par Donald Trump et ses proches, selon laquelle l’Ukraine aurait piraté les courriels du Parti démocrate lors de la présidentielle américaine de 2016 et non la Russie, comme l’ont établi les services de renseignements américains.

Cet argument a été avancé pour décrédibiliser l’enquête sur les soupçons de collusion entre Moscou et l’équipe de campagne du candidat républicain, qui a assombri les deux premières années de son mandat.

Rudy Giuliani, avocat personnel et fervent défenseur de Donald Trump, est l’un des principaux relais de cette théorie ainsi que des allégations de « corruption » visant Joe Biden, dont le fils Hunter a fait des affaires en Ukraine.

Il y a plusieurs mois, M. Giuliani a entamé une campagne pour tenter de convaincre les autorités ukrainiennes d’ouvrir des enquêtes officielles sur ces deux sujets.

Donald Trump a « ordonné » aux diplomates chargés du dossier ukrainien de travailler avec lui, a révélé hier l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne (UE), Gordon Sondland, lors d’une audition devant les commissions de la Chambre des représentants.

« Nous avons été déçus par l’ordre du président d’impliquer M. Giuliani », a déclaré cet homme d’affaires pourtant proche de Donald Trump.

« Huit témoins »

Lors des échanges qui ont suivi, l’ancien maire de New York leur a fait savoir que Donald Trump voulait que son homologue ukrainien fasse « une déclaration publique sur la lutte contre la corruption », a poursuivi M. Sondland.

Selon lui, Rudy Giuliani a « mentionné précisément deux sujets d’enquête importants pour le président » : le « serveur informatique démocrate » et le groupe gazier Burisma, pour lequel travaillait Hunter Biden.

« Je n’ai compris que bien plus tard que l’un des objectifs de M. Giuliani était peut-être […] d’impliquer, directement ou indirectement, les Ukrainiens dans la campagne de réélection du président pour 2020 », a assuré l’ambassadeur.

Malgré les efforts de la Maison-Blanche pour bloquer l’enquête des démocrates, M. Sondland est le huitième témoin entendu par les parlementaires.

Les démocrates affichent leur volonté d’aller vite vers la mise en accusation du président, une prérogative de la chambre basse du Congrès, qu’ils contrôlent.

Il reviendra ensuite, selon la Constitution, au Sénat de juger si M. Trump doit être destitué. Compte tenu de la majorité républicaine dans cette enceinte, cette perspective paraît peu probable à ce stade.

États-Unis

Trump annonce le départ de son secrétaire à l’Énergie

Le président américain Donald Trump a annoncé hier le départ prochain de son secrétaire à l’Énergie Rick Perry, en expliquant simplement qu’il « était temps », avant d’annoncer lui avoir déjà trouvé un successeur. « Rick a fait un travail fantastique à l’Énergie, mais il était temps : trois ans, c’est long », a déclaré Donald Trump lors d’une visite au Texas. « Nous avons son successeur, je l’annoncerai très prochainement », a-t-il poursuivi. Rick Perry, 69 ans, quittera ses fonctions « vers la fin de l’année », a indiqué Donald Trump en affirmant qu’il parlait avec son secrétaire de son projet de départ « depuis six mois ». Des parlementaires démocrates avaient exigé le 10 octobre que le secrétaire leur fournisse des documents dans le cadre de l’enquête ouverte en vue d’une mise en accusation de Donald Trump. Avant même cette requête, des rumeurs circulaient sur son départ prochain. Depuis, Rick Perry a été sommé par les démocrates de leur remettre des documents d’ici à aujourd’hui. Au cœur de leurs investigations : le rôle de Rick Perry dans l’affaire ukrainienne.  — Agence France-Presse

États-unis

Le prochain sommet du G7 aura lieu dans un club de golf de Trump

Donald Trump l’avait laissé entendre, la Maison-Blanche l’a confirmé : le prochain sommet du G7, prévu aux États-Unis, aura lieu dans un des clubs de golf du président américain, en Floride. Le Trump National Doral Club, à Miami, accueillera donc, du 10 au 12 juin 2020, cette réunion annuelle qui rassemble les dirigeants des sept pays les plus industrialisés de la planète. « Nous sommes absolument convaincus que c’est le meilleur endroit pour l’organiser », a affirmé hier Mick Mulvaney, chef de cabinet de la Maison-Blanche, au risque d’alimenter les accusations sur de possibles conflits d’intérêts de l’ancien magnat de l’immobilier. Au-delà du choix de l’hôtel, le chef de cabinet de la Maison-Blanche ne s’est pas attardé sur les priorités qui seraient mises en avant par les États-Unis lors de cette rencontre. « Le changement climatique ne sera pas au programme », a-t-il simplement lâché, sûr de son fait, en réponse à une question sur ce thème. 

— Agence France-Presse

États-Unis

Le représentant démocrate Elijah E. Cummings s'éteint

Elijah E. Cummings, puissant représentant du Maryland à la Chambre des représentants des États-Unis, a succombé hier aux suites de problèmes de santé de longue date. Il avait 68 ans. Le comité que présidait M. Cummings était à la tête d’une enquête de destitution visant le président Donald Trump. M. Cummings était un formidable orateur qui défendait avec passion les pauvres dans son district à majorité noire, qui englobe une grande partie de Baltimore ainsi que des banlieues plus aisées. En tant que président du comité de surveillance et de réforme de la Chambre, M. Cummings a mené de nombreuses enquêtes sur les activités gouvernementales du président, y compris des enquêtes en 2019 sur des membres de la famille du président servant à la Maison-Blanche. La longue carrière de M. Cummings s’est étalée sur plusieurs décennies. Il a gravi les échelons de la Chambre des représentants du Maryland avant de remporter son siège au Congrès lors d’une élection partielle en 1996.  

— Associated Press

Juul suspend la vente de certaines cigarettes électroniques aromatisées

Le leader américain des cigarettes électroniques, Juul Labs, a annoncé hier la suspension des ventes de recharges aromatisées non mentholées aux États-Unis, alors que le gouvernement de Donald Trump prépare une interdiction nationale. La marque cessera de vendre les arômes mangue, crème, fruits et concombre, jusqu’à ce que les autorités de santé fédérales finalisent les nouvelles réglementations sur le vapotage, a annoncé Juul dans un communiqué. Les « pods » aux arômes de tabac, de menthol et de menthe continueront d’être vendus. Ces débats ont lieu alors qu’une mystérieuse épidémie de maladies pulmonaires graves liées au vapotage a fait 33 morts aux États-Unis, avec 1479 malades recensés depuis le printemps, selon des chiffres publiés hier par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

— Agence France-Presse

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