Vente de Tembec

Le Québec perd un autre siège social

Tembec, l’un des principaux acteurs québécois de la foresterie, passe à des intérêts américains pour 1 milliard. Explications et réactions.

Vente de Tembec

La transaction

L’entreprise floridienne Rayonier Advanced Materials (RAM) offre environ 4,05 $ par action de Tembec, soit environ 405 millions au total. En incluant la dette de Tembec, qui s’élève à plus de 600 millions, la valeur de la transaction atteint 1,09 milliard. « En joignant nos forces, nous diversifions notre gamme de produits cellulosiques de grande pureté et pénétrons les marchés adjacents de l’emballage (papier et carton) et des produits forestiers (bois) », a déclaré hier le PDG de RAM, Paul Boynton. Les investisseurs ont applaudi : l’action de Tembec a bondi de plus de 41 % et celle de RAM, de 11 %.

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La fin d’une aventure

Tembec a vu le jour en 1973 lorsque quatre anciens dirigeants de l’usine de pâtes de Témiscaming ont décidé de la relancer après sa fermeture par la Canadian International Paper. L’entreprise s’est ensuite étendue en faisant des acquisitions ailleurs au Québec, au Canada et en France. En réaction aux difficultés que connaissaient les marchés du papier et du bois, elle a graduellement accru sa présence dans le secteur de la cellulose de spécialité, utilisée dans l’alimentation, les cosmétiques, l’électronique, les produits de construction et les textiles.

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Pourquoi maintenant ?

RAM et Tembec ont discuté pour la première fois d’un regroupement il y a deux ans. « Le moment n’était pas propice », explique à La Presse le PDG de Tembec, James Lopez. Les pourparlers ont repris l’été dernier. Si les deux entreprises ont des revenus annuels semblables, environ 1,3 milliard, les marges d’exploitation de RAM (26 %) sont nettement supérieures à celles de Tembec (11 %), ce qui explique pourquoi l’entreprise québécoise est la proie et non le prédateur. « Nous avons plus de salariés et plus d’installations, mais la valeur de leurs actifs et de leur capital-actions est plus élevée, sans compter que leur bilan est beaucoup plus solide, explique M. Lopez. En affaires, c’est ce qui compte. »

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Redressement

En 2008, Tembec avait dû se recapitaliser pour éviter la faillite, ce qui avait eu pour effet de donner le contrôle de l’entreprise à ses créanciers et d’évincer ses actionnaires d’alors, dont la famille Saputo. Tembec s’est lentement redressée, le cours de son action allant jusqu’à dépasser les 6 $ en 2011. « Tembec est plus forte qu’elle ne l’a été depuis des années, soutient James Lopez. Il ne s’agit donc pas d’une transaction qui est motivée par des besoins financiers. » Notons que M. Lopez et le chef des finances de Tembec, Michel Dumas, quitteront l’entreprise après la clôture de la transaction et qu’ils auront respectivement droit à des indemnités de 2,9 millions et 1,3 million.

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Le meilleur choix ?

L’action de Tembec a clôturé à 4,17 $ hier à la Bourse de Toronto, soit davantage que le prix offert par RAM, ce qui laisse entrevoir une surenchère. L’analyste Sean Steuart de Valeurs mobilières TD n’y croit toutefois pas. Quoi qu’il en soit, Tembec n’aurait-elle pas mieux fait de poursuivre sa route seule ? « Nous avons une prime de 37 % sur la table [par rapport à la clôture de mercredi], répond James Lopez. Nous nous sommes dit : “Est-ce que nous pouvons faire mieux en dirigeant l’entreprise pendant trois, quatre ou cinq années de plus ?” Peut-être que oui, mais cela implique beaucoup de risques. »

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Impacts au Québec

James Lopez admet que la vente à RAM pourrait se traduire par une diminution du nombre d’emplois chez Tembec, mais il croit que les départs se feront surtout par attrition. « La majorité de nos actionnaires actuels sont des fonds américains, alors nous aurons simplement un nouveau propriétaire qui renforcera l’entreprise », soutient-il. De son côté, le grand patron de RAM promet de maintenir les investissements prévus par Tembec, voire de les accélérer. « Nous sommes engagés à exploiter toutes les installations [de Tembec] au Québec, en Ontario et en France, a-t-il déclaré hier. Elles sont toutes rentables. En fait, nous pensons qu’avec des investissements additionnels, elles le seront encore davantage. »

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Réactions

Prise de court par la transaction, la mairesse de Témiscaming, Nicole Rochon, veut néanmoins donner la chance au coureur.

« Le fait qu’on nous a assuré que l’investissement de 136 millions annoncé à la fin mars pour améliorer la compétitivité de Tembec n’est pas compromis est plutôt rassurant, a-t-elle confié au journal La Frontière. Dans ma tête à moi, si on investit 136 millions, ce n’est pas pour fermer dans un an. » 

Renaud Gagné, le directeur québécois du syndicat Unifor, qui représente 900 salariés de Tembec, s’est montré plus inquiet.

« Nous craignons que le siège social des activités canadiennes à Montréal n’ait qu’un rôle mineur ». 

Pour sa part, le premier ministre Philippe Couillard n’entend pas intervenir.

« Quand deux conseils d’administration décident de façon consensuelle de conclure une transaction, il faut les laisser agir », a-t-il dit d’Israël.

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