OPINION ENSEIGNEMENT

Fausses notes dans quelques commissions scolaires

Il faut accorder une place importante à l’enseignement de la musique

La Finlande, la Suisse et le Japon sont trois pays reconnus pour la qualité de leur système éducatif. Ils font de la musique l’un des piliers de leur programme pédagogique.

Ici, au Québec, la place accordée à l’éducation musicale ne cesse de se détériorer. La situation est alarmante. Au cours des dernières semaines, pas moins de trois commissions scolaires ont remanié les grilles-matières prévues pour 2017-2018. Diminuer ou supprimer le temps alloué à la musique au primaire a de lourdes conséquences pour les enfants et notre système d’éducation.

Le programme de formation de l’école québécoise mentionne que deux disciplines parmi la musique, les arts plastiques, l’art dramatique et la danse doivent être enseignées durant tout le primaire. Une de ces disciplines est offerte en continuité de la première à la sixième année pour assurer le développement de connaissances plus approfondies dans le domaine.

Chaque année, lorsque vient le temps d’élaborer la grille-matières, la continuité de cette discipline artistique est souvent discutée.

Le personnel scolaire doit être consulté, y compris les spécialistes. Or, il semble que ce ne soit pas toujours le cas pour les enseignants en musique. La place accordée à l’éducation musicale à l’école serait débattue sans eux.

Entendons-nous bien. L’idéal serait d’enseigner de façon continue les quatre disciplines artistiques. Cela n’est pas envisageable. Or, sur quelle base choisir LA discipline qui sera offerte en continuité ? Des considérations financières, les pressions exercées par des enseignants titulaires ou des affinités personnelles envers certains collègues ? Aucun de ces éléments. Il faut s’en tenir à la science. 

D’après les recherches menées en éducation, en neurosciences et en psychologie, le caractère multimodal de la musique serait à la base des avantages de la musique en continuité. Il est démontré qu’une éducation musicale à long terme dynamise un ensemble d’opérations cognitives nécessaires aux apprentissages.

En effet, les enfants qui prennent part à des activités musicales sur une base régulière développeraient de meilleures habiletés perceptives.

Ces enfants apprendraient plus facilement à lire, à écrire et à compter. Aussi, la pratique continue de la musique améliore la mémoire. Cela s’explique par le fait que la région du lobe temporal gauche, liée à la mémoire verbale, est plus développée chez les enfants et les adultes qui participent à des cours de musique régulièrement.

Les impacts de l’enseignement de la musique sont aussi considérables sur le plan moteur. Une récente étude a permis de constater une meilleure planification et exécution de mouvements chez les jeunes qui apprennent la musique. Finalement, au-delà de son apport au développement cognitif, langagier et moteur, la pratique collective de la musique favoriserait l’adoption de comportements sociaux tels que l’empathie, l’entraide et la coopération. Sans parler du développement de l’estime de soi et du sentiment d’appartenance à un groupe. 

Les bases démontrant qu’apprendre la musique pour aider à mieux réussir à l’école sont donc bien établies. Réduire la fréquence, interrompre la continuité ou, pis encore, enlever de l’éducation musicale au primaire, c’est dommageable.

L’éducation musicale semble importer peu

Les décisions prises récemment par les commissions scolaires des Affluents, des Hautes-Rivières et de Kamouraska–Rivière-du-Loup démontrent que la continuité de l’éducation musicale importe peu dans leurs milieux.

À la commission scolaire des Affluents, l’éducation musicale disparaîtra dans au moins trois écoles. Alors que les recherches révèlent clairement les bienfaits d’apprendre la musique, cet apport dans le développement de l’enfant semble être balayé du revers de la main par les équipes-écoles. On change pour changer.

De son côté, malgré l’opposition majoritaire des conseils d’établissement de ses écoles, la commission scolaire des Hautes-Rivières s’entête à réduire le temps des enseignants spécialistes afin de récupérer une somme qui, dit-on, sera redistribuée en services à l’élève.

Or, les travaux scientifiques montrent clairement que l’enseignement de la musique contribue à la réussite scolaire et qu’il développe des connaissances transdisciplinaires essentielles.

N’est-ce pas un service à l’élève de lui offrir des cours de musique de façon continue et régulière ?

À la commission scolaire de Kamouraska–Rivière-du-Loup, on retire la musique du cursus scolaire des enfants de la troisième à la sixième année dans une école et on réduit les heures dans une autre. On remplacera la musique par un cours de danse, donné par un enseignant non spécialiste. Trouvez l’erreur.

Ces commissions scolaires doivent changer leurs pratiques et remettre en cause leurs décisions. Le Ministère doit aussi revoir le régime pédagogique et offrir un encadrement plus clair. Il est primordial d’examiner les bienfaits avérés dans d’autres pays, de tenir compte des recherches en éducation musicale, de reconnaître la valeur du travail des musiciens éducateurs et de considérer le point de vue des parents avant de prendre des décisions majeures.

En accordant une place importante à l’enseignement de la musique, notre province offrirait un milieu où la diversité et la complémentarité des approches pédagogiques permettraient à tous les enfants de développer leur plein potentiel. Chères commissions scolaires, mettez-vous au diapason.

* Professeur titulaire en éducation musicale à la Faculté de musique de l’Université Laval, Québec

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