Éducation

Pendant ce temps, en Montérégie

Alors qu’Hollywood vient de découvrir l’approche RIE de Martha Gerber, centrée autour du respect du rythme de l’enfant, plusieurs CPE de Montérégie explorent une philosophie jumelle, celle d’Emmi Pickler, une pédiatre hongroise de qui la pédagogue s’est précisément inspirée. Visite du CPE Les copains d’abord, à McMasterville.

Ça ne saute pas aux yeux, évidemment. Une philosophie, cela s’exprime par des gestes, de petites attentions, une manière particulière de faire les choses. Quelques détails, toutefois, sont révélateurs.

Ainsi, contrairement aux autres CPE, il n’y a pas ici de chaise haute au mur. Pas de chaise haute tout court, en fait. Ou seulement pour les petits nouveaux. Les lits de bébé ne sont pas non plus dans une pièce fermée. Des petits matelas de sol, qu’on appelle ici des « lits de vie », sont plutôt disposés ici et là, dans une pièce sans porte, facile d’accès. Et, surtout, toujours accessible.

Lors de notre passage, un enfant de 18 mois y était d’ailleurs assoupi, pendant qu’une fillette, à quelques mètres de là, jouait tranquillement aux petites voitures. Deux mètres plus loin, une éducatrice nourrissait un troisième enfant, assise à son niveau, à une petite table. « C’est bon? »

Dans une pièce voisine, à la pouponnière, pas un seul transat en vue. Les poupons ne sont jamais assis dans une position qu’ils ne maintiennent pas naturellement. On les laisse plutôt couchés, avec quelques jouets à la portée de leurs petites mains. Ils ne prennent pas non plus leur biberon tout seuls. À tour de rôle, d’après un ordre prédéfini selon les besoins et appétits de chacun, une éducatrice les berce et les nourrit individuellement. 

Basée sur l’autonomie

« L’éducatrice est ici toujours en soutien, et n’impose jamais une activité », explique en entrevue Claudette Pitre-Robin, directrice générale du Regroupement des CPE de Montérégie, qui étudie cette philosophie depuis plusieurs années. « Non, ce n’est pas une recette ou une religion. Mais une philosophie, nuance-t-elle. Notre approche est basée sur l’activité autonome et le respect du rythme de l’enfant. » 

Dix-huit installations participent ainsi à un projet-pilote depuis quatre ans. Les éducatrices ont été formées par des formateurs directement venus d’Europe. « Et c’est unanime. Personne ne reviendrait en arrière. Tout le monde l’a remarqué, il y a un tel bien-être, les enfants sont tellement plus calmes et les éducatrices, tellement moins fatiguées! » 

Lors de notre passage au CPE de McMasterville, nous avons ainsi pu observer les enfants s’occuper plus ou moins seuls, toujours supervisés, mais rarement organisés. Les plus grands entrent et sortent dehors à leur guise, sur un petit balcon clôturé. Ils dînent par groupes de quatre (et se servent d’ailleurs à manger tout seuls, autonomie oblige), pour favoriser les échanges. « La notion de relation affective est super importante ici. On se doit de donner de l’attention aux enfants », explique France Bertrand, directrice générale de l’installation. 

« Bien sûr qu’on a une routine, nuance-t-elle. Mais on respecte les enfants. Notre pédagogie est un peu galvaudée. Les gens s’imaginent qu’on fait n’importe quoi, n’importe quand. C’est faux. Mais on respecte le rythme des enfants. S’ils sont fatigués, qu’ils dorment! Ils vont être tellement structurés à l’école, est-ce qu’on peut, pendant leur petite enfance, les laisser un peu vivre à leur rythme? »

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