Lire, comprendre
Natasha Kanapé Fontaine
Poète et essayiste
« Cartographie de l’amour décolonial [Islands of Decolonial Love], de Leanne Betasamosake Simpson, qui paraîtra chez Mémoire d’encrier cet automne. Ce sont des récits qui tracent les contours des relations entre colonisés. Entre ceux et celles qui sont habités par la violence coloniale ; violence qui rend les relations dysfonctionnelles entre autochtones. J’adore ce livre et j’y pense beaucoup. Presque tous les jours, en fait. »
André Dudemaine
Directeur artistique du festival Présence autochtone
« Je suggère le livre de Thomas King, L’Indien malcommode, parce que, d’abord, le titre en dit tellement long. C’est un livre d’histoire qui remet en question l’Histoire. C’est le résultat de la réflexion personnelle et critique que Thomas King a menée depuis 50 ans sur ce que cela signifie d’être autochtone aujourd’hui en Amérique du Nord. »
Manon Barbeau
Cinéaste et cofondatrice de Wapikoni mobile
« La saga des Béothuks de Bernard Assiniwi [chez Leméac]. Je l’ai lu il y a longtemps, mais ça m’a marquée. C’est l’histoire de l’extermination d’un peuple autochtone, une saga écrite sur 25 ans, très documentée, touchante et formidablement écrite. »
Daniel Sioui
Éditeur et propriétaire de la librairie Hannenorak à Wendake
« Parce que l’apprentissage commence jeune, je pense à un album jeunesse qui a gagné beaucoup de prix, Quand on était seuls. C’est l’histoire d’une grand-maman qui explique à une petite fille son passage par les pensionnats autochtones. C’est un sujet difficile, mais les dessins très doux de Julie Flett font que ça passe bien. Il n’y a rien de choquant là-dedans. »
Carla Beauvais
Présidente du Gala Dynastie
« Le corps noir [Mémoire d’encrier] de Jean-Claude Charles est très intéressant. C’est même incontournable. Le livre permet de comprendre la condition noire. De comprendre comment l’identité noire a été forgée par l’autre. C’est un essai sur le racisme dans toute sa complexité. Mais il permet aussi de comprendre la question de la négritude, ses nuances et de réaliser que le Noir ne s’est pas inventé lui-même. Jean-Claude Charles est à lire absolument. »
Webster
Artiste hip-hop et conférencier
« Dans Les Noirs du Québec [éditions du Septentrion], Daniel Gay retrace d’un point de vue sociologique et anthropologique la présence noire au Québec depuis l’arrivée d’Olivier Lejeune en 1629. C’est un livre très intéressant d’un point de vue historique, culturel et social aussi. Il y a un chapitre qui parle de la perception et de la représentation des Noirs dans l’espace public et culturel autour des années 1800. Il y avait du blackface chez nous aussi. Ça explique pourquoi les membres des communautés noires sont fatigués de voir d’autres gens jouer leur rôle. »
Stéphane Martelly
Chercheuse et artiste
« Les damnés de la terre de Frantz Fanon [aux éditions de la Découverte] pour ce qu’il dit sur le rapport entre colonisation et décolonisation. Ce sont des textes un peu anciens, mais c’est la base. Que cette réflexion soit l’occasion de se demander, dans l’expression ou dans la censure, dans la critique ou le rejet d’une parole totalitaire, où se situe le pouvoir, à quelle emprise il rêve et sur qui il cherche à s’exercer ; quelle terreur ou quel silence il cherche à instaurer. En ce sens, il faut affirmer sans équivoque que la censure ne peut être le fait de celui qui ne détient pas de pouvoir, ni être l’incertain “privilège” de celle sur qui l’oppression s’exerce, ou de ceux qu’on exclut, avilit, épuise et tue. »
Ricardo Lamour
Artiste hip-hop et acteur
« La recherche doit être plus large que des livres sur l’appropriation culturelle. L’appropriation est un phénomène où un peuple dominant prend une chose d’un peuple dominé et la fait sienne. Si on ne connaît pas l’histoire du peuple dominé, on ne peut que légitimer l’usage fait par le peuple dominant. Quand des vies sont volées, des territoires pillés, ce qui en découle, forcément, pour lisser le désastre, c’est aussi une appropriation, une récupération, un dépouillement du génie de l’autre. Par exemple : les chants d’esclaves. Dans ce sens, ma suggestion est Congo. Une histoire de David Van Reybrouck. »