Opinion  Aînés

Finir ses jours dans la dignité, vraiment ?

Les aînés aux prises avec des problèmes de santé mentale sont largués par le système

Les grands oubliés du dernier plan d’action en santé mentale sont les aînés. Bien que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) reconnaisse que « les personnes âgées constituent le segment de la population dont la croissance sera la plus forte dans les années à venir », aucune mesure spécifique n’est destinée à cette population.

Pourtant, les plus de 65 ans dépassent actuellement la population de moins de 18 ans. Vingt pour cent des aînés québécois présentent un indice de détresse psychologique élevé. Le taux de suicide des cohortes plus âgées n’a pas diminué depuis 2000, contrairement aux autres groupes d’âge. La prévalence des troubles cognitifs chez la clientèle hébergée dépasse les 80 %. Des patients souffrant d’Alzheimer et maladies apparentées, jusqu’à 97 % présenteront des symptômes neuropsychiatriques à un moment de leur maladie. En longue durée, de 25 à 35 % des résidents sont sous antipsychotiques. L’INESS a constaté une augmentation de ces prescriptions, et ce, malgré un avertissement de Santé Canada concernant un risque augmenté de mortalité chez cette clientèle.

Dans le Plan Alzheimer, de nombreux enjeux ont été identifiés, notamment « la variabilité de la qualité des soins et de l’accès aux services d’une ressource à l’autre, le manque de ressources-conseils pour les milieux afin d’aider à la gestion des symptômes neuropsychiatriques associés à la démence ; la difficulté des milieux à offrir des soins personnalisés ; l’utilisation abondante des antipsychotiques ; l’absence d’une approche spécifique auprès des familles ; l’absence de soins de fin de vie adaptés ».

Les systèmes de soins aigus et d’hébergement ne sont aucunement adaptés en ce moment pour faire face à ces enjeux. Les personnes âgées avec des problèmes de santé mentale et cognitive se retrouvent souvent abandonnées par le système, ballottées entre différentes spécialités médicales, sans prise en charge globale. Ils deviennent ceux qui « bloquent les lits », parce qu’aucune ressource d’hébergement adaptée n’est en mesure de les recevoir. L’absence de coordination par de réelles équipes de gérontopsychiatrie interdisciplinaires fait en sorte que des personnes doivent consulter à l’urgence et occupent des lits en centre hospitalier durant de longues périodes. Le passage aux urgences est souvent délétère pour cette clientèle fragile et accélère le déconditionnement. On assiste à une prise en charge sous-optimale et à une augmentation de la morbidité. De plus, les personnes âgées qui ont des besoins à la fois en santé mentale et en soutien à l’autonomie se retrouvent souvent entre deux chaises, où l’un des aspects n’est pas pris en compte. 

Même au MSSS, il y a absence de coordination entre la direction de la santé mentale et la direction des services aux personnes âgées.

Certaines initiatives amélioreront les services, telles que l’implantation de l’Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, l’implantation du Plan Alzheimer ou le déploiement de services de maintien à domicile. Des exemples de modes de soins exemplaires (Les directrices relatives à la planification et la prestation de services complets en santé mentale pour les aînés canadiens, publié par la Commission de la santé mentale du Canada en 2011) et des propositions concrètes ont été déposés au MSSS par l’Association des médecins psychiatres du Québec.

Alors, comment expliquer que le nouveau plan d’action en santé mentale ne comprenne aucune mention de ces différents objectifs ? Un tel déni de l’évolution démographique du Québec, de la spécificité de cette clientèle, et de la nécessité de planifier en amont en formant des ressources humaines nécessaires et en planifiant dès maintenant des trajectoires de soins optimales apparaît plus qu’inquiétant. Non seulement inquiétant, mais également en contradiction avec le courant international de développement d’expertise et de structure de soins pour la clientèle gérontopsychiatrique.

* L’auteure est professeure agrégée de clinique et directrice de la division de gérontopsychiatrie du Département de psychiatrie de l’Université de Montréal.

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