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Faire place à l’innovation

Notre système adopte lentement les nouvelles technologies, si bien que nos découvertes sont le plus souvent commercialisées d’abord à l’étranger

Au Québec et au Canada, une multitude impressionnante de chercheurs, de gestionnaires et d’organisations voués à développer des solutions à nos problèmes de santé rivalisent d’idées et de solutions pour améliorer la vie des patients et des utilisateurs.

Cependant, ils font face à très peu d’ouverture de la part du ministère de la Santé où la prise de décisions est concentrée, qu’il s’agisse de décider du prix du stationnement jusqu’au choix des solutions informatiques des hôpitaux. Nous devons repenser notre façon d’absorber les innovations pour créer plus de valeur pour tous.

Nous nous apprêtons à élire un nouveau gouvernement alors qu’aucun des candidats potentiels ne nous propose un plan d’ensemble pour adapter notre système de santé aux besoins d’aujourd’hui. Le système de santé est pourtant au premier plan des préoccupations des Québécois.

Nous investissons des fonds publics importants dans le but de soutenir la recherche et le développement en santé. Cependant, la probabilité que nos découvertes soient adoptées par notre système est très faible.

En effet, notre excellente performance en recherche ne se traduit pas par un meilleur accès aux innovations. Le Canada produit 7 % des publications du monde et est classé au cinquième rang au niveau des citations de ses publications scientifiques dans ce domaine. Toutefois, l’adoption des innovations dans la pratique est extrêmement lente, si bien que nos découvertes sont le plus souvent commercialisées d’abord à l’étranger.

Le dossier patient informatisé est un excellent exemple de la lenteur avec laquelle notre système adopte les nouvelles technologies, au moins 15 ans dans ce cas. Comment explique-t-on qu’il y ait au Québec et au Canada si peu de demande pour des innovations en santé ? Dans une société qui place la santé au cœur de ses priorités, un tel paradoxe est difficile à expliquer.

Le gouvernement sortant a reconnu l’importance d’accroître l’innovation en santé en proposant la création d’un Bureau de l’innovation et en investissant dans l’accélération de l’évaluation des médicaments. Mais on est loin d’un plan d’ensemble qui donne la direction souhaitée et qui prend les décisions qui s’imposent. Tant l’expérience internationale que la littérature démontrent que les pays qui relèvent le mieux le défi de l’innovation présentent trois caractéristiques.

 – Un leadership gouvernemental – un État qui mise sur l’innovation pour améliorer le bien-être de la société et qui met en place un environnement propice à son intégration.

 – Une population qui soutient le gouvernement dans la transformation qui s’impose. Ce qui suppose que les citoyens aient accès et comprennent l’information sur les enjeux de l’innovation en santé, les coûts du système et ceux relatifs à leur consommation de services. Cela implique une plus grande transparence de l’État et une responsabilisation des citoyens.

 – Des systèmes de gouverne orientés sur l’amélioration de la valeur des services de santé. C’est-à-dire que tant les structures, les rôles, les modèles d’affaires, les incitatifs que le soutien (systèmes d’information, formation, etc.) doivent viser la responsabilisation de l’ensemble des prestataires, selon la valeur des services offerts.

Le World Economic Forum (WEF) a d’ailleurs reconnu l’importance de transformer les systèmes de santé en fonction de la valeur pour en assurer la viabilité. Cette transformation dépend toutefois de la diffusion de données comparables sur les coûts et la qualité des services et l’adoption de mécanismes de financement par patient. Deux promesses électorales importantes qui tardent à se réaliser.

Notre enquête et la littérature ont montré que l’opposition de différentes parties qui protègent avant tout leurs intérêts explique les réticences des gouvernements à agir. Seule la pression publique fera changer les choses.

L’efficience en santé dépend en grande partie de la volonté de changement de la population. Mais comment la population peut-elle l’exprimer s’il n’y a pas de propositions en ce sens de la part des partis qui sont dans la course ?

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