MON CLIN D’œIL

Mon clin d’œil

« Si les Expos reviennent, est-ce que je peux revenir avec eux ? » — Youppi, qui a hâte de célébrer quelque chose

OPINION

PROJET DE LOI SUR LA NEUTRALITÉ RELIGIEUSE DE L’ÉTAT
Des retombées qui risquent d’être minces

Le législateur est sur le point d’adopter le projet de loi 62, qui vise à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l’État et à encadrer les demandes d’accommodements religieux.

Légiférer concernant le visage découvert, c’est apparemment une première en Amérique du Nord. Les défenseurs des libertés fondamentales et les porte-parole des communautés religieuses auront, sans doute, leur mot à dire. À titre d’administrateur universitaire et d’homme gai ayant choisi de vivre au Québec, je me limite à quelques réflexions personnelles, mais pertinentes.

Les médias relatent souvent que la loi prohibe le visage couvert. C’est pourtant faux. Il est vrai que la loi énonce que le personnel gouvernemental doit exercer ses fonctions à visage découvert et qu’il en est de même pour les personnes qui reçoivent des services gouvernementaux. Or, la loi prévoit, comme accommodement, une dérogation de ce point de départ. Un tel accommodement doit être accordé à moins que des motifs portant sur la sécurité, l’identification ou la communication ne s’y opposent.

Le bien-fondé de la loi, à l’égard des chartes québécoise et canadienne, reposera sur l’interprétation qu’accorderont éventuellement les tribunaux à ces conditions et à l’exception. Je laisse ces questions à d’autres.

Je ne doute pas que les avocats auront beaucoup de travail pendant les litiges interminables qui se profilent déjà à l’horizon.

Qu’est-ce que j’y vois à titre d’administrateur ? Je sais d’expérience que, quelle que soit la taille de l’organisme, l’introduction d’une nouvelle politique requiert des réponses convaincantes aux questions prévisibles, un partage de responsabilité clair et des mesures d’exécution simples et faisables. Qu’en est-il du projet de loi 62 ?

La loi semble déléguer à chaque employé public la tâche de l’interpréter et de l’appliquer. Qui plus est, le gouvernement annonce que c’est seulement après l’adoption du projet de loi qu’il collaborera avec les municipalités, les écoles et les garderies afin d’établir des barèmes clairs.

Nous sommes loin des balises claires réclamées par plusieurs depuis la commission Bouchard-Taylor.

Comme homme gai, je suis normalement fier de l’ouverture de ma société d’adoption. Aujourd’hui, je ne puis toutefois m’empêcher de penser à un autre moment où le Québec a innové en traversant une frontière en Amérique du Nord, sinon au monde. Je pense à l’insertion dans la Charte québécoise, en 1977, de la protection contre la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle.

Ce geste signalait la confiance et l’ouverture de la majorité de l’époque envers une minorité historiquement marginalisée et stigmatisée. La modification de la Charte invita les personnes gaies et lesbiennes à s’intégrer à la société québécoise et à y prendre la place qui leur revient.

Je serais étonné si les gens sur lesquels le projet de loi 62 risque de peser lourdement, soit une minorité de musulmanes, y voyaient une pareille invitation à s’affirmer et à prendre leur place dans notre société. Les coûts de cette loi seront financiers et symboliques. Et ces retombées risquent d’être minces.

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