Personnalité de la semaine

Nathalie Bergeron

À Sorel, les murs extérieurs de l’école Fernand-Lefebvre sont maintenant tapissés de mille portraits de jeunes qui fréquentent l’établissement. L’instigatrice du projet, Nathalie Bergeron, est notre personnalité de la semaine.

Après une quinzaine d’années passées à parcourir le monde et à travailler comme intervenante sociale, Nathalie Bergeron est revenue s’installer dans sa ville natale, Sorel, pour enfin vivre de sa passion, la photographie.

Précisons tout de même que l’appareil photo de Nath. B., comme tout le monde l’appelle, n’a jamais été bien loin. « Pour moi, la photographie est un outil d’intervention, indique-t-elle. Je me suis toujours servie de mon appareil photo pour entrer en contact avec les gens. »

En remettant les pieds dans son patelin et en photographiant ses habitants, Nathalie a bien vite constaté que sa ville avait changé. « Il y a eu des fermetures d’usines, des pertes d’emplois. Il y a du monde qui en arrache présentement. »

Résultat : l’école secondaire Fernand-Lefebvre, qu’elle a elle-même fréquentée, est maintenant considérée comme un établissement scolaire en milieu défavorisé. Et les murs gris de l’édifice, tout en béton, ne contribuent en rien à remonter le moral (déjà très bas) des jeunes de la région. « Pour eux, l’école Fernand-Lefebvre, FL comme ils l’appellent, ressemble à une prison », ajoute-t-elle.

Nath. B. a décidé de s’en mêler. À bord de son studio mobile – un vieil autobus scolaire peint en rose et baptisé La caravane du bonheur –, la photographe est allée cogner aux portes de l’établissement afin de mettre en branle un projet auquel elle réfléchissait depuis longtemps.

Lancé par un photographe français, et réalisé un peu partout dans le monde, le projet Inside Out consiste à emballer un édifice avec des photos format géant des gens qui le fréquentent. « Je trouvais que c’était le projet idéal pour amener un sentiment de fierté collective. »

« Je voulais rassembler les jeunes, les intéresser à quelque chose, et leur prouver qu’ils pouvaient tout réussir lorsqu’ils se mettaient ensemble. »

— Nathalie Bergeron

Les jeunes ont entrepris le projet l’hiver dernier, avec en tête le leitmotiv suivant : « J’existe ! Sous le gris, il y a de la vie ! » Sur les 1162 élèves, 1002 ont accepté de se faire photographier. Nath. B. et son équipe n’ont cependant pris aucun des clichés. « On a pigé des noms afin de jumeler les ados. Ce sont eux qui se sont mutuellement photographiés. Ils ont ainsi tissé des liens entre eux. »

Collées sur les murs extérieurs – avec de l’eau et 170 kg de farine –, les photos des élèves remportent un vif succès. Aux abords de l’école, on peut en croiser plusieurs, accompagnés de leurs parents, qui cherchent leur portrait ou qui essaient de découvrir qui se cache sous deux yeux aussi anonymes que mystérieux. Une option créée afin d’accommoder les plus timides.

Comment mesure-t-elle la réussite de son projet ? « En sourires, et ils sont nombreux. Et presque un mois plus tard, il n’y a toujours pas un seul graffiti sur les photos. Par contre, certaines d’entre elles commencent à se décoller, mais ça fait aussi partie du projet. L’exposition est éphémère… comme la vie. »

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