Tribunal des droits de la personne

Décision historique pour les chiens-guides

Le Tribunal des droits de la personne a rendu une décision historique en condamnant un ancien employeur à payer 7 605 $ en dommages à une massothérapeute malvoyante qui a perdu son gagne-pain alors qu’elle voulait amener son chien-guide au travail. 

« Il s’agit de la première décision du Tribunal des droits de la personne concernant la présence d’un chien guide dans le domaine de l’emploi, a déclaré le président de la Commission, Gaétan Cousineau. Cette décision démontre que l’employeur doit trouver des mesures d’accommodement pour les employés qui utilisent un moyen pour pallier leur handicap. Il s’agit d’une obligation légale. »

Maryse Sauvé, atteinte d’une maladie dégénérative de la vision, est encore sous le choc. « Cette histoire m’a beaucoup déstabilisée. Je vais complètement changer de profession », a-t-elle confié.

Massothérapeute, Mme Sauvé obtient en 2009 un poste dans l’équipe du SPA Bromont. Une belle occasion pour elle d’améliorer sa situation financière, difficile à cause notamment de son handicap.  

Au moment de l’embauche, Maryse Sauvé ne possède pas encore de chien-guide. Toutefois, comme sa vision diminue, elle mentionne lors de l’entretien qu’elle pense avoir un chien-guide dans les prochains mois. Une information qui, à l’époque, ne semble pas déranger outre mesure. 

Pas de chien-guide 

Arrive finalement le téléphone d’acceptation de la Fondation Mira. Maryse Sauvé s’absente alors de son travail pour trois semaines, le temps de la formation obligatoire. 

Ce n’est que lors de son retour qu’elle réalise qu’elle a perdu son gagne-pain. « Je n’avais plus d’emploi, ils ne m’appelaient pas pour travailler », explique-t-elle. 

Voulant garder son poste, Maryse Sauvé suggère aux dirigeants du SPA Bromont les services d’un entraîneur de la Fondation Mira pour faciliter l’intégration du chien-guide, en vain. « J’avais apporté tous les arguments pour conserver mon emploi, mais ça n’a pas fait », explique-t-elle. 

Pour le SPA Bromont, le chien ne pouvait être « accepté dans l’établissement à cause des allergies, du poil, des odeurs et du manque d’espace », lit-on dans le jugement. 

Choquée, la malvoyante a décidé de se retrousser les manches et de faire valoir ses droits. « Je me suis défendue pour tous ceux qui vivent des injustices et n’ont pas la force de foncer. Moi, j’avais cette énergie et j’ai été jusqu’au bout », dit-elle. 

Une bataille constante 

Directeur de la recherche et du développement pour la Fondation Mira, Noël Champagne était « persuadé » que la plaignante allait obtenir gain de cause.  « Tu es massothérapeute, tu viens chercher un chien et du jour au lendemain, tu n’as plus de job… c’est assez clair, la raison », dénonce-t-il.

« Une personne qui veut aller se faire masser et qui est un peu gênée : il me semble qu’une handicapée visuelle, ça facilite les contacts, dit-il à la blague. On fait toujours des campagnes de sensibilisation pour expliquer aux gens, mais c’est toujours à recommencer. »

Chiens-guides au travail

Hausse du nombre de plaintes

Depuis cinq ans, la Commission des droits de la personne observe une hausse des plaintes reliées à l’utilisation d’un chien-guide ou d’un chien d’assistance pour pallier un handicap. À preuve, en 2008 et 2009, seulement six dossiers ont été déposés, contre 21 en 2012 et 2013. 

Cette année, déjà trois dossiers ont été ouverts, et ce, pour seulement les quatre premiers mois de l’exercice financier de la Commission. Parmi les plaintes, on trouve entre autres des propriétaires d’un centre d’entraînement de Montréal qui ont refusé de vendre un abonnement à une femme ayant une déficience visuelle, parce qu’elle utilise un chien-guide. Un homme de Québec a dû se battre pour faire accepter son chien-guide dans son condo. Et, aussi, un handicapé s’est vu refuser l’accès à un terrain de camping à cause de l’assistant à quatre pattes. 

— Caroline d'Astous

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