OPINION

Les parcomètres
de Sainte-Justine

Mon commentaire sera bref, mais j’espère qu’il saura atteindre le cœur de ceux et celles qui sont a l’origine de cette idée tout à fait ridicule.

Je dois dire d’entrée de jeu que je ne suis pas un résident de cet arrondissement. Je ne suis même pas Montréalais. Je demeure à Notre-Dame-des-Prairies, tout près de Joliette. Cependant, j’ai fréquenté pendant plusieurs mois l’hôpital Sainte-Justine, lorsque mon garçon atteint d’une leucémie y était hospitalisé.

Au début, on prend des congés et on s’y rend les deux parents ensemble, et ça dure toute la journée. Puis, il faut continuer de travailler. Ma conjointe, qui était enceinte de notre deuxième enfant, était déjà en arrêt de travail, alors elle se rendait au chevet de notre fils le jour, et je la remplaçais le soir venu, et ce pour toute la nuit jusqu’au matin, alors que je partais pour le travail.

On n’a pas idée comme ça change une vie. Donc, 7 jours par semaine à raison de pratiquement 20 heures par jour. Calculez. Ça fait 140 heures de stationnement par semaine à 2,50 $ l’heure (ce qui, en passant, a été jugé comme étant un tarif plus que raisonnable), pour un total de 350 $ de stationnement pour une seule semaine, à se rendre auprès de notre fils et à se demander pourquoi lui, pourquoi pas nous.

Sur le coup, on n’y pense pas vraiment et on le paie. D’ailleurs, je crois qu’ils le savent très bien et c’est pour ça qu’ils vont de l’avant. Ils savent que ces « parents en mission » ne perdront pas leur précieux temps à aller se plaindre.

Dans notre cas, nous n’avons pas poursuivi ce rituel trop longtemps, car notre fils est décédé trois mois après avoir été admis à Sainte-Justine. Mais imaginez ces parents qui vivent ces moments durant six à douze mois, voire des années avec les rémissions qui se succèdent. Imaginez les sommes d’argent qui sont prélevées à même la souffrance des gens. Je trouve ça écœurant ! Il n’y a pas d’autres mots. Nous en sommes au point où nos élus, faute d’idées géniales, se rabattent sur la misère des gens, sachant fort bien qu’ils ont d’autres chats à fouetter.

En fin de compte, ils ne cherchent qu’à soutirer le plus qu’ils peuvent, sans se soucier du coup qu’ils portent, avec quelle force ils frappent et quels dommages ils causent.

Je ne sais pas combien d’enfants sont hospitalisés à Sainte-Justine ni combien de parents, d’oncles et tantes, grands-parents et amis vont les visiter chaque jour. Mais soyez assurés d’une chose, eux, ces chers élus, le savent. Ils ont fait leur petit calcul magique : X nombre de stationnements x 2,50 $/heure x X nombre d’heures par jour x le nombre de personnes donne la belle recette qui entrera dans leur coffre. Je sais que je décris ça avec un certain mépris, mais je sais de quoi je parle.

Il y a parfois de ces gestes qui sont posés qui n’en valent pas la peine, peu importe ce que l’on en retire. Il vaut parfois mieux se dire que ce qui est utile à plusieurs personnes, l’emporte généralement sur le désir d’un seul ou du petit nombre.

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