Lutte contre la radicalisation

Vers la création d’un centre national pour contrer la propagande djihadiste

Le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale visitera le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence à Montréal aujourd'hui.

OTTAWA — La propagande djihadiste diffusée sur l’internet et les réseaux sociaux constitue un véritable « poison » pour les jeunes qui sont vulnérables « aux influences insidieuses », estime le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Le ministre croit que l’un des remèdes contre ce poison passe par la création d’un bureau national pour la sensibilisation et la lutte contre la radicalisation. C’est pourquoi M. Goodale profitera de son passage dans la région de Montréal aujourd’hui pour visiter le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), créé l’an dernier par le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal, a-t-on indiqué hier au bureau du ministre.

Le ministre doit d’ailleurs rencontrer son homologue québécois Martin Coiteux ainsi que le maire de Montréal Denis Coderre durant sa visite au CPRMV afin de faire le point sur les premiers mois d’existence de l’organisme.

Cette visite du ministre Goodale survient quelques jours après que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a évité le pire en déjouant un attentat terroriste à Strathroy, dans le sud de l’Ontario, après avoir été alertée par le FBI qu’un sympathisant du groupe armé État islamique (EI), Aaron Driver, s’apprêtait à frapper un grand coup dans une ville canadienne durant les heures de pointe. M. Driver, qui était âgé de 24 ans, a été tué dans l’affrontement qui a eu lieu avec les policiers déployés près de son domicile. Le jeune homme s’était radicalisé au cours des derniers mois et avait enregistré une vidéo dans laquelle il prêtait allégeance au groupe terroriste et promettait de faire payer au Canada sa participation à la lutte contre l’EI en Syrie et en Irak.

M. Goodale devait visiter le CPRMV au printemps, mais un conflit d’horaire a forcé le report de sa visite.

CHANGEMENT DE STRATÉGIE

Si l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper privilégiait la ligne dure envers les jeunes individus qui répondaient à l’appel aux armes des djihadistes, les libéraux de Justin Trudeau estiment qu’il faut combattre ce fléau sur plusieurs fronts à la fois, notamment en luttant contre la radicalisation. En campagne électorale, les libéraux ont d’ailleurs promis de créer un bureau de coordination de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation. Cela fait d’ailleurs partie de la lettre de mandat du ministre Goodale.

« Nous voulons voir de visu ce qu’il se fait à Montréal pour lutter contre la radicalisation. Notre objectif est de créer un centre national, car il s’agit d’un problème national », a indiqué une source gouvernementale à La Presse

« L’endroit où sera établi le centre et le coordonnateur devraient être annoncés cet automne. »

— Une source gouvernementale

Dans une longue déclaration diffusée en fin de journée hier, le ministre Goodale a réitéré sa volonté de faire du Canada un leader mondial en matière de lutte contre la radicalisation.

« Nous devons accéder à la meilleure recherche internationale. Nous devons élaborer davantage notre propre recherche. Nous devons générer et coordonner le talent et l’expertise. Nous devons mobiliser et soutenir les organismes de sensibilisation communautaires. Nous devons connaître la façon d’identifier les personnes qui peuvent être vulnérables aux influences insidieuses qui attirent certaines personnes, surtout les jeunes, vers l’extrémisme menant à la violence. Nous devons comprendre le type de messages positifs qui peuvent neutraliser ce poison. Nous devons connaître la façon d’intervenir à l’aide des bons outils au bon moment et de la bonne manière. Tous ces éléments permettront autant que possible de prévenir les tragédies avant qu’elles ne surviennent », a soutenu le ministre Goodale.

Il a souligné que des travaux dans ce domaine ont été réalisés ou sont toujours en cours au Canada dans différentes universités et dans des villes comme Montréal et Calgary. Le hic, c’est qu’il « n’y a que peu de cohérence nationale. Notre but est de commencer à régler ce problème cette année », a-t-il dit.

LA MENACE EST PARTOUT

Selon le ministre, les événements de la semaine dernière, qui auraient pu avoir des conséquences fort tragiques, n’eût été l’intervention rapide des corps policiers alertés par le FBI, démontrent que le Canada n’est pas à l’abri de la menace terroriste.

« Personne ne penserait un seul instant que ce qui a marqué Strathroy mercredi dernier était représentatif de cette communauté tranquille on ne peut plus canadienne […]. Cependant, cet événement met en évidence que dans ce monde incertain, aucun endroit n’est à l’abri de la menace terroriste. De plus, la préoccupation la plus importante concerne des solitaires qui adoptent des idéologies perverses et extrêmes qui font la promotion de la violence », a-t-il affirmé dans sa déclaration.

Le ministre a aussi réitéré l’engagement des libéraux de réexaminer la Loi antiterroriste au cours des prochains mois. Cet examen visera notamment à s’assurer que les forces de l’ordre aient les outils pour assurer la sécurité des Canadiens, et ce faisant, que l’on s’assure du respect « de nos valeurs, de nos droits et de nos libertés ainsi que du caractère ouvert, inclusif et démocratique de notre pays ».

Lutte contre la radicalisation

Les femmes se radicalisent-elles différemment des hommes ?

La présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, a présenté en juin à l’UNESCO, à Paris, les grandes lignes d’une étude sur les jeunes femmes qui deviennent djihadistes. Cette étude, qui sera dévoilée cet automne, est réalisée en partenariat avec le CPRMV. Le but de l’étude est d’examiner « de quelle façon le processus de radicalisation s’opère chez les femmes », a expliqué Liliane Côté, conseillère stratégique au Conseil du statut de la femme. Au Québec, quelques cas de femmes djihadistes ont été médiatisés ces dernières années. En janvier 2015, deux jeunes filles ont quitté le Québec, de même que quatre garçons, selon toute vraisemblance pour rejoindre des djihadistes en Syrie en passant par la Turquie. La Gendarmerie royale du Canada a aussi annoncé quelque temps plus tard le départ de deux autres femmes non identifiées. 

— Louise Leduc, La Presse

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