ENTRE DEUX TOUNES

Un logiciel montréalais révolutionne
le mixage

Ça y est. Après des années de labeur et quatre millions d’investissement, la boîte montréalaise MixGenius a lancé officiellement son outil qui permet aux musiciens de mixer et matricer une chanson en quelques secondes à peine.

Depuis mardi dernier, les artistes peuvent utiliser le logiciel révolutionnaire à leur guise en échange d’un abonnement coûtant de 9 à 20 $ par mois.

L’équipe de l’entreprise montréalaise se trouve présentement à la Canadian Music Week, à Toronto, histoire de se faire connaître. Hier, elle y a remporté le prix de la technologie de l’année.

MixGenius vise les millions d’abonnements et tout va pour le mieux pour atteindre cet objectif. Au terme de sa période de tests, il a déjà des usagers dans une quarantaine de pays. Sans compter d’étroites collaborations avec le label Turbo, Pop Montréal, le festival MUTEK et plusieurs artistes, dont Bobby Fisher, SnowSkull et Le Couleur. L’équipe a également présenté son expertise à des établissements comme le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et le Berklee College of Music.

Lors de notre visite dans leurs bureaux du Mile End, mardi dernier, nous avons croisé parmi les employés des musiciens de Montréal, dont Rory Seydel, vu dans les groupes Pat Jordache et Shapes and Sizes.

« Nous sommes un gros start-up de Montréal avec 4 millions de dollars d’investissement », indique le PDG Pascal Pilon, auréolé de plusieurs prix d’entrepreneuriat.

UN PRODUIT FINI POUR TOUS

Pascal Pilon a découvert l’entreprise en février 2013, mais la technologie de MixGenius est née en 2007, à l’Université Queen Mary de Londres.

L’incubateur TandemLaunch a réussi à convaincre son équipe de chercheurs de s’installer à Montréal. Parmi les étudiants se trouvait Stuart Mansbridge, aujourd’hui chef des technologies musicales.

Alors que le projet de MixGenius se transformait graduellement en produit, TandemLaunch a ensuite recruté Justin Evans (actuellement vice-président aux produits et à l’innovation).

Ce dernier était débarqué à Montréal de la Colombie-Britannique en 2002, avant l’âge d’or de l’indie rock avec Arcade Fire et en plein dans celui du label Constellation. Il avait fait partie de plusieurs groupes underground avant de cofonder la boîte de conception web Stresslimit Design. À l’invitation de TandemLaunch, il s’est intéressé à la technologie de MixGenius. « Je cherchais un moyen de revenir à la musique », raconte-t-il.

Il fallait ensuite trouver 4 millions de dollars pour mettre en marché le logiciel. « À l’époque, il était question de faire un deal avec de grosses compagnies de mixage. J’ai analysé le dossier comme investisseur et j’ai décidé de sauter dans l’aventure en convainquant aussi des amis d’investir pour amener le projet en mode commercialisation. Des tracks de The Killers m’ont convaincu, raconte Pascal Pilon. La différence était assez spectaculaire. Je me suis dit : « Imagine, grâce à notre technologie, un band peut avoir un produit fini instantanément. »

Le PDG est fier d’annoncer la fin de l’étape « bêta » de MixGenius. Depuis mardi dernier, les groupes et artistes de partout dans le monde peuvent s’abonner au logiciel.

EN QUELQUES SECONDES

Grâce à des algorithmes avancés, le mixage (calibrage des instruments) et le matriçage (transfert homogène d’un enregistrement sur un support) d’une chanson se font en quelques secondes à peine. Or, il peut en coûter à un artiste des milliers de dollars pour faire affaire avec un studio.

MixGenius permet à un musicien de commercialiser une composition, mais le logiciel facilite aussi le remixage, la retransmission d’un concert et les prestations de DJ.

Pendant la phase « bêta » de MixGenius, un millier d’artistes ont testé le logiciel. « Les commentaires sont hyper positifs. Ça change leur workflow, car ils peuvent changer leur façon d’enregistrer selon le son final », explique Justin Evans.

L’outil MixGenius est malléable, souligne Pascal Pilon. Son intelligence artificielle poussée repose sur une foule de statistiques et d’attributs propres à différents genres musicaux. Un peu à l’image du Musical Genome Project du service d’écoute personnalisé Pandora, basé sur des centaines de caractéristiques musicales.

« Les algorithmes de notre logiciel remplacent des équipements qui valent des milliers de dollars », indique Justin Evans.

À BAS PRIX

Avec ses tarifs dérisoires, MixGenius compte obtenir des millions d’abonnements à sa plateforme (www.landr.com). Le logiciel est gratuit pour obtenir des fichiers MP3 ; il coûte 9 $ par mois pour quatre fichiers non compressés et 19 $ par mois pour un nombre illimité de chansons.

« Nous créons une nouvelle écologie musicale. Un mauvais enregistrement peut bien sonner au final, indique Justin Evans. De plus en plus, les musiciens recherchent un son plus léché. Même les groupes indie rock veulent donner de l’ampleur à leur son. »

Pour les artistes, les possibilités sont multiples en matière d’autoproduction, d’enregistrement live et de retransmission de spectacles. Surtout pour les musiciens-orchestres que sont les rappeurs, les musiciens électroniques et les DJ.

« Notre but est de faire disparaître l’obstacle de la production pour les artistes et de les aider à monétiser leur contenu le plus vite possible », fait valoir Pascal Pilon.

Le PDG de MixGenius estime qu’il y a 160 millions de musiciens amateurs dans le monde. Il voit gros. Des discussions sont en cours avec des festivals, des producteurs et des groupes de renom.

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