Publication de travaux scientifiques

Le ras-le-bol des bibliothèques

Certaines organisations ont réagi avec vigueur à l’enquête de Science. Parmi celles-ci, on trouve les bibliothèques universitaires.

« L’article dans Science présente les résultats de cette enquête comme preuve qu’il y a un problème avec l’édition en libre accès. L’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) rejette cette affirmation », a fait savoir par communiqué l’ABRC, qui regroupe 29 bibliothèques universitaires du Canada.

Selon l’Association, c’est le processus d’examen par les pairs, et non le modèle d’affaire du libre accès, qui pose problème. Comme d’autres, l’ABRC dénonce la méthode de Science, qui n’a pas utilisé d’échantillon comparatif pour tirer ses conclusions.

Les « dindons de la farce »

Si les bibliothèques universitaires réagissent ainsi, c’est pour une raison bien simple : elles en ont assez de payer les frais de plus en plus élevés exigés par les revues par abonnement et voient dans le mouvement du libre accès une bouffée d’air frais.

Dans une chronique signée cette semaine dans Forum, le journal de l’Université de Montréal, le directeur général des bibliothèques, Richard Dumont, affirme justement que les communautés universitaires sont devenues les « dindons de la farce » de la communication scientifique.

Son analyse est la suivante. Les universités fournissent gratuitement la matière première – la science – qui sert à remplir les pages des revues savantes. À la demande des éditeurs, les chercheurs acceptent aussi de réviser gratuitement les manuscrits des scientifiques des autres universités. Puis les éditeurs revendent cette science aux bibliothèques des universités, qui paient les frais d’abonnement des revues pour donner accès à leurs chercheurs aux études les plus récentes.

« Je pense que le système actuel de communication savante est voué à l’échec », tranche M. Dumont.

L’Université de Montréal dit payer sept millions en frais d’abonnement annuel pour les revues savantes, et la facture ne cesse de grimper. Selon les chiffres de l’Association of Research Libraries, qui regroupe 125 bibliothèques du Canada et des États-Unis, les coûts d’abonnement aux périodiques ont explosé de 402 % de 1986 à 2011, ce qui est près de quatre fois supérieur au taux de l’inflation.

Selon M. Dumont, les grands éditeurs constituent un « oligopole » et tirent profit de la notoriété liée à leurs publications.

« La dynamique de ce marché est particulière, témoigne Diane Sauvé, directrice au soutien à la réussite, à la recherche et à l’enseignement à la direction des bibliothèques de l’Université de Montréal. Si on veut accéder à une certaine revue en sociologie, on n’a pas vraiment le choix. On ne peut pas dire : elle est trop chère, on va en prendre une en santé publique à la place ! »

« Nous avons atteint le point de rupture, continue M. Dumont. Les bibliothèques ne peuvent plus soutenir l’inflation annuelle des périodiques. Un virage s’impose. »

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