Opinion : Infirmières de bloc opératoire

Elles sont allées voir ailleurs

Dans tous les blocs opératoires du Québec se trouvent des perles. Les infirmières de bloc opératoire sont comme des abeilles immensément travaillantes, compétentes, patientes, endurantes.

Ce sont elles qui préparent les patients à leur intervention chirurgicale, les rassurent, les installent en salle d’opération, préparent tous les instruments nécessaires à l’intervention selon les exigences de chaque chirurgien, assistent le chirurgien, l’endurent et le rassurent dans les moments difficiles, s’assurent qu’on n’oublie rien dans un patient.

Elles connaissent aussi bien la chirurgie de la hanche que le poignet, la thyroïde, le côlon, le poumon, l’utérus, la rate, les yeux, les tympans, l’aorte… Elles se font éclabousser par du sang, des selles et autres liquides biologiques. Surveillent le patient en salle de réveil, diagnostiquent des arythmies, des difficultés respiratoires et sonnent l’alarme. Assistent à la réanimation de nouveau-nés et j’en passe.

De jour comme de nuit, elles font passer les besoins du bloc opératoire avant les leurs.

Lorsqu’elles sont de garde, elles doivent laisser ce qu’elles font et se précipiter au bloc opératoire sur-le-champ pour permettre à un bébé de naître ou pour sauver un accidenté qui saigne dans son ventre ou une mère qui vient d’accoucher. Tout ça pour un salaire bien en deçà de ce qu’elles méritent.

Une perle, ça se bichonne, ça se polit, ça se vend cher, très cher. Une perle, on ne la pousse pas jusqu’à l’épuisement en limitant l’arrivée de nouvelles perles et en ne remplaçant pas les départs, on ne lui refuse pas systématiquement ses journées de repos ou ses vacances et surtout, on ne la traite pas à grands coups de « si tu n'es pas contente, va voir ailleurs ». Parce que, savez-vous quoi ? Eh bien ! les perles, quand on leur dit ça, elles écoutent et elles vont voir ailleurs.

Au centre hospitalier régional où je travaille, la direction de l’hôpital et du bloc opératoire semble avoir perdu toute notion de respect de la compétence de ses employés.

On semble ne démontrer aucune écoute et on tente encore moins de trouver des solutions aux insatisfactions. Depuis des années il y a pénurie de personnel au bloc opératoire, qui va de mal en pis. Les infirmières sont épuisées, elles font des gardes environ aux trois jours sans compter les fins de semaine. Ces jeunes mamans ne voient pas leurs enfants, travaillent à Noël et à la relâche et ont des vacances au printemps et à l’automne. Elles n’en peuvent plus.

Nombreux départs 

Dans les dernières semaines plus de la moitié d’entre elles ont posé leur candidature à des postes dans d’autres départements (obstétrique, prévention des infections, CHSLD) et comme ce sont des infirmières avec de nombreuses années d’ancienneté, elles ont obtenu ces postes et vont nous quitter sous peu. Comment remplace-t-on 15 ou 20 ans d’expérience ? Impossible. Même avec toute la bonne volonté du monde, une « petite nouvelle » ne peut avoir la connaissance, l’expertise, la tolérance, la gestion du stress d’une infirmière de bloc opératoire d’expérience.

J’ai très peur pour l’avenir de mon bloc opératoire, de la population de ma région et j’ai bien peur que beaucoup d’autres hôpitaux ne vivent la même chose que nous. Je lève le drapeau rouge… encore… et j’espère qu’il est encore temps de renverser la vapeur et de trouver des incitatifs pour les garder et en recruter de nouvelles.

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