Opinion : Politique étrangère de la France

Macron face au monde

On a reproché à Emmanuel Macron ses ambiguïtés idéologiques entre la droite et la gauche. Les experts en débattront longtemps. Dans un domaine, la politique étrangère et de défense, sa pensée est sans détour. Jamais autant que lors de la célébration de sa victoire, dimanche, cela n’aura été aussi évident.

Le nouveau président désigné est arrivé sur l’esplanade du musée du Louvre où ses partisans l’attendaient au son de L’hymne à la joie de Beethoven, l’hymne officiel de l’Union européenne. Il y a prononcé un discours résolument européen et internationaliste devant un parterre multiracial et joyeux. Tout un pied de nez au Front national et aux souverainistes radicaux.

Emmanuel Macron n’a jamais caché son attachement à l’Europe. À chaque intervention publique au cours de sa campagne, le drapeau de l’Union l’accompagnait. Dans un pays où plus d’un disait, faussement, que les Français sont majoritairement eurosceptiques, il a pris ce risque et gagné.

Bien élu par rapport à ses prédécesseurs depuis 1965, Emmanuel Macron a maintenant un mandat fort. Les élections législatives de juin détermineront la marge dont il disposera afin de mettre en œuvre son programme.

Toutefois, en politique étrangère et de défense, il aura, comme tous ses prédécesseurs, les mains libres.

C’est la chasse gardée du président, les affaires intérieures étant dévolues au premier ministre et au gouvernement.

L’Europe est la priorité, c’est bien normal. Et Macron connaît le sujet. Il a été sherpa de François Hollande dans la préparation des sommets européens sur la crise grecque. Ex-ministre de l’Économie, les forces et les faiblesses du continent n’ont plus de secrets pour lui.

La France occupe une place centrale en Europe, et le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne devrait lui permettre d’asseoir cette position et de travailler avec l’Allemagne pour relancer la construction européenne. Les choses s’annoncent plutôt bien, puisque les 19 membres de la zone euro ont renoué avec la croissance. Macron veut renforcer cette zone en instituant un budget, un Parlement et un ministre des Finances.

Multilatéralisme

Le nouveau président est un multilatéraliste de cœur et un atlantiste de raison. Pour lui, l’ONU est au centre du système mondial et un instrument essentiel à la résolution des conflits. « Si je me place du côté des réalistes en matière de défense et de politique étrangère, je ne suis pas unilatéraliste. L’unilatéralisme, c’est la guerre », a-t-il dit lors d’un discours en mars dernier, rappelant qu’« une politique étrangère sans ancrage multilatéral ne peut promouvoir efficacement la paix ». La France défendra ses intérêts, bien entendu, mais le fera dans un cadre multilatéral, là où elle est en mesure de démultiplier sa force.

L’OTAN est aussi une pièce maîtresse pour assurer la sécurité du continent et maintenir le lien transatlantique. Contrairement à une bonne partie de la classe politique française, Macron ne veut pas en sortir, même si les États-Unis dominent l’organisation. Il en va des intérêts bien calculés de la France.

La relation avec la Russie a certainement été, avec l’Europe, la question la plus controversée de cette élection. La plupart des candidats étaient prorusses, parfois jusqu’à la servilité, comme dans le cas de Marine Le Pen.

Macron est passé d’une position plutôt molle à une posture plus critique. Les « valeurs » de Poutine ne sont pas celles de la France, a-t-il répété.

Pour autant, Macron devra se garder d’être perçu comme trop proaméricain. La Russie ne peut être contournée, et il est grand temps de la réintégrer totalement dans le système diplomatique international. C’est aussi à Paris d’y voir.

Le nouveau président sera rapidement confronté aux réalités internationales. Immédiatement après la passation des pouvoirs dimanche, il se rendra en Afrique ou au Proche-Orient pour saluer les soldats français engagés dans la lutte contre le terrorisme, puis en Allemagne pour une première rencontre avec un leader étranger, Angela Merkel. Il rencontrera Donald Trump le 25 mai en marge du sommet de l’OTAN à Bruxelles. Le sommet du G7 suivra, en Italie, puis celui du G20, en Allemagne. M. Trump et Vladimir Poutine seront ses principaux interlocuteurs, deux présidents qui ne veulent pas que du bien à l’Europe.

Emmanuel Macron dispose de formidables atouts pour mener une politique étrangère et de défense à la hauteur de son pays. Il existe une seule superpuissance, les États-Unis, mais, dans le cercle des grandes puissances, la France demeure première grâce à son économie, à sa capacité de projection militaire, à son influence diplomatique, à sa langue et à sa culture. La France vient résolument de dire non à la xénophobie, au racisme et au repli sur soi. Elle est prête à poursuivre son chemin avec l’Europe et le monde.

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