Télévision  Jamais sans nos enfants

Deux sœurs, 50 enfants, une mission

Février 1975. Alors que l’armée des Khmers rouges menace de faire tomber Phnom Penh, deux Québécoises, les sœurs Anna et Eloise Charet, entreprennent d’amener au Québec la cinquantaine d’enfants dont elles s’occupent dans un orphelinat de la capitale cambodgienne.

Près de 40 ans plus tard, Kim Routhier-Filion, un des rescapés, demande l’aide du documentariste Yves Bernard pour raconter cette histoire. Ainsi est né le film Jamais sans nos enfants, diffusé ce soir sur les ondes de RDI. La Presse s’est entretenue avec M. Bernard.

Qu’est-ce qui est à l’origine du projet ?

Kim Routhier-Filion, un des orphelins concernés, nous a raconté l’histoire des sœurs Charet. Nous avons été touchés par la profonde reconnaissance qu’il avait à leur endroit et sa volonté de voir leur engagement être connu du grand public. Une recherche préliminaire et une conversation avec les deux sœurs nous a convaincus qu’il y avait matière à faire un documentaire. Elles n’étaient jamais retournées au Cambodge, et je leur ai proposé d’y aller avec Kim afin qu’elles lui expliquent ce qu’elles avaient vécu.

Dans quel état d’esprit étaient les sœurs Charet durant le tournage ?

Elles étaient émues de faire un retour dans ce passé qui ne les avait jamais vraiment quittées. Et, par coïncidence, Eloise travaillait justement à un livre sur cette histoire, qu’elle espère publier en 2014. Elle et sa sœur étaient donc enthousiastes à l’idée que ce documentaire puisse permettre aux enfants qu’elles avaient « sauvés » de mieux comprendre le contexte de l’époque et leur décision de leur faire quitter le pays.

On compte plusieurs documentaires sur cette période. Pourquoi celui-ci ?

L’histoire m’apparaissait unique. C’est une leçon de courage de deux jeunes filles du Québec plongées dans l’œil de la tempête avec la lourde responsabilité de tenir un orphelinat et le destin d’une cinquantaine d’enfants. C’était aussi l’histoire de Kim qui, par l’entremise de Facebook, a entrepris de retrouver le plus grand nombre possible d’orphelins de la Canada House. C’était un projet de cœur auquel nous avons voulu humblement rendre justice.

Qu’est-il arrivé aux enfants ramenés par les sœurs Charet ?

Kim a réussi à retrouver une quinzaine des 50 orphelins. Des retrouvailles ont été organisées l’été dernier. Le tiers des orphelins seraient aux États-Unis, les autres étant au Québec ou dans les autres provinces canadiennes. Kim espère que le documentaire permettra d’en retrouver de nouveaux.

Quel est le sentiment des Cambodgiens par rapport à ces événements ?

Il n’y a pas de sentiment unanime. Ce n’est pas ce que nous avons senti chez ce peuple. Dans l’intelligentsia et la diaspora, il y a un devoir de mémoire évident. Mais chez l’homme de la rue et les jeunes, on est rendu ailleurs. Chez les gens de 40 ans et plus, les cicatrices restent vives. Il existe une certaine crainte de parler ouvertement. D’autant plus que certains anciens Khmers rouges font partie de l’actuel gouvernement.

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