Chronique

Et si Bronfman achetait les Alouettes ?

Le vent de face est fort. Les Alouettes battent de l’aile. Partout autour, des prédateurs attendent leur chute.

Les signes de reddition s’accumulent. Sur le terrain, l’équipe est décimée. Elle n’a pas participé aux éliminatoires depuis quatre ans. Son quart-arrière vedette vient de quitter la ville sans compensation. Les renforts ? Inexistants.

C’est encore pire aux guichets. Il ne reste que 10 000 abonnés. Cet été, le prix moyen des billets sera réduit. Des sièges seront ôtés. Le club joue dans un stade loué. Ses employés sont répartis dans deux lieux distants de huit kilomètres. La franchise a peu d’actifs. La capacité d’emprunt est quasiment nulle.

En gros, c’est comme se retrouver devant une rue remplie d’hôtels au Monopoly avec seulement une carte de chemin de fer et 25 $ en poche. Le dernier tour approche.

Les Wetenhall, propriétaires des Alouettes depuis 1997, en sont rendus là. Ils sont lucides. Ils se savent coincés. Ils comprennent aussi qu’une vente immédiate ne leur rapportera que des miettes. Et encore.

D’autre part, plusieurs acheteurs rôdent autour de la famille Wetenhall. Tous souhaitent acquérir le club au rabais. On les comprend. Montreal Gazette indique que la franchise sera bientôt vendue à des intérêts locaux. D’autres médias ont évoqué des noms d’acheteurs potentiels : Étienne Boulay, Louis Morissette, Éric Lapointe (l’ex-porteur de ballon, pas le chanteur).

Mes collègues des Affaires, des Sports et moi avons aussi contacté nos sources hier. Appel après appel, un autre nom revenait. Toujours le même.

Celui de Stephen Bronfman.

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L’amour de Stephen Bronfman pour le sport est bien documenté.

Au début des années 2000, il possédait une petite part dans les Expos. En 2009, il a tenté d’acheter le Canadien. En vain. Depuis trois ans, il travaille fort pour acquérir une équipe du baseball majeur et construire un nouveau stade sur des terrains du bassin Peel, au centre-ville de Montréal.

Tous tiennent pour acquis que ce stade aurait une vocation unique : le baseball. Mais Stephen Bronfman voit plus grand, me dit-on. L’idée de présenter des matchs de football canadien dans un stade au bassin Peel séduit son consortium.

Une dizaine de parties supplémentaires augmenterait le taux d’occupation du stade, son achalandage, la rentabilité des concessions, des loges et des boutiques. Aussi, on peut présumer que la construction d’un stade à vocation multiple serait socialement plus acceptable aux yeux de la population et des gouvernements.

Par ailleurs, les Alouettes ont besoin d’un nouveau domicile pour survivre. L’équipe est incapable de générer des profits au stade Percival-Molson. Le stade Saputo ? La surface de jeu est trop petite pour accueillir un terrain de la Ligue canadienne de football, m’indique-t-on à l’Impact. Et les Alouettes tiennent mordicus à rester au centre-ville.

Stephen Bronfman, ses associés dans le Groupe de Montréal et la famille Wetenhall se connaissent bien. Des canaux de communication sont déjà ouverts. Le PDG de Claridge et bras droit de M. Bronfman, Pierre Boivin, est le père du président des Alouettes, Patrick Boivin.

Des personnes qui gravitent autour du groupe de Stephen Bronfman et des Alouettes croient que les deux groupes sont faits pour s’entendre. Que l’idée d’un propriétaire commun pour deux équipes tombe sous le sens.

Les avantages sont nombreux, me souligne-t-on. Les deux clubs pourraient réaliser des économies importantes en se partageant le stade, les locaux administratifs, les salles d’entraînement, les boutiques, la billetterie, les bases d’abonnés, les employés des ventes, du marketing, des finances et des ressources humaines. Des synergies qui pourraient peut-être permettre aux Alouettes d’être enfin rentables.

Ce modèle de convergence a fait ses preuves ailleurs. Pas besoin de regarder loin. Juste de l’autre côté de la clôture, à Toronto, où Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE) possède les Maple Leafs (LNH), les Raptors (NBA), les Argonauts (LCF), le Toronto FC (MLS) et des franchises des ligues mineures.

Stephen Bronfman est présentement en vacances à l’extérieur du pays. « Nous ne ferons pas de commentaire », m’a indiqué hier un porte-parole de son groupe d’investisseurs. 

Juste un silence en attendant la prochaine étape.

Une prochaine étape qui pourrait prendre la forme d’un dilemme pour Stephen Bronfman et ses partenaires. Sans l’assurance d’une équipe du baseball majeur ou des droits sur les terrains du bassin Peel, peuvent-ils se permettre d’acheter les Alouettes ? À l’inverse, si l’équipe est vraiment sur le marché, peuvent-ils se permettre de laisser passer cette occasion ?

C’est un pari risqué.

Mais au Monopoly, on ne gagne pas sans acheter des terrains et construire des hôtels. 

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