L’arrière-boutique

Louve rétro

Cœur de loup ne vous dit peut-être rien. Mais il suffit de mettre les pieds à Québec pour constater que les modeuses de la capitale ont littéralement adopté la gamme de vêtements aux accents rétro signée Nathalie Jourdain. La Presse a rencontré la designer cet été alors qu’elle était plongée dans la création de sa collection automnale.

Juillet à Québec. Le Festival d’été et la canicule battent leur plein. Dans son petit atelier climatisé, Nathalie Jourdain ébauche sa collection automnale. Quelques échantillons sont accrochés sur des cintres, des tissus s’empilent près des tables de coupe. Elle nous montre un imprimé vintage où gambadent des chevaux sauvages. « J’essaie de créer mes collections en suivant deux ou trois thématiques. Pour cet automne, j’ai vraiment envie d’y aller avec un thème équestre et chasse et pêche », confie-t-elle en nous exhibant des écussons en cuir où sont gravés des poissons, dénichés dans un marché aux puces. « Je prévois aussi un thème back to school avec des tissus à carreaux. Mais tout peut encore changer! », lance-t-elle.

Alors qu’à cette période de l’année, plusieurs designers commencent déjà à créer leur collection printemps/été, la créatrice derrière la griffe Cœur de loup est bien consciente qu’elle a du travail devant elle. « Je suis un peu en retard… J’essaie de créer à l’avance, mais ce n’est pas toujours évident, d’autant plus que je fais tout ici, dans mon atelier. Tout passe par mes mains! »

Nathalie Jourdain peut (encore) se le permettre ; elle a deux points de vente et aime mieux se concentrer sur ses fidèles clientes de Québec qui ont adopté la marque depuis son lancement, en avril 2010. « J’offre un service personnalisé, ce que je ne pourrais pas faire si mes vêtements étaient en vente dans 10 boutiques. Je crois que c’est ce qui fait mon succès. »

Une touche rétro irrésistible

Le phénomène de rareté associé aux pièces de Cœur de loup, qui n’a pas pignon sur rue dans la métropole, crée sans aucun doute la demande. Mais c’est aussi le flair de la designer pour créer des pièces ludiques, un brin rétro et féminines, qui l’ont aidée à se démarquer dans son patelin natal.

Tout a pourtant commencé très « naïvement », raconte-t-elle. Après des études en design de mode, elle travaille comme couturière chez Marie Dooley, designer de la capitale. Elle y confectionne surtout des robes de bal, sur commande. « Je me suis tannée, car j’étais à la merci des clientes. J’avoue que ça m’a fait décrocher de la couture durant un moment. »

Elle passe ensuite de l’autre côté du miroir, et devient acheteuse pour La vie sportive, un travail qu’elle occupe quelque temps. Lorsque ce dernier prend fin, elle se retrouve en recherche d’emploi. Pour tuer le temps, elle recommence à coudre… mais refuse de vendre ses créations à ses amies : « Je ne voyais pas ça comme un travail ; je voulais m’amuser, c’était un passe-temps. »

Elle se laisse finalement convaincre d’aller présenter sa collection à une petite boutique indépendante, Jupon Pressé, qui venait alors d’ouvrir ses portes rue Saint-Jean. Victime de son succès, l’endroit manque de pièces pour remplir son espace. « Je suis allée les rencontrer avec une petite collection de 12 articles et ils ont tout pris en consigne! Depuis ce moment, toutes mes collections se trouvent chez Jupon Pressé. »

Il ne restait plus qu’à trouver un nom à cette marque nouvellement née. Si on pense immédiatement à la fameuse chanson de Philippe Fontaine, popularisée à la fin des années 80, Cœur de loup est en fait… le surnom du chien de la designer (inspiré, il est vrai, de la chanson). « Il fallait que je trouve un nom, et c’est ce qui m’est venu à l’esprit. J’aime le côté kitsch amené par la chanson. Pour moi, ‟cœur” évoque le côté fille, rose et dentelle, alors que le ‟loup”, c’est le rock et le cuir… Il y a un mélange qui me fait penser à ma personnalité. Maintenant, ce n’est plus mon chien qu’on appelle Cœur de loup, mais moi! »

De Québec à… Montréal ?

Dès le départ, Cœur de loup s’est démarquée par ses créations rétro. Une étiquette qui fait parfois peur à Nathalie Jourdain. « Oui, j’ai peur d’être enfermée dans cette esthétique-là, donc j’essaie d’explorer des directions différentes. Par exemple, ma collection d’automne rappelle plutôt les années 70. Mon côté rétro va probablement toujours rester. Mais je ne veux pas être que ça. En fait, je pense que mes pièces sont féminines avant tout! »

Étiquette ou pas, l’inspiration rétro de ses créations semble faire mouche auprès de ses fidèles clientes, de plus en plus nombreuses. Comme quoi il est possible de vivre du métier de designer en dehors de la métropole. « Je crois que c’est positif d’être à Québec, car il n’y a pas beaucoup de designers ici, et encore moins qui créent le même genre de vêtements que moi. En plus, les gens d’ici sont fiers de venir de Québec, donc ils adoptent plus facilement ce qui est fait ici! »

La designer ne le cache pas : elle aimerait beaucoup que les créations de Cœur de loup puissent se trouver un jour dans la métropole. En attendant, les Montréalaises qui souhaitent obtenir des pièces de ses collections peuvent entrer en contact avec elle directement. « Je n’ai pas de site web, mais je mets tout sur ma page Facebook, et je tiens aussi un blogue. C’est moi qui réponds personnellement aux courriels. J’offre un service assez personnalisé et je peux faire un morceau sur mesure, à l’aide des mensurations. Il y en a que ça séduit, et d’autres qui trouvent ça plus compliqué! »

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En quelques mots

Nom : Nathalie Jourdain, 31 ans, designer

Lieu de naissance : Québec

Études : AEC en design de mode

Sources d’inspiration : la musique. « Il faut que je me mette dans un univers quand je crée et la musique m’inspire, j’en écoute beaucoup. »

Ma griffe, en trois mots : féminin, ludique, rétro

Points de vente : L’atelier Cœur de loup (609 1/2, avenue des Oblats, Québec), Jupon Pressé (790, rue Saint-Jean, Québec), Tribu (469, rue Principale Ouest, Magog)

Site web : coeurdeloupvetements.blogspot.ca ou www.facebook/coeurdeloup.vetements

Contact : coeurdeloup.vetements@gmail.com

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Visite de l’atelier

04juillet2013cœudeloupC : Si l’endroit fait surtout office d’atelier, la designer garde aussi sur place quelques-unes de ses créations.

04juillet2013Cœurdeloupb : Dans son minuscule atelier, la designer Nathalie Jourdain fait tout elle-même, des patrons à la couture, même si elle reçoit la précieuse aide de quelques stagiaires pour y arriver.

04juillet2013CœurdeloupA : Des bobines de fil de différentes couleurs, un outil indispensable pour tout designer.

04juillet2013Cœurdeloupj : La designer conserve sur place quelques accessoires et chaussures pour ses défilés et séances photo.

04juillet2013Cœurdeloupi : Tout passe par les mains de Nathalie Jourdain dans son atelier muni de machines à coudre.

04juillet2013Cœurdelouph : Quelques inspirations de la designer pour sa collection automne-hiver 2013.

04juillet2013Cœurdeloupe : Une machine à coudre vintage donne le ton à l’entrée de l’atelier de Cœur de loup.

04juillet2013Cœurdeloupd : L’atelier est ouvert au public, qui peut venir découvrir les créations de la designer et même en acheter sur place.

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Chic chasse !

Pour l’automne, Cœur de loup pêche allègrement dans les références rustiques québécoises pour créer une coureuse des bois moderne et chic… qui a un petit côté garçon manqué avec des pièces masculines revisitées au féminin, comme la chienne de travail et la salopette. Les tartans y côtoient le velours côtelé, la fourrure, le cuir ainsi que plusieurs imprimés au look vintage comme les chevaux, le navajo et les fleuris de type tapisserie. Le tout, dans un esprit seventies, illustré par des manches et des coupes trapèze, et des couleurs comme l’orange et le vert.

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En défilé

Les défilés, organisés de façon indépendante, représentent le point culminant de chaque saison pour Cœur de loup. « En créant mes collections, j’essaie d’imaginer les accessoires qui seront portés, les coiffures des filles… Le look final, quoi. Pour moi, c’est comme une pièce de théâtre ! » Très courus, ses défilés sont toujours inventifs et festifs, comme celui présenté le 14 septembre à la salle Multi de Méduse à Québec.

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