Opinion  Bon voisinage

Respecter le voisin

Un rappel à établir des relations cordiales, en ce jour national du déménagement

À tous ceux qui déménagent aujourd’hui, veillez à établir des relations cordiales avec vos voisins… des tensions sont si vite arrivées !

Dans le Code civil du Québec, le législateur consacre un article sur les troubles de voisinage. Il se lit ainsi : « Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. » En d’autres termes, si un voisin doit tolérer des inconvénients normaux, il n’a plus un tel devoir de tolérance en présence d’inconvénients anormaux. Ce devoir de tolérance varie selon que le voisin demeure dans une zone résidentielle, commerciale, industrielle ou agricole.

Deux idées maîtresses se rattachent à l’anormalité des troubles de voisinage : la gravité et la récurrence.

On passe d’un inconvénient « normal », qui est excusable, à un inconvénient « anormal », qui est inacceptable, voire intolérable.

En 2008, la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, [2008] 3 R.C.S. 392, a précisé la nature d’une poursuite pour troubles anormaux de voisinage. Dans cette affaire, un recours collectif avait été intenté par des résidents de la localité de Beauport, dans la région de Québec, contre une cimenterie pour des troubles de voisinage reliés à son exploitation : ils se plaignaient de poussière dans l’atmosphère, d’odeurs nauséabondes et de bruits excessifs.

La Cour a jugé qu’il s’agissait d’une responsabilité objective, c’est-à-dire sans faute, axée sur le caractère excessif des inconvénients subis et non sur le comportement de leur auteur. Donc, ce n’est pas le comportement du voisin que l’on doit analyser (est-il fautif ou non ?), mais l’inconvénient subi par l’autre voisin (est-il normal ou anormal ?). Même si la cimenterie avait investi plusieurs millions de dollars pour des travaux de protection de l’environnement, dont l’installation de dépoussiéreurs et d’équipements, la Cour a considéré que les troubles étaient anormaux et excédaient le seuil de tolérance raisonnable.

Les tribunaux québécois sanctionnent ponctuellement des atteintes excessives à la tranquillité du voisinage : un voisin qui accumule de la neige sur votre terrain au point de vous empêcher d’y entrer ou d’en sortir et en vous menaçant de représailles ; un voisin qui possède un foyer extérieur placé de façon à ce que la fumée soit continuellement sur votre terrain et qu’elle vous empêche de pouvoir rester dehors et de profiter de votre cour extérieure ; un voisin qui a des arbres tellement imposants que vos fenêtres sont obstruées à la lumière du jour ; ou encore un voisin qui crie, klaxonne et déclenche souvent un système d’alarme dans son logement. Toutefois, le bruit d’enfants qui pleurent et qui jouent est normal. Il en va de même des aboiements de chien lorsqu’ils ne sont pas excessifs. Quant aux odeurs nauséabondes qui se dégagent d’un chauffage d’appoint, elles peuvent causer un inconvénient anormal, surtout lorsque la cheminée n’est pas conforme à la réglementation en vigueur.

Dans de tels cas, vous pourriez demander au tribunal d’être indemnisé, de demander que le trouble cesse ou d’obliger votre voisin à poser un geste pour que le trouble se règle. Soyez donc bien avisés, puisque « La politesse coûte peu et achète tout », selon Montaigne…

Bon 1er juillet !

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