Réplique

Une nouvelle
inquisition

En réponse à la chronique de Nathalie Petrowski publiée hier, « Le mea culpa des mononcles »

Dans La Presse+ d’hier, Nathalie Petrowski signe une chronique d’humeur intitulée « Le mea culpa des mononcles », dans laquelle elle commente l’opinion de Louis-Jean Cormier sur la parité hommes-femmes dans les grands festivals, publiée samedi. En substance, elle se scandalise qu’on puisse encore émettre la moindre réserve sur le principe de parité, tout en accueillant la rétractation quasi immédiate de Cormier avec plus de dédain que de générosité.

Tout d’abord, je dois dire que je n’ai aucune sympathie particulière envers Louis-Jean Cormier, sa musique, son personnage médiatique ou encore son avis sur les enjeux de société. Je ne souhaite donc pas le défendre, d’autant plus que ses courbettes d’excuses ne m’ont pas vraiment édifié. C’est plutôt le billet inquisitorial dont il fait les frais qui suscite ma réaction indignée.

Dès le premier paragraphe de sa chronique, Petrowski dérape quand elle affirme que Cormier s’est prononcé « contre » la parité.

En fait, le musicien était loin de revendiquer quoi que ce soit : « Je suis très ambivalent et je ne sais pas où me positionner tant que ça. » Certes, il enchaîne en se disant « a priori contre », dans la mesure où l’art doit passer avant le sexe, et qu’en ce moment, les techniciennes sont moins expérimentées. Mais il termine en admettant qu’il est vrai que « c’est un métier qui s’apprend sur le terrain et qu’il faut ouvrir ce terrain ».

En d’autres termes, une lecture sereine de ce qu’a confié Cormier nous révèle un artiste partagé entre son désir de livrer le meilleur spectacle possible, pour lui comme pour l’assistance, et sa volonté de contribuer à un défi de société dont il reconnaît la valeur : l’égalité hommes-femmes.

Il faut être de bien mauvaise foi, ou complètement aveuglé par des préjugés, pour y voir une attitude réactionnaire et monter dans les rideaux comme le fait Petrowski.

Raccourci fulgurant

Mais l’élément le plus choquant de la montée de lait (à moins que cette expression soit devenue politiquement incorrecte quand on parle d’une femme ?) de cette dernière réside ailleurs, dans son incapacité à imaginer que l’on ne puisse pas penser comme elle. « Sur quelle planète vit Louis-Jean Cormier », demande-t-elle, avant d’emprunter un raccourci fulgurant : « Comment peut-on être contre la parité sans être un peu contre les femmes ? »

Je ne sais pas sur quelle planète vit Petrowski, mais sur la planète Terre, du moins dans les sociétés démocratiques, il est possible et même souhaitable d’exprimer le fond de sa pensée même si elle ne correspond pas mot à mot à la vulgate de l’idéologie dominante – ou plutôt, dans ce cas, l’idéologie la plus bruyante et militante.

Il n’y a assurément pas de consensus sur la question de la parité. D’une part, en raison, oui, d’une certaine misogynie résiduelle qu’il convient de combattre. Mais d’autre part, et en cela le débat est ouvert, parce que la parité toujours et en tout domaine mène à des aberrations.

La parité n’est pas un moyen absolu. C’est un moyen dont il faut évaluer la pertinence chaque fois que l’on veut agir en vue de l’égalité hommes-femmes.

Il reste beaucoup à faire pour arriver à cette égalité, et je soutiens, grosso modo, le combat féministe. Mais les charges aveugles dans le style de celle du billet de Petrowski sont contre-productives : au lieu de tourner notre regard vers les lieux d’injustice qu’il faut investir, elles tournent le féminisme en caricature, court-circuitent le débat et démobilisent les gens de bonne volonté qui ne désirent pas, avec raison, se faire embrigader dans une croisade idéologique.

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