Critique 

Passionnant de bout en bout

Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal
Collectif
Éditions Écosociété
488 pages
4 étoiles

Nous avons longuement cherché la petite faille, l’oubli, la bibitte. Le nom, le mot laissé en marge de l’histoire. Rien à faire. L’ouvrage a du chien, ses auteurs ont du flair.

Bien sûr, ce Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal ne peut, avec ses quelque 600 entrées, faire le tour exhaustif de plusieurs décennies de la vie de cet arrondissement emblématique de la ville. Mais force est d’admettre que l’essence des personnages, lieux, familles, bouts de quartier, organismes ou événements y étant associés est bien là.

L’ensemble est passionnant, complet, fouillé, bien illustré, diversifié. 

Un tel projet aurait pu se transformer en un piège farci d’anecdotes faciles ou de clichés qui, en plus de s’avérer inexacts, se colportent sans jamais être vérifiés, à travers le temps. Au contraire, les auteurs ont non seulement un grand souci d’exactitude à l’esprit, mais ils nous surprennent avec maints détails méconnus.

Dès la première entrée, Abattoirs de l’Est, on découvre l’édifice qui était érigé là où se trouvent aujourd’hui les anciens locaux du Journal de Montréal, à l’angle de l’avenue du Mont-Royal et de la rue Frontenac. Ou encore que la construction d’escaliers extérieurs a suscité un débat entre « pour » et « contre » jusque dans les journaux. Que la station de métro Laurier est orpheline d’une œuvre d’art intégrée, faute d’avoir trouvé un commanditaire durant sa construction.

Côté personnages, on est gâtés. De Gaston Miron à la journaliste Éva Circé-Côté, de Gilles et Denise Pelletier à Léa Roback, de Claude Robillard à Lionel Groulx en passant par Mavis Gallant, ils s’y pressent, nombreux.

On sourit en constatant que Robert Bourassa et Pierre Bourgault, féroces adversaires politiques, mais amis en dehors de l’arène publique, sont voisins sur deux pages contiguës.

Claude Jutra n’a pas été oublié, mais son entrée est résumée en 19 lignes, dont 7 font référence à la controverse sur la révélation de sa pédophilie.

Partiellement apolitique, l’ouvrage laisse de côté les noms de notables députés, maires ou conseillers tels Luc Ferrandez, Amir Khadir ou René Lévesque. D’autres politiciens, plus locaux, font l’objet d’une entrée. C’est le cas de Dave Rochon et de Fred Rose, seul communiste élu dans l’histoire du Parlement du Canada.

Belle idée que d’avoir une référence bibliographique dès la fin d’une inscription. Par exemple, au terme de deux pages sur le poète Gaston Miron, on nous renvoie à la biographie de Pierre Nepveu parue en 2011.

Enfin, on s’incline devant le choix de la photo de couverture. Non pas en raison de son auteur, Roger St-Jean, ancien photographe de La Presse. Mais parce que le cliché, croqué en 1967, saisit toute l’essence d’un Montréal à la croisée des chemins. Des enfants jouent à une intersection où un commerce en alimentation affiche sa publicité uniquement en anglais. Tout petit, un panneau d’interdiction de stationner est, quant à lui, écrit en français. Les choses allaient changer dans la décennie subséquente…

EXTRAIT 

« Au soir du 18 septembre 1981, environ 2000 femmes marchent dans les rues du Plateau. Une banderole indique le thème de la manifestation : “La rue, la nuit, femmes sans peur”. Le départ se fait au square Saint-Louis et le défilé se termine au parc Laurier. Cette manifestation de nuit se veut une prise de possession de l’espace public par les femmes et une affirmation de leur droit à la mobilité en toute sécurité. Au même moment, 6000 autres personnes marchent pour la même cause dans une trentaine de villes québécoises et canadiennes. »

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