Activités sportives

L’activité physique abordable, ça existe

Plus de 3000 $. C’est ce que Véronique Tanguay et son conjoint déboursent chaque année pour faire de la natation, eux et leurs trois enfants. C’est sans compter le coût pour faire du tennis et du soccer.

« On ne fait rien d’autre. On ne va pas au cinéma, on ne magasine pas », dit Véronique.

Un exemple typique pour illustrer les coûts grimpants associés au sport chez les jeunes ?

Parce qu’il semble parfois que faire bouger ses enfants, c’est devenu hors de prix. Les parents canadiens dépensent en moyenne 953 $ par jeune, par année, pour les faire participer à un sport organisé, estimait l’an dernier un sondage de la Banque CIBC.

« L’équipement, les ligues, ça finit par coûter plus cher qu’une inscription à l’université. Ça n’a aucun sens. C’est comme si tous les sports étaient devenus le golf », remarque André Richelieu, professeur titulaire en marketing du sport à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Au pays, une famille sur trois ne peut se permettre d’inscrire ses enfants à des sports organisés. C’est environ 750 000 jeunes qui ne peuvent pas jouer même s’ils le voulaient, indique le site web de la Fondation Bon départ de Canadian Tire, un organisme mis sur pied en 2005 pour aider les jeunes défavorisés à faire de l’activité physique.

Les différents paliers de gouvernement offrent même des crédits d’impôt pour les dépenses reliées au sport. Dans le proverbial « bon vieux temps », pourtant, les jeunes, riches et pauvres, étaient actifs. Pas besoin de comptable pour vérifier son admissibilité au crédit d’impôt fédéral pour la condition physique des enfants, ligne 365. Que s’est-il passé ?

Un premier facteur : l’équipement coûte plus cher. Le sport amateur s’est professionnalisé.

« Je regardais les patins. C’est ridicule, les prix sont devenus astronomiques. Est-ce qu’il y a un lingot d’or de caché dans la bottine ? On dirait qu’on est obligé d’acheter le haut de gamme à prix haut de gamme, même si on n’est pas de haut niveau », note André Richelieu.

Ceux qui n’ont aucune aspiration professionnelle sont en quelque sorte prisonniers de la politique de mise en marché des équipementiers, estime-t-il. Quoique les consommateurs aient leur part de responsabilité. 

« Si une majorité d’acheteurs accepte de payer ces prix, les fabricants vont continuer de vendre ces équipements. »

— André Richelieu, professeur titulaire en marketing du sport à l'UQAM

La pression des pairs, c’est une autre explication. « Si nos amis s’achètent un équipement flamboyant, on serait mal avisé d’arriver avec un équipement soviétique comme un bâton en bois », dit M. Richelieu, bien qu’encore une fois, ce soit un choix des parents.

Ces éléments pourraient expliquer pourquoi il y maintenant environ 850 000 joueurs inscrits dans des ligues de soccer au Canada contre 500 000 dans les ligues de hockey. On a moins besoin d’équipement. Ça pourrait aussi expliquer que les jeunes soient moins actifs qu’avant.

Un autre phénomène probablement relié est la progression du sport à l’école, souvent très abordable. Le RSEQ Montréal, un organisme qui encadre le sport étudiant, gérait 149 équipes sportives en 1991-1992. Cette année, il en gère 934.

« ÇA NE COÛTE PAS CHER, LE SPORT »

Alors, Véronique et sa famille, un exemple pour illustrer les coûts inabordables du sport ? Pas exactement. Ils font simplement beaucoup de sport. Ils marchent, ils nagent, ils courent, ils patinent, ils pédalent.

Comme les deux parents sont maîtres nageurs, la famille passe beaucoup de temps à la piscine 10 mois par année. C’est en partie ce qui explique la facture de 3000 $. C’est aussi un sport qu’ils pratiquent de façon compétitive.

Autrement, ça ne leur coûte presque rien.

Son conjoint et elle ont choisi d’habiter à Montréal-Nord parce que les activités sportives y sont peu dispendieuses. Ils profitent des terrains de soccer et de tennis à proximité. Ils marchent pour s’y rendre. Ça économise l’essence.

« On achète usagé et on joue en famille. On se fait des passes au soccer. Ça ne coûte rien. On est à côté de la piste cyclable. On ajuste les bicyclettes et on les passe de l’un à l’autre. Pour les cadeaux, on demande aux gens d’aider à payer les équipements ou les inscriptions », illustre Véronique Tanguay.

Il y a quelques années, sa famille vivait avec un seul revenu. « On n’a jamais arrêté de bouger. Ça nous permet de connecter en famille. On travaille fort pour offrir le meilleur à nos enfants sans service de garde », dit-elle.

« Ça ne coûte pas cher, le sport. Si tu as une paire de souliers, tu peux t’activer. Surtout que les arrondissements essaient de favoriser le sport abordable. Il faut juste essayer et on peut bouger, bouger en famille. »

S’ils ne magasinent pas et ne vont pas au cinéma, ce n’est pas parce que la bourse est à sec. C’est parce que la famille et la forme physique ont priorité sur les biens matériels et le popcorn.

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