LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

DAVID JAMES À SHERBROOKE

Façonner le vulnérable

Le verre et le granite sont les matières de prédilection du sculpteur québécois David James. L’artiste de Sutton fait l’objet d’une rétrospective au Musée des beaux-arts de Sherbrooke jusqu’au 9 octobre. Un premier solo dans un musée pour un artiste qui marie fragilité et puissance. 

De juin à août, le visiteur arrivant au Musée des beaux-arts de Sherbrooke était accueilli par une des sculptures les plus emblématiques de David James : une version de sa célèbre série Ciel et Terre. Installée à l’extérieur, près des escaliers d’accès au musée, l’œuvre a fait l’objet d’un acte de vandalisme dans la nuit du 4 au 5 août. 

La sculpture d’une tonne, constituée d’une boule brillante en acier inoxydable de 75 cm de diamètre posée sur un gros bloc de granite noir de Belfast, a été renversée par des individus. La boule en acier a été retrouvée puis récupérée par les pompiers, le lendemain, dans la rivière Magog. L’artiste n’a bien sûr guère apprécié cette atteinte à son œuvre d’art, qui a été réinstallée avec la sphère endommagée.

Mais Catherine Duperron, conservatrice intérimaire du musée, assure qu’une nouvelle sphère a été commandée et doit être installée ces jours-ci. 

« Je pense que je vais maintenant appeler ma sculpture L’enfer sur Terre ! Tout le monde m’a dit être désolé. Je suis déçu, mais que peut-on y faire ? » 

— David James, au téléphone

À l’intérieur du musée, ce génie du cristal moulé expose, sous une belle lumière naturelle, une trentaine d’œuvres de moindre ampleur que ses sculptures d’art public, mais tout aussi raffinées. Une sélection qui permet de mesurer la variété de son expression, dans des couleurs douces et mystérieuses et des formes qui vont de la rondeur de son Coquillage (2010) jusqu’à la géométrie cartésienne de Portal, créé la même année. 

Maîtrise technique

À regarder ce Coquillage aux couleurs orangées apaisantes et au large vacuum intérieur, on a du mal à se rendre compte que cette sculpture témoigne d’une solide maîtrise technique, étant donné la vulnérabilité du verre et l’architecture choisie.

Coquillage, comme Noix de Grenoble, est une création pleine de grâce et de sensibilité. David James parvient à conférer à la matière vitreuse une plastique souple faite de plis et de vagues. Du grand art.

Beaucoup de doigté et de délicatesse aussi dans Jubilation-bleue (1999-2002), verre moulé en forme d’obus, d’un bleu cristallin et peuplé, en son sein, de voiles de microbulles d’air qui créent un étrange univers.

On retrouve cette texture dans son Jules Verne, alias Nébuleuse (2005), et dans Sommet (1999-2004), un verre optique d’Angleterre qui suggère un paysage montagneux bordé par une forme de fossile d’ammonite.

Ce même genre de trame réapparaît dans trois pièces exposées côte à côte, soit Mirage : Colombe au-dessus du Temple Mount/Haram esh-Sharif (1999-2002), aux lignes aussi flexibles que les ailes d’un oiseau ; Caught by the Moon (2005-2009), sur laquelle est greffée une boule de granite noir ; et Tsunami (1999-2004), à l’allure reptilienne.

Dans son Menhir | Standing Stone (2017), sculpture élancée de 1,6 m de haut en granite vert et acier inoxydable, il y a tout le goût de James pour le monumental élégant et ludique, la boule d’acier insérée dans la roche métamorphique reflétant l’image du visiteur.

Dans la salle, la sphère retrouvée dans la rivière Magog a une petite sœur dans une version vitrifiée de Ciel et Terre créée en 2002. Une œuvre qui rappelle les glaciers, ces masses qui se lovent encore (mais pour combien de temps ?) entre ciel et terre, justement.

Technique à cire perdue

Un espace de la salle d’exposition a été consacré à l’explication des techniques de moulage que David James utilise, notamment le moulage à cire perdue. Des informations permettent aux néophytes de comprendre comment il s’y est pris pour engendrer sa Noix de Grenoble en cristal moulé.

Il l’a d’abord sculptée dans le bois, puis il a fabriqué un moule de cet objet en caoutchouc synthétique, moule dans lequel il a coulé la cire en fusion. Il a ensuite retiré le caoutchouc et placé la structure de cire dans un bain de plâtre. Une fois ce plâtre durci, la cire fond sous l’action de la vapeur. La cavité est alors prête à accueillir les morceaux de verre. Le moule est alors mis au four à une température comprise entre 530 et 820 °C pendant plusieurs heures. 

On doit laisser ensuite refroidir le moule pendant des semaines, afin de ne pas brusquer la nature et de laisser le hasard se marier au talent. Enfin, l’artiste dégage délicatement la sculpture de son plâtre et la polit pour lui donner son aspect final. 

Au Musée des beaux-arts de Sherbrooke (241, rue Dufferin, Sherbrooke), jusqu’au 9 octobre.

DAVID JAMES EN BREF

Âgé de 68 ans, David James a été correspondant de CBC à Paris au début des années 80. Mais il avait l’âme d’un artiste et un don naturel pour le travail du verre, dont il a étudié l’art en Allemagne, en Suède et en Grande-Bretagne. Collectionné partout, représenté par une galerie à Chicago, une à Londres et une à Toronto, il bénéficie de la publication d’un petit catalogue qui permet au visiteur du musée de prendre connaissance de son parcours artistique, de ses rencontres et du lien immuable qu’il entretient avec le verre et la pierre.

la virée des galeries

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Musée des beaux-arts du Canada

Après neuf mois de travaux, le Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, a ouvert cet été ses nouvelles salles d’art canadien et autochtone au public. Elles accueillent l’exposition permanente Art canadien et autochtone : des temps immémoriaux jusqu’en 1967. Une des caractéristiques principales de la nouvelle présentation est l’intégration systématique d’art autochtone (inuit, métis et des Premières Nations) dans les 16 salles. Le public découvre ainsi côte à côte l’art produit au Canada par les artistes autochtones et celui des artistes canadiens de descendance européenne.

Au Musée des beaux-arts du Canada (380, promenade Sussex, Ottawa)

Mike Davis

Dans le Vieux-Montréal, la galerie Matthew Namour présente, jusqu’au 24 septembre, Souvenirs et souffrances, première exposition solo du peintre autodidacte californien Mike Davis, un artiste fasciné par le surréalisme et dont le travail à l’huile rappelle la peinture médiévale et néerlandaise. Mike Davis est aussi menuisier et tatoueur. Il possède un studio, Everlasting Tattoo, à San Francisco.

À la galerie Matthew Namour (217, boulevard Saint-Laurent, Montréal), du mercredi au dimanche, de 10 h à 18 h, jusqu’au 24 septembre

Sylvie Readman

Deuxième exposition de Sylvie Readman à la galerie Laroche/Joncas cet automne. L’enseignante et artiste y présente À contretemps II : site spécifique, corpus mis sur pied à la suite d’un travail sur le site de l’ancienne base militaire de Saint-Hubert. Il s’agit d’un ensemble photographique où se croisent la mémoire et l’histoire, le militaire et le politique, dans une esthétique épurée et évocatrice.

À la galerie Laroche/Joncas (372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 410, Montréal), jusqu’au 23 septembre

Jocelyn Ann Campbell

L’artiste (et ancienne conseillère municipale à la Ville de Montréal) Jocelyn Ann Campbell expose ses derniers collages sur toile à la librairie-galerie Bonheur d’occasion, à Montréal, jusqu’au 2 octobre. L’exposition Climats et fractures comprend 15 tableaux qui illustrent des formes humaines dans le contexte des changements climatiques. Il s’agit de sa quatrième exposition solo.

À la librairie-galerie Bonheur d’occasion (1317, avenue du Mont-Royal Est, Montréal), jusqu’au 2 octobre

Circuit des arts de Saint-Bruno-de-Montarville

Samedi et dimanche, 18 ateliers d’artistes de Saint-Bruno-de-Montarville ouvriront leurs portes aux curieux, de 10 h à 17 h. Les visiteurs pourront échanger avec une trentaine d’artistes peintres au fil de ce circuit, qui est présenté pour la 10e fois. — La Presse

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