Opinion

Améliorer le soutien aux proches aidants

Une personne sur quatre au Québec est proche aidante. Cet engagement, qui est surtout le lot des femmes, peut être très exigeant. En cette Semaine nationale des proches aidants au Québec (du 6 au 10 novembre), force est de constater qu’au-delà de la reconnaissance symbo-lique que procure cet événement, le gouvernement tarde à mettre en place des mesures structurantes permettant d’améliorer le soutien aux personnes proches aidantes.

Contrairement à de nombreux pays qui ont adopté des politiques de reconnaissance et d’aide financière aux aidants, le Québec est peut-être la seule société qui a fait le curieux choix de fonder son soutien sur des critères d’âge et de condition médicale de la personne aidée. 

En effet, mis à part des crédits d’impôt dont l’admissibilité est fort restrictive, la mesure phare du gouvernement du Québec fut la création du Fonds de soutien aux proches dans le cadre d’un partenariat avec la Fondation Lucie et André Chagnon. Ce fonds de 200 millions vise uniquement le soutien aux proches aidants d’aînés. À la demande de la Fondation Chagnon, au moins 75 % de l’argent doit viser des projets ou des services destinés aux proches aidants de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées, alors que ces derniers ne représentent que 6 % de l’ensemble des proches aidants (Statistique Canada, 2013).

Cette orientation n’a fait l’objet d’aucune consultation avec les organismes du milieu. Elle exclut des milliers de personnes aidantes qui accompagnent leur conjoint atteint d’un cancer, leur enfant ayant une déficience, leur proche qui se relève d’un accident. Alors que les tâches exercées sans rémunération par les proches aidants constituent un travail socialement utile, pourquoi l’âge de la personne aidée et son diagnostic devraient-ils être considérés comme les critères déterminants pour bénéficier de services de soutien ? 

Il est temps pour le Québec de mettre fin à cette partition des proches aidants sur la base du profil de la personne aidée et d’adopter une stratégie nationale de soutien destinée à l’ensemble des personnes aidantes et répondant à leurs besoins psychologiques, physiques, sociaux et financiers.

Une stratégie nationale de soutien aux proches aidants (SNSPA) devrait avoir un caractère interministériel et être placée sous la responsabilité conjointe des ministres de la Famille et des Aînés. Après tout, la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, d’enfants handicapés ou d’adultes dépendants n’est-elle pas, faute de soutien étatique, le plus souvent imposée aux familles et, généralement, aux femmes en leur sein ? Nous avons développé ailleurs et plus en détail les objectifs, principes et lignes directrices de cette stratégie (Au-delà de l’âge, reconnaître et soutenir tous les proches aidants, 2017). Nous nommerons six leviers d’action essentiels pour améliorer la qualité de vie des proches aidants, soit :

1. Réinvestir dans les services publics de soutien à domicile.

2. Adopter des mesures de conciliation travail-proche aidance.

3. Élargir la gamme de mesures de soutien économique aux proches aidants.

4. Évaluer les besoins des proches aidants et offrir des services adaptés à la diversité de leurs profils et de leurs parcours.

5. Financer le développement durable des services communautaires aux proches aidants.

6. Offrir des droits individuels et collectifs aux proches aidants et une reconnaissance sociale de leur contribution.

Nous aurons tous, un jour ou l’autre, à prendre soin d’un proche. Une stratégie nationale permettrait de fournir aux personnes proches aidantes une approche globale et personnalisée de soutien plutôt que des mesures à la pièce et souvent incohérentes qui laissent en pan des milliers d’aidants et d’aidantes. Cette stratégie nationale est ambitieuse. Nous croyons qu’elle est à la hauteur de la contribution inestimable des personnes proches aidantes auprès des membres de leur famille et de la société.

* Sophie Éthier, professeure agrégée, École de service social, Université Laval

Irène Demczuk, sociologue et consultante

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