Le mot de Carbo

Au nom d'une longue amitié...

Quelques jours après le premier congédiement dans la LNH, notre collaborateur raconte sa propre expérience qu’il a, encore aujourd’hui, beaucoup de mal à digérer.

Je peux comprendre toute la douleur ressentie par l’entraîneur Peter Laviolette, congédié par les Flyers plus tôt cette semaine.

Les souvenirs de mon propre congédiement sont encore frais dans ma mémoire, même quatre ans et demi plus tard…

Nous revenions de Dallas, le 9 mars 2009. J’étais heureux dans l’avion, car nous venions de remporter le match contre les Stars ; les choses semblaient se replacer pour l’équipe après une baisse de régime en janvier.

Nous allions disputer 11 de nos 16 derniers matchs à domicile, où nous avions une bonne fiche. J’entrevoyais donc la fin de saison avec optimisme, d’autant plus que nos blessés commençaient à revenir au jeu.

Quand nous avons atterri à Montréal vers midi, j’ai reçu un coup de fil de Bob Gainey, qui n’avait pas accompagné l’équipe à l’étranger.

J’ai pris l’appel, m’attendant à recevoir des félicitations de sa part pour notre match contre les Stars. Il m’a demandé de venir le rencontrer le plus rapidement possible au Centre Bell. Je lui ai répondu de l’auto que je passerais à la maison avant de le rencontrer.

Quand il m’a dit qu’il viendrait me rejoindre chez moi, je me suis posé des questions. J’ai vécu de grandes émotions avec cet homme. J’étais en sa compagnie quand son épouse est décédée. J'ai été l’un des premiers à qui il a téléphoné après le drame de sa fille. Je me disais qu’il avait des choses sérieuses à discuter.

Mais je ne prévoyais pas une mauvaise nouvelle pour mon poste. Nous avions, après tout, obtenu 104 points l’année précédente, et malgré notre passage à vide au cours de l’hiver, notre fiche était de 35-24-7. J’arrivais du match des étoiles à titre d’adjoint de Claude Julien. Rien ne me permettait de croire que mon poste était en danger. Surtout que nous n’avions jamais eu de dispute.

Quand j’ai ouvert la porte, j’ai ressenti quelque chose d’étrange. Il s’est assis à table, mon épouse était à mes côtés. Bob m’a simplement lancé qu’il souhaitait faire des changements et qu’il me relevait de mes fonctions.

J’étais en état de choc. J’ai dit : quoi ??? Je vivais un congédiement pour la première fois de ma vie. J’ai essayé d’en savoir un peu plus, mais quand j’ai vu que ça ne servait à rien, je l’ai remercié et j’ai dit au revoir en lui affirmant qu’il commettait une erreur.

J’ai fait une longue, une très longue marche. C’était en mars et il faisait froid, mais je n’ai pas gelé…

Ce qui me fait le plus mal encore aujourd’hui, c’est que je n’ai jamais su pourquoi on m’avait congédié. J’aurais souhaité avoir une raison. Au nom de la longue amitié qui nous liait, à titre d’anciens coéquipiers, d’entraîneurs ensemble, au nom de tout ce que l’on a pu vivre côte à côte, je crois que je méritais au moins d’avoir une raison.

J’aurais même préféré qu’il me dise : on t’a essayé, mais t’es vraiment pas bon. Rien de ça. Il m’a congédié sans rien me dire.

On s’est reparlé deux fois depuis. C’était cordial, et j’avais accepté de le rencontrer dans l’espoir d’apprendre enfin les raisons pour lesquelles il m’avait congédié. Ce n’est pas arrivé. Je ne sais pas si ça se produira un jour, sans doute pas, mais moi, ça me permettrait d'enfin clore ce chapitre de ma carrière.

— Propos recueillis par Mathias Brunet

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