Mort de sept enfants dans un incendie

« Nous sommes tous anéantis »

La mort de sept enfants d’une même famille dans un incendie mardi matin, à Halifax, a suscité un élan de compassion un peu partout au Canada. Hier, des centaines de personnes, dont le premier ministre Justin Trudeau, ont participé à un rassemblement à la mémoire des trois garçons et quatre filles, et en soutien à leurs parents. Le père, Ebraheim Barho, reposait toujours dans un état « très critique » hier soir, brûlé sur 80 % du corps, selon l’imam de la mosquée Ummah. La mère, Kwathan Barho, était elle aussi toujours hospitalisée, en état de choc.

Hier, la police enquêtait toujours sur les circonstances entourant l’incendie qui a coûté la vie aux sept frères et sœurs, âgés de 4 mois à 14 ans. La famille se serait plainte à plusieurs reprises de défectuosités du système de chauffage de leur maison, selon le Toronto Star.

Les funérailles auront lieu dès l’examen des dépouilles terminé. Des membres de la famille Barho pourraient venir prochainement du Liban pour soutenir leurs proches. « Nous sommes en contact avec le frère de la mère et le frère du père, et avec le gouvernement pour faire venir la famille », a confirmé au téléphone à La Presse l’imam de la mosquée Ummah, Abdallah Yousri.

Des peluches en signe de solidarité

Dans le quartier d’Halifax où la famille Barho, originaire de Syrie, avait élu domicile à la fin de l’été, l’élan de solidarité a été quasi immédiat. Une centaine de voisins ont organisé une veillée, mardi soir, et hier, ils étaient nombreux à décorer leur maison avec sept peluches, en mémoire des sept enfants disparus : Ahmed, Rola, Mohammed, Ghala, Hala, Rana et Abdullah.

« Nous sommes tous anéantis en pensant que sept enfants ont perdu la vie au bout de notre rue. Nous voulons montrer notre appui à la famille, mais aussi aux pompiers, aux ambulanciers et à tous les autres qui leur ont porté secours », a dit à La Presse Andrea Bennett, qui, avec son amie Andrea Pellerine, a invité les habitants d’Halifax, mais aussi d’ailleurs au pays, à mobiliser leurs toutous pour l’occasion. « Notre demande est vite devenue virale et nous recevons des photos de peluche devant des maisons d’un peu partout : de la Saskatchewan, de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Californie, de Montréal et de Toronto », disait-elle hier. 

« Nous sommes tous en deuil de ces enfants. »

— Andrea Bennett, une voisine 

En collaboration avec l’imamat d’Halifax, Hants East Assisting Refugees Team Society (HEART), soit l’organisation qui a parrainé la famille de réfugiés syriens, a mis sur pied une campagne de sociofinancement pour la famille Barho. Hier après-midi, l’objectif initial d’amasser 300 000 $ avait été dépassé.

La communauté de cette région de Nouvelle-Écosse est tissée serré. « Ce n’est pas la première fois qu’on perd quelqu’un et tout le monde s’aide, peu importe l’origine », a témoigné par téléphone à La Presse le cofondateur de la Nova Scotia Syrian Society, Loai al-Rafai. Il a ajouté que des Syriens d’origine avaient visité la mère à l’hôpital pour la soutenir.

Fuir la violence

La famille Barho avait fui les violences à Raqqa, fief de l’organisation État islamique, au cœur du conflit syrien. Ils étaient passés par le Liban avant de gagner le Canada en septembre 2017, comme réfugiés parrainés. L’Enfield Weekly Press avait diffusé une vidéo de leur arrivée. La famille avait été accueillie par des applaudissements et des cris de joie à l’aéroport.

Natalie Horne, membre de la HEART Society, visiblement émue, a honoré la mémoire de chacun des enfants lors du rassemblement d’hier, retransmis en direct par Global News. Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas pris la parole, laissant les élus locaux et les proches s’adresser à la foule, dans des discours prononcés en anglais et traduits en arabe.

Des internautes isolés jubilent

Si les messages de sympathie et condoléances fusent depuis mardi sur les réseaux sociaux, des messages haineux publiés sur le compte Facebook de TVA Nouvelles – au point où le média a retiré un article de sa page hier – et sur Twitter ont retenu l’attention hier. Certains allaient jusqu’à se réjouir du malheur de la famille syrienne de confession musulmane. « Tout une ligner d’Islamic decimer du bon boulot. J’aurais pas fait mieux », a écrit un utilisateur de Facebook. « J’espère que ce ne sont pas les parents qui ont mis le feu pour faire un sacrifice à leur Dieu ! », a renchéri un second. Un troisième claironnait « 7 de moins ». La Presse a tenté de contacter ces internautes, sans succès. Plusieurs utilisateurs avaient d’ailleurs dénoncé les commentaires haineux. « Ces commentaires, c’est du racisme, de la haine, même de la haine génocidaire. Cependant, c’est exprimé par à peu près 1 % des gens qui réagissent à la nouvelle. Il ne faut pas généraliser à toute une population », a réagi Rachad Antonius, professeur de sociologie à l’UQAM. Il s’intéresse aux propos racistes et islamophobes dans les médias et les réseaux sociaux depuis plus de 15 ans. « Cela dit, 1 %, c’est 1 % de trop. Et le premier ministre François Legault devrait dire clairement que ce genre de commentaire est inacceptable », estime l’expert.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.