COMMANDITÉ

Le cash derrière les moustaches

CLIC ! CLIC ! CLIC ! CLIC ! CLIC ! Mike Bridavsky défile devant les photographes sur le tapis rouge du Toronto International Film Festival. Mike Bridavsqui, vous demandez-vous ? On s’en fout. L’important dans cette histoire n’est pas l’humain, mais la boule de poils qui ronronne dans ses bras : Lil BUB.

Lil BUB est l’un des minets les plus populaires du web. Même si vous évitez les vidéos de chats sur Facebook, vous avez probablement déjà vu ses grands yeux verts, sa fourrure tigrée et sa petite langue rose qui pend constamment. Oui, ce minou-là.

Avec Grumpy Cat, Maru, Henri le Chat Noir et quelques autres élus, il fait partie de la première vague de félins vedettes qui, depuis quelques années, ne génèrent pas juste des clics sur YouTube et des « oooohhhhhhhh » dans les salons, mais aussi du cash. Beaucoup de cash.

Combien ? En 2014, le Hollywood Reporter a avancé le chiffre de 100 millions de dollars américains en deux ans pour Grumpy Cat, un minou avec un air de bœuf.

L’information a été niée par son propriétaire, mais le chat, qui fait notamment de la publicité pour la marque de nourriture Friskies, a assurément fait de son humain un homme riche.

Les élus

Lil BUB rapporte quant à lui assez d’argent pour que son propriétaire – le gars du début, Mike Bridavsky – lui consacre tout son temps. Assez pour lui permettre de verser plus de 300 000 dollars américains à des organismes de protection des animaux. Et assez pour que la femme du dit propriétaire se concentre elle aussi à temps plein sur la carrière de la boule de poils.

L’argent provient des redevances publicitaires et du commerce d’à peu près tout ce sur quoi une face de chat peut apparaître. Cela inclut notamment des chaussettes, des tasses, des collants, des bubbleheads, des peluches et des vinyles – des objets parfois vendus par les propriétaires, parfois par des entreprises ayant obtenu des licences. À cela s’ajoutent aussi les rencontres privées pour lesquels les « fans » sont prêts à payer une petite fortune. Ce qui nous ramène au tapis rouge du Toronto International Film Festival (TIFF).

Joyeux festivaliers

Depuis trois ans, le TIFF organise le Just For Cats Video Festival, où plus de 1 000 amateurs se rassemblent pour regarder des vidéos de chats. « La première année, on a vendu 550 billets en deux heures et il a fallu ajouter des représentations », raconte la programmatrice derrière l’événement, Magali Simard. [Full disclosure : Magali est l’humaine de Prince, un chat assez beau pour être une vedette féline, mais qui ne l’est malheureusement pas.]

Lil BUB a participé au festival pour la première fois en juillet dernier. Les 100 billets VIP offerts pour le rencontrer en privé se sont écoulés dès l’ouverture des guichets. « C’était fou, se souvient Magali Simard. Il y avait deux "fans" qui avaient un tatou de Lil BUB. » Le prix pour trois minutes de flattage de minou : 100 dollars.

Le TIFF aurait peut-être pu demander davantage s’il avait invité Grumpy Cat. Sauf que son humain exigeait plus de 40 000 dollars pour se déplacer à Toronto, affirme Magali Simard. « Ce sont de grosses business. »

Des business qui en inspirent plusieurs autres. Après tout, le matériel de base est simple : un chat, des croquettes, une litière, une caméra et une connexion Internet. Sauf que devenir une vedette féline n’est pas si simple.

Il y a trois ans, l’Américaine Kady Lone a quitté sa job de designer graphique pour se consacrer à la carrière de son minet, Pudge. Depuis, l’humaine consacre tout son temps à inonder les réseaux sociaux de photos de chat, à maintenir le site web de la vedette et à vendre des bébelles en ligne. Malgré les longues heures de travail, son entreprise peine à faire des profits, a-t-elle assuré lors d’une table ronde à la CatCon 2015 de Los Angeles. Oui, il y a une CatCon.

Conquérir le monde

Chose certaine, un chat doit faire plus qu’être mignon pour percer dans les Internets : il doit trouver sa niche. Shorty et Kody ont réussi à se distinguer en faisant du yoga avec leur humain, le Canadien Rob Moore. Ce dernier est cependant également photographe et entraîneur privé à son compte pour arriver à la fin du mois.

Atchoum le chat, « la deuxième plus grande vedette du Québec après Céline », selon Le sac de chips, s’est quant à lui fait remarquer par sa pilosité exceptionnelle. Son humaine, Nathalie Côté, ne veut pas donner de chiffres, mais elle assure qu’Atchoum ne lui rapporte pas grand-chose.

« Ici, on n’a pas ce phénomène-là, les chats célèbres, raconte-t-elle. Les compagnies n’embarquent pas et aux États-Unis, ils ne font pas de place aux chats qui viennent de l’extérieur. Alors exporter Atchoum est très difficile pour l’instant. »

Ce n’est pas tout à fait faux. Lors de la CatCon 2015, le propriétaire de Lil BUB a conseillé aux gens venus l’écouter de ne pas tenter leur chance dans le monde des vedettes félines. « Ce n’est pas pour tous les chats, a-t-il déclaré à Vanity Fair. Je sais que ça semble hypocrite, mais ce ne l’est pas. Pour Lil BUB, c’est sa destinée. »

C’est clairement hypocrite.

Pas drôles, les vidéos de chats

Maggie Shuter adore les chats, mais pas les vidéos de chats. Ou du moins, pas toutes les vidéos de chats. Car là où on voit des clips rigolos, cette spécialiste du bien-être des animaux voit souvent des félins en détresse.

« Il y a cette nouvelle mode où on met un concombre derrière un chat pendant qu’il mange, raconte la présidente de Chatopia, un refuge pour félins pure race basé à Montréal. Lorsqu’il se retourne, il sursaute. » [NDLR : les formes phalliques vertes font bel et bien peur aux minous.] « Les gens trouvent ça drôle, mais c’est une situation extrêmement stressante pour l’animal », ajoute-elle.

Quelques indices permettent de déterminer si un chat est à l’aise ou non, indique Maggie Shuter. Ses pupilles sont-elles dilatées ? Ses oreilles sont-elles vers l’arrière ? A-t-il le dos bombé ?

Si oui, ce n’est pas drôle, OK ?

TEXTE Marc-André Sabourin

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