Conciliation travail-famille-santé

Parents stressés, vous n’êtes pas seuls

Les parents québécois font des envieux avec leurs congés parentaux et leurs garderies à 7 $ par jour. Tiraillés entre le boulot et les marmots, ils ont néanmoins la langue à terre. « Malgré le fait que la politique familiale du Québec est assez novatrice, les études montrent que les parents vivent encore un niveau élevé de stress », dit Nathalie St-Amour, professeure au département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Avec sa collègue Mélanie Bourque, elle vient de signer un avis scientifique de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) portant sur la conciliation travail-famille et santé.

« Il faut être content du chemin parcouru jusqu’à maintenant, mais ce n’est pas suffisant pour que les parents ne manquent pas de temps et n’aient pas de problèmes de santé, constate Mme St-Amour. Pour nous, il n’y a rien de réglé en conciliation travail-famille, ou si peu. »

Au Québec, la mère au foyer est devenue l’exception :  77,8 % des femmes de 25 à 44 ans avec au moins un enfant de moins de 12 ans avaient un emploi en 2008. C’est à peine moins que les femmes du même âge sans enfant, qui étaient 81,4 % à travailler. Plus frappant encore, l’écart s’inverse lorsque les enfants sont en âge d’aller à l’école, le taux d’emploi des mères grimpant alors à 83 %.

« Deux revenus sont devenus nécessaires au maintien du pouvoir d’achat des familles », souligne l’avis. Or, lorsque les deux parents travaillent, les tensions associées à la conciliation travail-famille « sont décuplées », notent les auteures. Particulièrement pour les mères, qui traditionnellement s’acquittaient des responsabilités familiales.

Les hommes en couple consacraient 3,6 heures par jour aux tâches domestiques en 2005. C’est un peu plus (0,7 heure) qu’en 1986, mais ça reste largement moins que les femmes (4,9 heures quotidiennes en 2005), dont le fardeau domestique a peu diminué en 20 ans.

Santé mentale et physique en jeu

Résultat : le soir venu, 63 % des mères québécoises travaillant à temps plein, âgées de 25 à 44 ans et ayant au moins un enfant d’au plus 11 ans, ont « souvent l’impression » de ne pas avoir accompli ce qu’elles voulaient faire. Plus de la moitié d’entre elles se disent « constamment tendues » parce qu’elles voudraient en faire plus. Et 68 % s’inquiètent de ne pas consacrer assez de temps à leur famille ou à leurs amis.

Cette course folle a des impacts sur leur santé mentale. Plus de 40 % des travailleurs de 25 ans et plus ayant des niveaux élevés de responsabilités familiales présentent un niveau modéré ou élevé de détresse psychologique, selon une étude québécoise de 2011 citée par l’INSPQ. Près de 20 % d’entre eux ont des symptômes dépressifs.

La difficulté à concilier travail et famille est aussi associée à une augmentation de la consommation d’alcool, à l’hypertension, à l’obésité, à des maux de tête, de dos, de la fatigue, des étourdissements et de la douleur au niveau de l’abdomen et dans la région du cœur, selon les auteures.

Si on ajoute à cela les rhumes collectionnés par les enfants, on ne s’étonne pas d’apprendre que les parents s’absentent sept fois plus du travail que les autres travailleurs en raison d’obligations personnelles ou familiales.

Employeurs peu alarmés

Il faut dire que les conditions de travail sont loin d’être idéales pour élever des enfants. Le nombre de travailleurs de 25 à 44 ans qui ont un emploi de jour a diminué de 9 % entre 1992 et 2005. Fait étonnant, le taux de travail à domicile a aussi baissé, de près de 6 %. Problème plus pernicieux, le stress, souvent présent au travail, « est significativement associé au conflit travail-famille et constitue le prédicteur le plus important pour expliquer ce conflit ».

À peine la moitié des employeurs disait avoir implanté des mesures de conciliation travail-famille en 2005. Moins du tiers considérait alors qu’il s’agissait « d’un secteur de gestion des ressources humaines qui a besoin de beaucoup d’amélioration ». Pourtant, le taux de recours aux mesures proposées « ne dépasse pas les 40 % des travailleurs », note l’INSPQ.

Pas un problème individuel

Ce constat peut sembler déprimant. « Mais il y a un côté presque réconfortant : on se rend compte que le problème n’est pas individuel, mais collectif, souligne Mélanie Bourque, professeure à l’UQO et mère de trois enfants. Ce n’est pas juste une personne qui se dit : “ Je suis essoufflée, je suis tannée. ” C’est un problème de société, qui a un impact sur la santé physique et mentale des parents. » Bonne nouvelle : les auteures proposent des solutions (voir autre texte), autres que de multiplier les verres de blanc ou de confiner les mères à leurs casseroles.

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