Chronique

Xavier Dolan,
fuck yeah !

Gagnera, gagnera pas ? Ce printemps sent la Coupe, ce printemps sent la Palme d’or, qui sera (peut-être) celle de Xavier Dolan. Je ne connais à peu près rien au hockey (Dustin qui ?), et au cinéma encore moins (note pour Cassivi : Mommy, c’est meilleur que La graine et le mulet ?). Mais j’ai quand même envie de dire un truc sur Xavier Dolan.

Je l’aime, Xavier Dolan.

Ses films, je ne sais pas trop. J’ai vu J’ai tué ma mère, j’ai pris mon pied ; Laurence Anyways, j’ai décroché après une demi-heure. Mais suffisamment de connaisseurs en cinéma – des gens d’ici, des States, de France, de Grande-Bretagne – disent que le kid est un génie pour que je m’incline : OK, c’est un génie.

J’aime Dolan, le personnage Dolan : ses excès, ses coups de gueule, sa façon de kicker des culs par de sauvages salves épistolaires. Je ne sais pas pourquoi, je l’imagine en train d’écrire à ses détracteurs dans son bain, satisfait de son effet dans l’eau tiède…

Prenez le cinéaste québécois moyen. Attaqué, critiqué, il fera quoi, le cinéaste québécois moyen ? Il se taira. Fera semblant de ne pas avoir lu, de ne pas avoir entendu. Au mieux, une attachée de presse pondra une réplique mièvre qu’elle signera pour lui…

Pas lui. Lui, il saute sur son Mac et il canarde à qui mieux mieux. Sur Twitter, sur son blogue : il répond, il rouspète. Sans filtre. Bruit de mitraillette : tac-tac-tac-tac. Si Dolan a une attachée de presse, elle se fait des smoothies aux anxiolytiques.

Dolan répond aux chroniqueurs qui lui font des reproches, il saute dans les débats de société comme Prust dans la mêlée.

Qu’il ait raison ou pas, ce n’est pas ce dont je parle. Je parle juste de parler : c’est assez rare, dans le showbiz. D’aller au bâton, des fois. Y a Lepage, Legault, Morissette, Lanctôt…

Qui d’autre ?

Quelques-uns. Mais ils forment une toute petite équipe. Alors, chaque fois que quelqu’un parle, j’applaudis parce que crisse que c’est lisse, au royaume de l’UDA.

Ce gars-là, Dolan, ce n’est pas un Québécois, au fond. Un Québécois, c’est quoi ? Un Québécois, ça se fait marcher sur le gros orteil et ça dit : « Je m’excuse ! » Réflexe national. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose : il y a des guerres grandes et petites qui ont commencé parce que quelqu’un s’était fait marcher sur le gros orteil…

Mais lui, il se fait marcher sur l’orteil métaphorique et il dit : « HEY, TU M’AS MARCHÉ SUR L’ORTEIL ! »

Et ça sort cru, ça sort dru, ça sort fort, des fois ça sort trop fort. Oh, il apprendra à doser, à relativiser, à se mettre la tête dans un seau d’eau frette avant d’écrire. Il ne le sait pas, mais sa prose fera encore plus mal quand il dosera…

Un Québécois, ça a le succès modeste. Réflexe national, encore. Pas lui, pas Dolan ; lui, il donne son meilleur profil au succès. Devant les éloges, devant les décorations, sur le tapis rouge, tu le lis dans ses yeux de gamin quand il se dit : « FUCK YEAH ! »

Bien sûr, tout ça, toute cette superbe lui vaut des bataillons de détracteurs. Beau, bon, baveux, même pas 30 ans : assez pour jouer sur les pitons de l’insécurité de bien du monde. Déjà, ici et là, le terroir se prépare, au cas où Dolan gagnerait cette Palme d’or. Ça bavasse un peu : grosse tête, arrogant, insupportable, ego démesuré…

Vrai ?

Je ne sais pas, je ne le connais pas.

Je sais juste que neuf fois sur dix, la rumeur publique sur les vedettes est dans le champ. Cette comédienne dont vous aimez tant la simplicité télévisuelle ? Elle a envoyé sa maquilleuse en burnout et tout le monde l’haït en coulisses. Je la soupçonne, la rumeur, d’être tout aussi dans le champ sur Dolan, l’homme…

Dolan à Cannes comme Dolan pas-à-Cannes, il subit la proverbiale haine du poète. Cette haine se manifeste ces jours-ci dans la dénonciation bruyante de tout ce qui est un sesterce versé à la culture. Une haine qui n’atteint jamais avec autant de virulence d’autres subventionnés, fleurons de Québec inc. Subvention pour subvention, on haït le poète et on astique les bottes du businessman.

Mais ce poète-là, Dolan, il n’endure pas la calomnie tête baissée, il n’est pas né pour un petit pop-corn. Il lève le menton, bombe le torse, sort un œil vaguement méditerranéen quand on le cherche…

Pis il dit : « Mange de la marde ! »

Yé, jeune homme. Rock on. Lâche pas.

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