FILM D’ANIMATION

Tout sur le clitoris en 3 minutes 16 secondes

En trois minutes à peine, grâce à quelques dessins (mignons et coquins) et des mots justes (francs et provocants), une jeune étudiante de Concordia a réussi un véritable tour de force : résumer des siècles d’obscurantisme entourant un sujet toujours tabou, le clitoris.

« Les femmes sont chanceuses : elles possèdent le seul organe du corps humain qui sert uniquement au plaisir ! », commence tout de go ce court documentaire (3 min 16 s) signé Lori Malépart-Traversy, présenté ce soir au festival de films de Concordia.

Léger ? Au contraire. Le film d’animation nous bombarde (en douceur et en humour) d’informations. On y apprend par exemple que le clitoris a officiellement été découvert par un chirurgien italien, en 1559. Et qu’au XIXe siècle, l’Église conseillait aux femmes de jouir pour tomber enceintes. Oui, messieurs. Elles aussi doivent prendre leur pied pour procréer, disait-on à l’époque.

Les médecins finiront toutefois par affirmer que l’orgasme féminin provoque une maladie : l’hystérie.

C’est surtout avec Freud (« l’ennemi numéro un du clitoris »), à qui l’on doit le concept d’orgasme vaginal (« décrétant qu’une femme mature doit trouver son plaisir seulement dans la pénétration »), que commence « l’obscurantisme clitoridien », dénonce la jeune documentariste.

Car soyons francs. Aujourd’hui encore, ce « petit pénis » (« encore plus chatouilleux que le pénis », faut-il le préciser) vit dans l’ombre, dit-elle.

DIGNE D’INTÉRÊT

Comment cela se fait-il ? Nous avons rencontré la jeune réalisatrice cette semaine, pour creuser ensemble la question. Âgée de 25 ans à peine, sous des allures de jeune fille sage, Lori Malépart-Traversy porte un regard sur la sexualité en général (et celle des femmes en particulier) d’une maturité saisissante.

« C’est un sujet toujours tabou, le clitoris est souvent mal représenté, mais il mérite un intérêt autre que pornographique. »

— Lori Malépart-Traversy

Car ce petit film est en fait un projet individuel de fin de bac. Aux côtés de titres comme Illusions ou Les tournesols, son sujet détonne. Et pourtant. « En faisant des recherches sur cet organe, j’ai trouvé tellement d’information, tellement de choses farfelues, que je me suis dit que ça pouvait faire un film ! »

En cours de projet, la réalisatrice s’est posé une question : « Mais comment se fait-il que je n’avais jamais appris ça ? se demande-t-elle. C’est quand même un organe aussi important que celui des hommes ! »

Au secondaire, se souvient-elle, « on manque d’éducation sexuelle ». Quand éducation il y a, elle se limite « au point de vue masculin », résume-t-elle : la pénétration, comment mettre un condom, etc. « On n’apprend pas comment faire l’amour, qu’est-ce qu’un orgasme, quelles sont les alternatives à la pénétration. » Au contraire : on se concentre sur les ITS et les menstruations…

« Au cégep, j’ai suivi un cours sur la sexualité, et le prof a skippé le chapitre sur l’orgasme », se souvient-elle.

Mais pourquoi ce tabou ? « Cette idée que la sexualité féminine est un mystère ajoute une couche de mystère, dit-elle. Alors que ça fonctionne simplement, si on s’y intéresse ! »

À l’instar de nombreux jeunes, elle a su comment un homme se masturbait avant de comprendre comment une femme s’y prenait. Et quand elle a eu accès à des images de masturbation féminine, elles étaient toujours associées à des images de nymphomanes et de débauchées. « Je pense qu’il y a quelque chose de tabou autour de la masturbation féminine, réfléchit tout haut la jeune féministe. C’est comme si on voulait empêcher aux femmes une certaine indépendance. Comme si la femme épanouie partait du couple hétéro ! »

Or, comme elle conclut dans son film : « Puisque [le clitoris] ne sert qu’au plaisir, pourquoi ne pas s’en servir ? »

Le clitoris, de Lori Malépart-Traversy, est présenté ce soir, à 19 h 45, dans le cadre du festival de films de Concordia.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.