Lutte québécoise

Toute l’histoire

Ils s’appelaient Mad Dog Vachon, Géant Ferré ou Édouard Carpentier. Pendant plus d’un demi-siècle, ils ont déchaîné les passions du peuple québécois, qui les admiraient autant – sinon plus – que les vedettes du hockey.

On les avait un peu oubliés, avouons-le. Mais aujourd’hui, ces héros du passé renaissent grâce à un nouveau livre sur l’histoire de la lutte québécoise, signé Pat Laprade et Bertrand Hébert.

Intitulé À la semaine prochaine si Dieu le veut ! (de la célèbre devise d’Édouard Carpentier), ce bouquin de plus de 400 pages nous plonge dans le monde fascinant des saltimbanques du ring, des origines à aujourd’hui. On y croise des personnages aussi variés qu’Yvon Robert, Johnny Rougeau, Jos Leduc, Ludger Proulx, Sailor White, Gino Brito, Little Beaver, Rick Martel, Chief War Eagle ou Pierre-Carl Ouellet, sans oublier les Américains qui ont « pogné » chez nous, comme Hulk Hogan et Abdullah the Butcher.

On nous raconte aussi comment l’industrie de la lutte québécoise s’est développée et comment la télévision fut un atout majeur dans le rayonnement de ce « spectacle extrême » au Québec. On apprend à quel point Montréal a été une ville importante pour la lutte en Amérique du Nord.

Les auteurs sont des passionnés de lutte depuis toujours. Pat Laprade a produit l’almanach de la lutte entre 2005 et 2008 et fondé le temple (virtuel) de la lutte québécoise. Bertrand Hébert a géré les destinées de la NCW (une ligue locale) dans les années 90 et collaboré au magazine Pro Wrestling Illustrated.

Pour eux, cet ouvrage n’est rien de moins qu’un acte d’amour.

La lente remontée

Non seulement ont-ils passé près de cinq ans sur ce projet bénévole, mais ils ont dû le faire traduire en anglais, parce qu’au début, le seul éditeur intéressé était à Toronto. « Personne ne voulait nous publier au Québec », raconte Pat Laprade.

Tout compte fait, ce fut un mal pour un bien, croit Laprade. Le livre s’est écoulé à 3000 exemplaires sur le marché anglophone et a permis aux auteurs de toucher un autre public. Ce n’est qu’après la sortie du livre en anglais que Libre Expression les a contactés pour une version française.

Anglais ou pas, Pat Laprade est conscient que ce travail de moine a une immense valeur. Car il sauve de l’oubli tout un pan de notre patrimoine populaire, menacé de disparition il n’y a encore pas si longtemps. « On a compris en avançant que beaucoup de ces anciens lutteurs vieillissaient et que si on ne racontait pas leur histoire maintenant, ils allaient apporter leurs souvenirs dans leur tombe », explique-t-il.

Évidemment, difficile de ne pas y voir un ouvrage à saveur nostalgique. L’âge d’or de la lutte québécoise est depuis longtemps révolu. Les derniers matchs locaux télédiffusés datent d’il y a 26 ans. Et beaucoup de grands lutteurs sont aujourd’hui morts.

Malgré tout, Pat Laprade croit que la lutte locale n’a pas dit son dernier mot. À compter de janvier, en effet, RDS 2 recommencera à diffuser des matchs de lutte locale, ce qui pourrait redonner un petit coup de pouce à ce marché moribond. Et puis, il y a ce Sami Zayn, nouveau venu dans la WWE, auquel les Québécois pourront éventuellement s’identifier.

« Il y a deux ans, tu m’aurais posé la question et je t’aurais répondu : la lutte est dans un coma profond. Avec tout ce qui se passe en ce moment, je vois ça d’un autre œil. Si les émissions de télé sont bien faites et bien publicisées, ça a des chances de redevenir populaire. Jumelé à un Québécois dans la WWE, ça ne peut pas nuire. Des fois, je suis réaliste et je me dis que ça ne reviendra sans doute pas. Mais des fois, je pense qu’il y a de la lumière au bout du tunnel. »

La lutte, ça Presse !

T’as ben grandi !

Originaire de France, il avait pour nom André Roussimof. Mais pour le public québécois, il restera toujours le Géant Ferré. Du haut de ses 2,11 m (6 pi 11 po – et non 7 pi 4 po, comme le dit la légende), ce phénomène de la nature a connu une belle carrière ici et aux États-Unis. Il est mort en 1993, emporté par la maladie de la glande hypophyse (l’acromégalie) qui était la cause de son gigantisme.

La lutte, ça Presse !

Yvon Robert, le plus grand

Dans ce temps-là, la lutte était tellement à la mode que les athlètes se faisaient prendre en photo en robe de chambre, avec leurs parents… Première grande vedette de la lutte québécoise, Yvon Robert a un temps été plus populaire que Maurice Richard. On le surnommait même le Dieu de la lutte. Jouait-il aussi du piano ? C’est la question que semble se poser son père, dans cette photo des années 30…

La lutte, ça Presse !

Poitrine 54

Un des célèbres méchants de la lutte québécoise. Venu d’Ontario, Wladek Kowalski est célèbre pour avoir arraché l’oreille de Yukon Eric en 1952, ce qui lui vaudra pour toujours le nom de Killer. Il est mort en 2008 à 81 ans, avec une feuille de route bien remplie et beaucoup de victoires au compteur.

La lutte, ça Presse !

Croyez-moi, ça fait mal !

Venu de France pour ne jamais repartir, Édouard Carpentier a été l’un des plus célèbres « bons » du ring. Dans les années 50, son style innovateur et ses manières athlétiques ont marqué la lutte québécoise. Tout comme ses descriptions de combat à titre de commentateur, dans les années 70 et 80. Il est mort en 2010. Cette photo de 1959 a été prise au Forum pendant un combat contre Buddy Rogers. Sa blessure aurait nécessité plusieurs points de suture.

La lutte, ça Presse !

Johnny le gentleman

On le surnommait Handsome et The ladies’ man. Plus qu’un beau bonhomme du ring, Jean Johnny Rougeau a aussi été un personnage important du Québec des années 50 à 80. Après sa belle carrière de lutteur, il est devenu promoteur de lutte, propriétaire de cabaret (Mocambo) et d’une équipe de hockey (Bombardiers de Rosemont). Mort en 1983 à seulement 56 ans, il est aussi connu pour avoir été garde du corps et confident de René Lévesque. Un monument.

La lutte, ça Presse !

Petit lutteur, grande carrière

C’est le nain le plus célèbre de la lutte québécoise. Il s’appelait Little Beaver et portait la coupe mohawk, mais son vrai nom était Lionel Giroux, de Saint-Jérôme ! Little Beaver a lutté des années 50 à la fin des années 80. Il est monté au paradis des petites personnes en 1995 et a été intronisé au Wrestling Hall of Fame en 2003. On le voit ici en 1955, dans un combat contre Fussy Cupid.

La lutte, ça Presse !

Mademoiselle Ring

Vivian Vachon, première vedette féminine de la lutte québécoise, manifeste ici devant l’hôtel de ville, contre un règlement qui interdisait la lutte féminine dans la métropole ! Non, mesdames et messieurs, nous ne sommes pas en 1930, mais en 1973. Sœur de Mad Dog Vachon, Vivian a connu de belles années comme lutteuse aux États-Unis et au Japon. Elle est morte en 1991, happée par un chauffard.

La lutte, ça Presse !

Mad Dog, on t’aime

On aimait le haïr. Mais finalement, on l’aimait tout court. Lutteur olympique de formation, Maurice Mad Dog Vachon est le plus célèbre méchant de la lutte québécoise. Ses allures barbares et sa barbe méphistophélique ont inspiré plusieurs vilains. Confiné à un fauteuil roulant, après avoir perdu ses deux jambes, il est toujours bien vivant. Cette photo de 1974 le montre dans un (rare ?) moment de réflexion : je le mords ou je me soigne ?

La lutte, ça Presse !

Le cerveau

Qui est encore plus méchant que les méchants ? Réponse : leur gérant ! Acteur né, Eddy « The Brain » Creatchman a marqué l’inconscient collectif des Québécois par son côté excessivement provocateur. Il était juif, il était anglo, il empestait le cigare. Et ses déclarations incendiaires (« plus je pense aux Rougeau, plus je me dis que j’aime mieux les animaux ! ») en ont fait frémir plus d’un. Il est mort en 1994, au grand soulagement de certains.

La lutte, ça Presse !

Psychopathe du Soudan

Il ne vient ni d’Arabie ni du Soudan et son vrai nom est Lawrence Shreve. Mais tout le monde s’en souviendra comme d’Abdullah the Butcher, le plus sadique des Arabes. Sa carrière l’a mené aux quatre coins du monde, mais c’est au Québec qu’on le haïssait le plus ! À 73 ans, cet Américain est aujourd’hui propriétaire d’un restaurant chinois à Atlanta. On le voit ici en 2009, pour son dernier combat en carrière.

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