Analyse

Les méfaits des régimes à cotisations déterminées

La modeste bonification à venir du Régime de pensions du Canada (RPC) et, souhaitons-le-nous, du Régime de rentes du Québec (RRQ) ne pallie pas l’insuffisance des revenus espérés à la retraite pour un bon nombre de ceux et celles qui la prendront au cours des 20 prochaines années.

La firme d’actuaires Willis Towers Watson (WTW) a publié hier un chiffre qui donnera le frisson à tous ceux qui participent à un régime de retraite à cotisations déterminées (CD).

Selon son Indice de régimes de retraite CD, les fonds qu’on estimait requis pour prendre sa retraite à 66 ans en 2014 seraient maintenant suffisants seulement si on la reportait à 69 ans. Autrement dit, pour espérer ne pas manquer d’argent dans ses derniers jours, un participant à un régime CD devra s’astreindre à travailler trois ans de plus.

Voilà une bien vilaine nouvelle, capable à elle seule de gâcher les vacances de ceux et celles qui comptent vivre prochainement d’une rente viagère que pourraient leur procurer les cotisations versées au cours de leur vie professionnelle.

C’est aussi par ricochet une réalité amère pour bien des employeurs qui désirent renouveler leur personnel et qui offrent un régime CD : ils devront composer avec une proportion plus grande d’employés dont la seule motivation sera de s’assurer un revenu de retraite que leur régime n’a pu garantir.

Cela pourra ravir les économistes qui souhaitent que les Québécois travaillent plus longtemps pour compenser l’insuffisance de relève. C’est pourtant un secret de Polichinelle qu’un grand nombre d’employeurs préfèrent un jeune plus féru de nouvelles technologies à un travailleur très expérimenté au sommet de l’échelle salariale.

Historiquement, le système de retraite canadien faisait envie. Il repose sur trois piliers.

Le premier est public et comprend trois volets : la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti (pour les moins nantis) et le RPC-RRQ dont les coûts sont partagés moitié-moitié entre employeurs et employés. C’est celui qu’on veut modifier à compter de 2019.

Le deuxième est constitué des multiples formes d’épargne individuelle : REER, CELI, édifices à revenus, valeurs mobilières.

Le troisième enfin est représenté par les régimes complémentaires de retraite. Ils sont de deux types : à prestations déterminées (PD) ou à cotisations déterminées (CD).

Depuis le début du siècle, la chute des taux d’intérêt et l’augmentation de l’espérance de vie ont rendu les coûts des régimes PD souvent exorbitants pour les entreprises.

Un régime PD garantit au retraité une prestation à vie, quels que soient les rendements de la caisse de retraite. En cas de déficit, l’employeur doit remettre le régime à flot par des contributions supplémentaires, parfois faramineuses au point de compromettre la survie de l’entreprise. (Il est attrayant en revanche pour l’employé qui peut planifier sa retraite, voire sa préretraite, en toute connaissance de cause.)

Voilà pourquoi de plus en plus de promoteurs convertissent leurs régimes PD en régimes CD. Cela leur permet de prévoir ce qu’ils auront à dépenser. En revanche, le risque est désormais sur les épaules des employés qui devront planifier leur retraite en fonction du capital accumulé et de l’estimation de leur longévité. Choses difficiles à prévoir.

L’indice de WTW fait ressortir le stress accru pour les prochains retraités de ce choix qui paraît avisé d’un point de vue d’entreprise.

Un sondage de la firme mené auprès de 122 employeurs fait ressortir que cette réalité les préoccupe beaucoup désormais. Près de trois répondants sur cinq (58 %) qui offrent un régime CD considèrent que la suffisance des revenus de retraite de leurs employés est le risque le plus important de leur régime.

Ce résultat vient confirmer un sondage mené par la firme Aon Hewitt qui indique que 43 % des promoteurs de tels régimes entendent mesurer la suffisance du revenu de retraite. En 2013, la proportion était de 25 % seulement.

Du côté des employés, cotiser davantage pour s’assurer un revenu de retraite adéquat paraît souhaitable. Un autre sondage de WTW mené l’an dernier auprès de 2003 Canadiens montre que 62 % seraient prêts à cotiser davantage puisqu’un sur trois est déjà d’avis qu’il devra retarder l’âge de sa retraite.

Cela montre bien qu’un régime complémentaire de retraite représente un avantage social de la plus haute importance pour qu’un employeur fidélise ses employés sans qu’ils deviennent un frein à l’innovation.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.