Chronique

La fierté a
(à nouveau)
une ville…

Pour son 372e anniversaire, que l’on fête aujourd’hui, Montréal s’offre une série en demi-finale. Une série improbable qui fait déjà rêver d’une 25e Coupe pour le 25e anniversaire de P.K. Subban…

Pas mal.

Surtout que les réussites du Canadien ne peuvent mieux tomber. Elles surviennent au moment où Montréal semble recommencer à croire en lui-même, une fierté nouvelle que les succès de son équipe pourraient bien exalter.

« Au travers de ses exploits sur la patinoire, le Canadien galvanise les aspirations d’une ville qui semble vouloir reprendre de l’ascendant », confirme André Richelieu, professeur titulaire et expert en marketing du sport à l’Université Laval.

D’autant, ajoute-t-il, que cela survient alors qu’on se remet à parler du retour des Expos. Il y a loin du Trophée des commissaires aux lèvres, on s’entend, mais le seul fait d’en jaser, comme on jase de la Coupe du monde de soccer en 2026, peut remonter le moral de la ville (pas juste de son maire).

« Le sport n’est pas un remède miracle, mais il peut mettre du baume au cœur, panser certaines plaies, indique André Richelieu. Pensons à la Coupe du monde de rugby en Afrique du Sud, en 1995. Il peut aussi redonner confiance aux citoyens, au point de devenir un tremplin vers des temps meilleurs. Pensons à la Pologne, en 2012, lorsqu’elle a coorganisé l’Euro. »

Bref, le sport n’est pas que du sport. C’est aussi une façon pour les villes de se « placer s’a map », de se gonfler d’orgueil. Montréal est indissociable du Canadien, et le Canadien est indissociable de Montréal. Dans la défaite, comme dans la victoire…

« Cela s’inscrit dans une stratégie de “place branding” que les villes et les pays privilégient de plus en plus pour se développer, précise André Richelieu.

« Le Canadien contribue au rayonnement de Montréal. C’est une association de marque qui prend encore plus de valeur lorsque l’équipe redevient une aspirante sérieuse à la Coupe. »

— André Richelieu

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« Montreal’s back ! », a lancé Denis Coderre devant la Chambre de commerce de Manhattan, le mois dernier. Une déclaration qui nous rappelait que la métropole n’avait pas eu de vendeur à sa tête depuis belle lurette.

Certains ont reproché au maire son optimisme, d’autres ses nombreux voyages alors qu’il y a tant à faire ici même. Mais au contraire, Denis Coderre semble avoir compris l’importance de l’image que projette la ville à l’étranger… et de l’image que les citoyens se font de leur propre ville.

La relance d’une métropole n’est pas qu’affaire de chiffres et de mises en chantier. C’est aussi une question de confiance et de fierté (parlez-en aux gens de Toronto…).

Pour qu’une ville ait le vent dans les voiles, elle doit d’abord choisir son cap. Elle doit montrer qu’elle sait où elle s’en va et qu’elle est capable d’y arriver. Ce qu’a été incapable de faire Montréal ces dernières années, mais qu’a réussi à merveille Québec, qui connaît un impressionnant renouveau.

La capitale a certes profité du 400e anniversaire, mais ce n’est pas le 400e comme tel qui a ramené la fierté dans la capitale. C’est ce que le maire Labeaume a réussi à en faire. Il s’est servi de cet anniversaire pour montrer aux citoyens que leur ville est capable de grandes choses.

Même chose avec le retour des Nordiques. Que l’équipe revienne ou non, le seul fait d’y penser, d’en jaser, d’en rêver a pour effet d’enfiévrer la population, de susciter de l’espoir, de faire croire en cette ville en pleine lancée. Un phénomène qui, à son tour, donne espoir et fierté aux citoyens.

C’est le principe de la fameuse saucisse vendue dans les amphithéâtres.

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« Le sport est un puissant vecteur de cohésion sociale, il engage la conversation et rassemble les gens d’une communauté, indique André Richelieu. Le sport accroît aussi le sentiment d’appartenance, la fierté et la passion d’une ville, d’une région, d’un pays… surtout en cas de victoire. »

Le début de la finale de l’Est, cet après-midi, constitue donc un moment important pour Montréal, même si cette série de matchs se termine éventuellement par quatre défaites aux mains des Rangers. Il envoie le message, d’une façon ou de l’autre, que la métropole est encore capable.

« Lorsque l’équipe gagne, comme elle le fait actuellement, le “storytelling” vient cristalliser le lien émotionnel fort qui lie les partisans à l’équipe », explique l’expert en marketing du sport.

Un espoir qui peut apporter de nombreux effets, certains quantifiables, d’autres non. Des chercheurs européens ont observé une hausse de 0,7 % du PIB l’année où un pays remporte le mondial de foot. Une étude américaine a même noté une hausse moyenne des revenus par personne de 140 $ dans les villes ayant remporté le Super Bowl !

Mais au-delà de ces chiffres contestables, il y a une effervescence qui, elle, ne l’est pas. Une effervescence qui crée de l’optimisme, de la confiance, de l’espérance… de la fierté.

Précisément ce qui manquait à Montréal.

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