Énergie

Alcoa pourrait déclencher une spirale funeste pour Hydro-Québec

Hydro-Québec assumera un manque à gagner de 220 millions de dollars par an si le gouvernement se rend aux arguments d’Alcoa et annule la hausse prévue de sa facture d’électricité.

Or, les pertes de revenus d’Hydro-Québec pourraient exploser si Rio Tinto Alcan et les autres entreprises énergivores présentes au Québec exigent le même traitement qu’Alcoa.

« Il n’y a pas que les alumineries qui souffrent parce que les tarifs d’Hydro-Québec ne sont plus compétitifs dans le contexte énergétique d’aujourd’hui », a commenté hier le porte-parole des grands consommateurs industriels d’électricité, Luc Boulanger.

Des entreprises d’autres secteurs, comme la pétrochimie, en sont à remettre en question leurs investissements depuis un certain temps déjà, selon lui.

L’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE) n’est pas surprise qu’Alcoa dise se préparer à quitter le Québec. Ça fait longtemps que son directeur général sonne l’alarme.

« Le tarif L ne fait plus la job, même le gouvernement l’a reconnu dans sa politique économique en offrant des rabais d’électricité aux entreprises qui voudraient s’implanter au Québec », a-t-il souligné.

Luc Boulanger ne comprend pas pourquoi la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, persiste à dire que les tarifs industriels du Québec sont dans la moyenne des tarifs en vigueur ailleurs dans le monde. « Il y a de meilleurs tarifs qu’au Québec ici, en Amérique du Nord, et pas seulement dans des endroits éloignés comme le Moyen-Orient », dit-il.

Dans le mémoire qu’elle a soumis à la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, l’AQCIE a donné l’exemple d’un de ses membres qui a des usines au Québec et aux États-Unis. Cette entreprise, qui n’est pas une aluminerie, paie son électricité moins cher dans l’État de New York (4,33 cents le kilowattheure) qu’au Québec (4,34 cents le kilowattheure).

Les alumineries qui bénéficient de contrats à partage de risque paient actuellement autour de 3 cents le kilowattheure. Elles réclament le renouvellement de ces contrats à long terme qui lient le prix de l’électricité à celui de l’aluminium et qui tirent à leur fin. C’est la différence entre les tarifs actuels et les tarifs applicables à la fin des contrats secrets qui risque de faire mal à Hydro-Québec, si le gouvernement accepte d’annuler la hausse prévue.

Alcoa, qui est le plus important client d’Hydro-Québec, sera la première entreprise à faire face au choc tarifaire de la fin de son contrat à partage de risque, le 31 décembre 2014. Sa facture d’électricité bondirait de 60 %, ce qui l’a conduite à aviser Hydro-Québec qu’elle pourrait fermer boutique dans un an.

En plus de la hausse de ses coûts d’électricité au Québec, Alcoa doit composer avec la déprime du marché de l’aluminium, qui force les producteurs à réduire leurs dépenses partout dans le monde. L’entreprise a déjà réduit sa capacité de production à Baie-Comeau et elle envisage de la réduire d’encore 11 %, ou 460 000 tonnes, d’ici la fin de 2014.

Les quatre usines d’Alcoa au Québec ont une capacité de production de près d’un million de tonnes par an.

Énergie

Une catastrophe pour Baie-Comeau, selon les syndicats 

Le Syndicat national des employés de l’aluminium de Baie-Comeau déplore le fait que la compagnie Alcoa ait décidé d’amener sur la place publique ses négociations avec Québec sur ses futurs tarifs d’électricité, un geste qui ne fait qu’amplifier l’inquiétude des 900 travailleurs de l’usine.

« On sait bien qu’il s’agit d’une stratégie de négociation, mais on la prend au sérieux parce que la modernisation de l’usine est retardée et que des salles de cuves sont fermées », a lancé Michel Desbiens, président par intérim du syndicat. « Depuis la première annonce de modernisation en 2002, on a fait plusieurs concessions. C’est le temps de ravoir un retour d’ascenseur. »

Pour le président du conseil central Côte-Nord de la CSN, Guillaume Tremblay, c’est carrément l’avenir de la Manicouagan qui est en jeu. « L’impact de la perte de 900 emplois serait catastrophique pour Baie-Comeau, une ville de 22 000 habitants », a-t-il lancé en rappelant qu’un emploi en aluminerie en génère sept dans les PME locales.

Les deux syndicalistes conviennent toutefois qu’Alcoa a de bonnes raisons de craindre une hausse de ses tarifs d’électricité, devant l’état actuel du marché. « Il y a quelques années, l’aluminium était à 3000 $ la tonne et présentement, c’est autour de 1800 $ la tonne. C’est sûr que ça ne fait pas la job », a souligné M. Desbiens.

— Steeve Paradis, Le Soleil

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